Par Jean-Pierre Mbelu
Bien que ne disant pas expressément comment procéder pour « que les médiocres dégagent », le Cardinal Monsengwo évoque la fonction prophétique de l’Eglise, le rôle de « veilleur » qu’il assume en décidant de parler à temps et à contretemps. En effet, exégète de formation et de métier, le Cardinal Monsengwo est supposé savoir que le mot « nabi » traduit par « prophète » est synonyme d’intellectuel. « Ceux qu’on appelait des prophètes se livraient à des analyses politiques et prononçaient des jugements moraux. A l’époque de la Bible, ils étaient haïs et méprisés. On les jetait en prison ou on les envoyait dans le désert parce qu’ils étaient dissidents. » (N. CHOMSKY, Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz, Paris, Les Arènes, 2001)
Ses analyses politiques et ses jugements moraux s’inscrivent dans cette longue tradition prophétique. Les lecteurs des prophètes Osée, Michée, Amos, Isaïe, etc. en savent quelque chose. Amos est même dénommé »prophète de la justice sociale ».
Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique
Ignorer cette tradition prophétique incite à demander aux pasteurs (ou aux prêtres) d’être »au milieu du village » et pas aux côtés des pauvres, des indigents, des petits et des autres laissés-pour-compte. Quand il dit : »Nous demandons aux uns et aux autres de faire preuve de sagesse et de retenue. Que des mystifications présentées comme informations véridiques et fiables. Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RD Congo. » Il fustige la folie des médiocres et leur manque de modération. La folie c’est de pervertir sa relation aux autres et à l’Autre.
Les médiocres pervertissent leur relation aux autres en les rabaissant au rang des esclaves privés de la possibilité de protéger et de conserver leur vie. Ils les criminalisent et les manipulent à travers des éléments de langage au service des »mystifications présentées comme des informations véridiques et fiables ». Ils pervertissent leur relation à l’Autre en réduisant toutes les valeurs transcendantales (et universelles) à leur »ventre ».
Comment un Accord a-t-il pu être conclu avec des médiocres fondés sur un système mensonger? Quand y a-t-il eu cette prise de conscience du mensonge systémique comme matrice organisationnelle des médiocres? Laurent-Désiré Kabila n’avait-il pas déjà, en son temps, parlé de ces médiocres en les qualifiant de »conglomérat d’aventuriers »? Comment en sommes-nous arrivés là?
Ils recourent à la novlangue pour parler de la paix quand ils font la guerre, de l’amour quand ils sont pleins de haine, de la justice quand ils ont pris l’option pour une impunité crasse et perpétuelle. Et ils ont comme matrice organisationnelle de »leur pouvoir-os » »le mensonge systémique ». C’est-à-dire que le mode opératoire de tout »leur pouvoir-os », depuis la guerre de l’AFDL jusqu’à ce jour est mensonger.
Quand le Cardinal Monsengwo demande « que les médiocres dégagent » tout en fustigeant leur « mensonge systémique », il soulève quelques questions chez certains de ses lecteurs et/ou auditeurs : « Comment un Accord a-t-il pu être conclu avec des médiocres fondés sur un système mensonger? Quand y a-t-il eu cette prise de conscience du mensonge systémique comme matrice organisationnelle des médiocres? Laurent-Désiré Kabila n’avait-il pas déjà, en son temps, parlé de ces médiocres en les qualifiant de »conglomérat d’aventuriers »? Comment en sommes-nous arrivés là? »
De la médiocratie…
Des tentatives de réponses à ces questions pourraient inciter à prendre en compte la diversité de »médiocres » telle que présentée par Patrick Mbeko. A mon avis, elle a l’avantage d’insinuer une responsabilité collective dont plusieurs d’entre nous devraient tenir compte afin de voir comment balayer devant sa propre porte en vue d’un proche engagement individuel et collectif conséquent.
Quand un politicien congolais invite à éviter « la France bashing » au moment où « le pays des droits de l’homme » bloque une condamnation de l’Union Européenne au sujet des violences exercées à l’endroit de nos compatriotes le 31 décembre 2017, il devient nécessaire que la dimension internationale de la médiocratie soit pointée du doigt.
Les approches d’Alain Deneault dans »La médiocratie » (2015) et dans »Le totalitarisme pervers. Aux origines de la médiocratie » (2017) pourraient féconder la problématique provoquer par le Cardinal Monsengwo. Elles peuvent nous rappeler le poids de »nouveaux cercles de pouvoir » dans la production des médiocres et son »internationalisation ».
Quand un politicien congolais invite à éviter « la France bashing » au moment où « le pays des droits de l’homme » bloque une condamnation de l’Union Européenne au sujet des violences exercées à l’endroit de nos compatriotes le 31 décembre 2017, il devient nécessaire que la dimension internationale de la médiocratie soit pointée du doigt.
Alain Deneault indique quelques exemples de lutte concrète contre la médiocratie et propose »une révolution ». En le lisant, je me suis dit : »C’est vrai. Le Congo-Kinshasa n’est pas une île. » (à suivre)
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961