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Prof André Mbata Mangu : L’article 70 ne parle pas de l’élection, mais de l’installation effective du nouveau Président élu.

Prof André Mbata Mangu : L’article 70 ne parle pas de l’élection, mais de l’installation effective du nouveau Président élu.

Prof André Mbata Mangu : L’article 70 ne parle pas de l’élection, mais de l’installation effective du nouveau Président élu. 500 376 Ingeta

Par Jacques Nkale Buanga

L’universitaire congolais dont le nom signifie « gifle » dans l’une des langues nationales vient de décrocher une « gifle fatale » à la kabilie et à la Majorité présidentielle (MP) tout entière en ridiculisant par une seule phrase tous les membres des « labos » juridiques obscurs de cette Majorité qui pour soutenir Corneille Nangaa, leur pion de la CENI, auront passé des semaines blanches à trouver ce recours en interprétation constitutionnelle comme leur réponse miracle au Front Citoyen 2016, à la Dynamique de l’Opposition, au G7, à l’écrasante majorité des intellectuels et citoyens congolais farouchement opposés à la prolongation du mandat de Joseph Kabila au-delà du 19 décembre 2016.

Le slogan «Ewumela » (longue vie…à la Constitution) qu’il avait lancé le 20 février 2016 lors de la clôture du Colloque international de l’IDGPA sur les 10 ans de la Constitution en remplacement du fameux « Owumela » (Règne éternellement …oh ! Raïs) a déjà franchi les limites nationales et constitue la principale pierre d’achoppement qui fera bientôt chavirer le bateau du « Dialogue » piloté par le « capitaine » togolais Edem Kodjo sur instruction de Joseph Kabila avec l’assistance technique de Madame Zuma, la présidente de l’Union africaine, et de son ex-mari Jacob Zuma, le président sud-africain, qui n’a aucun conseil à donner en ce qui concerne le respect du serment constitutionnel.

Injoignable depuis plusieurs jours à cause de ses nombreux travaux de recherche, le Prof André Mbata vient d’être retrouvé… en mission de consultation auprès de nouvelles autorités centrafricaines à Bangui avant un voyage imminent pour les Etats-Unis où l’unique universitaire africain qui a écrit deux livres sur Barack Obama lui fera parvenir un important message avant qu’il ne quitte la Maison Blanche le 20 janvier 2017 à midi, soit environ un mois après le départ de Joseph Kabila du Palais de la Nation. Le constitutionnaliste répond ici aux questions de notre confrère Jaques Nkale Muana et donne des réponses qui assomment la kabilie et devraient inspirer les partisans de l’alternance politique en 2016.

Question : Prof André Mbata, vous êtes actuellement en mission à Bangui, quel est l’objet de votre mission en Centrafrique ?
André Mbata : La République centrafricaine sort d’une longue période de guerre qui a nui à son développement et à celui de l’ensemble de l’Afrique. Des élections pacifiques ont eu lieu. Un nouveau président a été élu qui vient de nommer son gouvernement. Comme ils l’ont souhaité, ils en ont besoin et c’est notre devoir de les accompagner sur la voie de la consolidation de l’état de droit démocratique dans ce pays qui a connu une monarchie impériale qui inspire plusieurs dirigeants de l’Afrique centrale et celle de la Région des Grands Lacs qui restent sourds à tous les conseils, cherchent par tous les moyens à se cramponner au pouvoir, et refusent de comprendre qu’il y a une vie après la présidence.

Question : Que pensez-vous de la Résolution 2277 que le Conseil de Sécurité vient d’adopter sur la RDC, votre pays?
André Mbata : Je l’ai déjà déclaré sur Radio Okapi. Il s’agit d’une très bonne résolution pour ceux qui aiment la Constitution et le peuple congolais. Elle ne peut que donner de sueurs froides ou des insomnies à ceux qui aiment plus des individus et qui s’aiment eux-mêmes plus que leurs propres peuples. Cette résolution qui maintient intacts les effectifs de la MONUSCO et qui exige le respect de la Constitution en ce qui concerne notamment la tenue des élections présidentielles et législatives en novembre 2016 honore également le peuple congolais qui avait adopté cette constitution par référendum à une majorité écrasante d’environ 85%.

Le Président de la République reste en fonction non pas jusqu’à l’élection d’un nouveau président, mais bien jusqu’à l’installation effective d’un nouveau président élu. C’est du « français facile ».

Question : Mais le Ministre des Affaires Etrangères et le « Vuvuzela national » congolais (Ministre de l’Information) ont qualifié le Conseil de Sécurité d’irresponsable et considéré que la Résolution n’était qu’une simple recommandation !
André Mbata : Dommage que le Ministre des Affaires Etrangères dont on appréciait la modération ait rejoint celui que vous appelez notre « Vuvuzela national » en tenant des tels propos « irresponsables ». Pourtant, suivant l’article 24. 1 et l’article 25 de la Charte de l’ONU, les décisions du Conseil de Sécurité comme la Résolution 2277 s’imposent à tous les pays membres, et dans ce cas précis à la RDC. Il ne s’agit donc pas de simples recommandations. Cette Résolution avait du reste été adoptée à l’unanimité de tous les membres du Conseil de Sécurité présidé par l’Angola. On croyait que les pays amis de la RDC comme l’Angola et la Chine pouvaient voter autrement mais il n’y avait pas eu un seul vote négatif ni une seule abstention.

Question : Que pensez-vous du Dialogue politique en préparation en RDC?
André Mbata : Le dialogue est permanent dans tout régime qui se veut démocratique. Mais un dialogue qui viserait à violer ou à contourner la loi suprême du pays pour créer une présidence éternelle serait indiscutablement condamné à l’échec. L’intérêt du peuple qui tient au respect de sa Constitution devrait prévaloir sur celui d’un homme et d’un groupe d’individus vivant à ses dépens comme tout flatteur de La Fontaine dans son intéressant morceau: « Le corbeau et le renard ».

Question : Un mot du constitutionnaliste au sujet du recours en interprétation que les Députés de la Majorité Présidentielle (MP) se préparent à introduire auprès de la Cour constitutionnelle, l’un des angles de ce que vous aviez appelé « Le Triangle du glissement » – les deux autres angles étant le Gouvernement et la CENI – pour amener la Cour à déclarer que l’article 70 alinéa 2  de la Constitution permettrait à Joseph Kabila de rester en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau Président de la République, même si cette élection devait avoir lieu en 2050? La pétition aurait déjà reçu plus de 100 signatures et Joseph Kabila s’apprêterait à recevoir les pétitionnaires à Kingakati pour les remercier et les encourager.
André Mbata : J’en été informé. Cependant, une disposition aussi claire ne demande pas d’interprétation. Le Président de la République reste en fonction non pas jusqu’à l’élection d’un nouveau président, mais bien jusqu’à l’installation effective d’un nouveau président élu. C’est du « français facile ». L’article 70 ne parle pas de l’élection, mais de l’installation effective du nouveau Président élu. Ceci implique que Les élections doivent impérativement avoir lieu en 2016 et un nouveau Président doit avoir été élu avant pour être installé le 19 décembre 2016. Sur cette question de la durée du mandat aussi bien que celle de l’impeachment du Président en cas de haute trahison ou de manquement grave (Articles 164 – 167), la Constitution de la RDC s’est inspirée du système américain.

Dans l’état actuel des choses, si l’élection n’est pas organisée d’ici le 19 décembre 2016, la fin du second et dernier mandat du Président Joseph Kabila créera une vacance de la Présidence de la République pour cause d’empêchement définitif, son mandat étant irrévocablement arrivé à son terme.

Question : Prof, puisque vous faites aussi du droit constitutionnel comparé, nous savons que les Américains en sont encore aux primaires, que l’élection présidentielle doit avoir lieu en novembre 2016 et que le « nouveau président américain élu » entrera en fonction le 20 janvier 2017 à midi. Que peut-il arriver si avant cette date aucune élection présidentielle n’a été organisée ?
Andre Mbata Mangu : D’ abord, c’est une hypothèse invraisemblable car on est connu à l’avance que le Président américain a un mandat de 4 ans renouvelables une seule fois. Toutefois, si jamais un nouveau président américain n’était pas élu pour succéder à Barack Obama et entrer en fonction le 20 janvier 2017 à midi, il n’y aurait aucun recours introduit auprès de la Cour suprême des Etats-Unis et aucune déclaration ou action du Parti démocrate dans le sens contraire. Obama ne serait pas autorisé à passer une seule seconde, une seule minute, une seule heure, ni un seul jour supplémentaire à la Maison Blanche. La présidence intérimaire reviendrait au Congrès (Parlement), plus spécialement au Président du Sénat. Le Président Michel Martelly de Haïti vient d’en donner aussi l’exemple.

Question : Le Président du Sénat deviendrait donc Président de la République par intérim en cas de la non-tenue de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels alors qui lui-même a déjà « glissé » comme on dit au Congo et qu’il n’a plus aucune légitimité populaire ?
André Mbata Mangu : Politique comme devrait l’être tout intellectuel et tout citoyen responsable qui ne saurait se désintéresser des affaires de sa société ou de sa cité (Polis en grec), je ne suis cependant pas un politicien. Défenseur acharné du respect de la Constitution comme gage de l’Etat de droit démocratique dans mon pays, je pense qu’il nous faut rester sur le terrain juridique et pousser la logique du droit jusqu’au bout. Qu’on l’adore ou qu’on le haïsse, l’argument devenu vulgaire en RDC et suivant lequel le Président du Sénat qui aurait lui-même déjà « glissé » ou perdu la légitimité populaire faute d’élections sénatoriales ne pourrait pas devenir président intérimaire suivant les articles 75 et 76 relève d’une hérésie et d’une cécité constitutionnelle car il n’a malheureusement aucun fondement en droit positif congolais. Rien ne le lui interdit dans la Constitution.

Il y a une différence entre la légitimité et la légalité. Il peut avoir perdu la première mais il conserve la seconde qui nous intéresse en droit. Dans l’état actuel des choses, si l’élection n’est pas organisée d’ici le 19 décembre 2016, la fin du second et dernier mandat du Président Joseph Kabila créera une vacance de la Présidence de la République pour cause d’empêchement définitif, son mandat étant irrévocablement arrivé à son terme. Un gouvernement responsable devra alors saisir la Cour constitutionnelle pour déclarer la vacance de la Présidence de la République et investir le Président du Sénat comme Président de la République par intérim. J’espère cependant qu’on n’en arrivera pas là et que la Constitution sera respectée tout comme j’ai des doutes qu’un gouvernement irresponsable et une Cour constitutionnelle dépourvue de toute indépendance puisse comprendre et appliquer le doit et le bon droit.

Question : Revenons, Professeur, au recours en interprétation de l’article 70 alinéa 2 des Députés de la MP.
André Mbata: La matière est prévue à l’article 161. La Cour constitutionnelle peut être saisie des recours en interprétation de la Constitution soit par le Président de la République, soit par le gouvernement, soit par le Président du Sénat, soit par le Président de l’Assemblée nationale, soit par un dixième des membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat, des Gouverneurs de provinces et des présidents des Assemblées nationales. Les députés de la MP pourraient donc introduire un recours en interprétation de la Constitution même si le mobile de maintenir leur Autorité Morale au pouvoir au-delà des délais constitutionnels serait moralement et démocratiquement condamnable. Le problème se pose cependant de savoir si la Cour constitutionnelle qui n’a pas encore convaincu qu’elle n’est pas un bras séculier du gouvernement ni une section de la MP parviendra à lire correctement ce « français facile » de l’article 70 en le combinant avec l’article 73.

A force de vouloir jouer avec le feu dévorant du peuple et de sa Constitution, on ne finit pas par se casser comme dans le cas d’un simple « glissement » ou d’une « glissade » comme on le dit en RDC. Plus grave, on finit par être consumé.

Question : A votre avis, quelle devrait être la réplique des forces populaires acquises au changement face à cette nouvelle manœuvre des politiciens du ventre et adeptes du status quo en RDC?
André Mbata : Je n’ai pas reçu une quelconque demande de consultation, même si celle-ci pouvait être gratuite. Toutefois, le constitutionnaliste ne saurait se désengager et rester indifférent à cette énième trouvaille des laboratoires de « l’inanition de la nation ».

Question : Que diriez-vous alors à l’Opposition  si elle vous consultait?
André Mbata: Ma réponse est simple. Je vais recommander la même démarche constitutionnelle: préparer un recours en interprétation qui va contrer celui des artisans de la « monarchie présidentielle ». Je rappelle qu’un dixième des membres de chaque chambre parlementaire, soit 50 députés nationaux sur les 500 ou 12 Sénateurs sur les 120, constitue un nombre suffisant pour introduire un recours en interprétation de la Constitution suivant son article 161. Or l’Opposition compte plus de 50 Députés nationaux et plus de 12 Sénateurs qui peuvent donc déposer valablement leurs propres recours en interprétation devant la Cour constitutionnelle. De tels recours peuvent provenir soit de l’Assemblée nationale, soit du Sénat mais pour mettre fin à l’aventure de ceux qui s’amusent impunément avec la Constitution, la loi suprême du pays, je conseillerais non pas un seul recours qui serait d’ailleurs suffisant, mais deux recours dont l’un proviendrait de l’Assemble nationale (50 Députés au moins) et un autre du Sénat (12 Sénateurs au moins).

Question : Quel serait l’objet de ce double recours en interprétation ?
André Mbata: L’unique été même objet serait l’interprétation de l’article 73 de la Constitution qui dispose que le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la CENI 90 jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice. Pour éviter que des apprentis sorciers juristes ou constitutionnalistes énervent ou importunent continuellement le peuple et sa Constitution, je conseillerais aux Députés nationaux et aux Sénateurs qui aiment la Constitution de ne même pas attendre son dépôt ou de ne pas perdre leur temps à discuter sur le recours de leurs collègues de la MP en interprétation de l’article 70. Ils devraient sans délai réunir les signatures (50 Députés nationaux ou 12 Sénateurs au moins) et déposer leurs recours en interprétation de l’article 73 pour contrer celui de la MP et qui amener la Cour constitutionnelle à déterminer d’ores et déjà la date exacte de la convocation du scrutin pour l’élection présidentielle.

Les arrêts de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires (Article 168). Je ne vois pas une Cour constitutionnelle digne de ce nom qui ne déclarerait pas que l’élection présidentielle doit avoir lieu impérativement en 2016 ainsi que décidé par le Conseil de Sécurité dans sa Résolution 2277. Et le débat sur cette question serait définitivement clos. A force de vouloir jouer avec le feu dévorant du peuple et de sa Constitution, on ne finit pas par se casser comme dans le cas d’un simple « glissement » ou d’une « glissade » comme on le dit en RDC. Plus grave, on finit par être consumé. Je suis presque certain que telle que préconisée dans cette énième leçon de droit constitutionnel qui leur est gratuitement donnée, une telle riposte des parlementaires acquis au changement amènera la MP à jeter sa copie à la poubelle.

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