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Produire nos propres idées et solutions : Un enjeu majeur pour les congolais

Produire nos propres idées et solutions : Un enjeu majeur pour les congolais

Produire nos propres idées et solutions : Un enjeu majeur pour les congolais 710 400 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte le débat à huis-clos au parlement congolais sur «l’insécurité à Beni » dans le contexte d’un Etat raté et de l’impuissance organisée au Congo, suggère de pouvoir travailler au renversement des rapports de force, met en perspective le processus d’extermination des congolais, et explique pourquoi nous devons créer davantage des lieux du savoir où les questions qui se posent à nous peuvent être approfondies et les propositions de solutions des compatriotes étudiées.

Sur le débat à huis-clos au parlement congolais sur «l’insécurité à Beni »

Le débat à huis-clos révèle la nature même des institutions congolaises. Elles sont vides de contenus et sont au service de la balkanisation du Congo et de l’extermination des congolais. Elles sont incapables d’associer l’ensemble du pays à un débat aussi important. Ce qui se passe à l’Est de notre pays est boutiqué depuis les années 1960. Ce plan a déjà été déjoué par les congolais éveillés. Pour éviter que la prise de conscience des congolais puisse aller croissante, on en fait une question à débattre à huis-clos.
Si nous avions des institutions responsables, dans chaque province du Congo, un débat public aurait pu être organisé pour permettre aux congolais de se saisir de la question. Il n’y a même pas de manifestation publique organisée par les institutions du pays pour pouvoir éveiller la conscience congolaise à cette question sensible. Il ne faut pas être un grand clerc pour comprendre que ces institutions là sont complices de ce qui se passe à l’Est du pays. La meilleure chose à faire serait de rompre avec ces institutions complices de ce qui se passe dans l’Est du pays.

Sur l’impuissance organisée

Ces institutions congolaises vides de contenus sont fondées sur un faux processus politique. Il faut sortir de ce faux processus, qui est un business qui a permis à certains compatriotes ayant trempé dans des crimes de sang de pouvoir se retrouver ministre ou député, ici et là. Dans sa conférence de presse du 24 mars dernier, Lambert Mende a dit clairement que les puissances extérieures ont travaillé avec des groupes criminels pour imposer une guerre endémique au cours de laquelle des citoyens paisibles ont été massacrés. Le processus politique dans lequel le pays se retrouve aujourd’hui est issu de cette guerre endémique créée, fomentée de toutes pièces par les grandes puissances.

Sur la formation à la citoyenneté

Une certaine partie de notre population est au courant de ce qui se passe à l’Est du pays. Mais sans une bonne éducation à la citoyenneté, comprendre le sens de ce qui se passe dans notre pays n’est pas aussi facile qu’on ne le croit.
Il y a un travail de formation à la citoyenneté, qui devrait être mené pour pouvoir éveiller les consciences et aider les compatriotes à comprendre que nous n’avons pas d’autre pays que celui-là. Si nos terres sont dépeuplées à l’Est, petit à petit, elles finiront par être dépeuplées ailleurs dans le pays. C’est aujourd’hui, ici et maintenant, que nous devons pouvoir nous mobiliser comme un seul homme pour mettre fin à ce dépeuplement là.

Sur le renversement des rapports de force

Les convaincus sont là, ils sont en train de s’organiser, de manière rationnelle et raisonnable pour qu’il y a de plus en plus un maximum de convergences mais nous n’arriverons pas à un consensus maximal. Il faudra qu’à un certain moment, ceux qui ont compris, puissent constituer une force avec les masses paysannes qui sont maintenant chassées de nos terres pour pouvoir travailler au renversement des rapports de force. C’est quand les rapports de force seront renversés que les autres pourront peut-être suivre. En renversant les rapports de force, on peut créer des lieux de débats et d’échanges, des lieux de la palabre qui pourraient aussi devenir des lieux d’apprentissage et d’éducation à la citoyenneté.
Il y a comme une priorité de pouvoir renverser les rapports de force, résoudre la question de la direction du pays et puis voir comment procéder à cette éducation qui pourra petit à petit à aider à l’éveil des consciences.

Sur le sens du conflit et la citoyenneté

Le conflit conduit au débat et ce qu’on pourrait appeler un désaccord fondateur. Vous arrivez à un consensus avec le maximum de compatriotes, qui tirent à une même corde et vous en avez qui vous posent des petites problèmes liés à des désaccords qui pourront la fois prochaine relancer le débat. Le consensus peut donc être trouvé avec le maximum de compatriotes sans que le conflit soit évacué du débat. Parce que le conflit est le moteur même du débat. Voilà pourquoi nous estimons qu’il peut être géré sans que les congolais qui entrent en conflit puissent se massacrer.
Le conflit traduit aussi nos limites cognitives. Nous n’avons pas toujours une même compréhension ou un même approfondissent des questions.
Nous devrions beaucoup plus aller vers la mise sur pied de collectifs citoyens qui instituent le débat, la délibération et la participation citoyenne comme un droit, et un écueil à gérer.

Sur les questions liées à la guerre de l’AFDL

Au fur et à mesure que les années passent, nous avons l’impression que les questions fondamentales liées à la guerre de l’AFDL disparaissent. Non. Nous devons pouvoir régulièrement revenir à certains motifs ayant conduit à cette guerre-là. Notre petit défaut est de croire qu’au fur et à mesure que les années passent, parce qu’on commence à nous raconter que le Congo est devenu une démocratie, les questions liées à l’hégémonie tutsi soutenue par les puissances extérieures a disparu. Non. Si ce n’était pas une question liée à l’hégémonie tutsi, on la résoudrait dans le contexte du panafricanisme. C’est-à-dire le Rwanda qui se sentirait à l’étroit, parce qu’il est surpeuplé, nous pourrions créer un cadre d’intégration politique, économique, sécuritaire avec les pays voisins dont le Congo, qui est en principe sous-peuplé, et dans ce cadre, le Congo pourrait accueillir certains rwandais. Mais les choses ne se passent pas de cette façon, parce qu’elles sont organisées sous forme de conquête hégémonique. Il y a beaucoup de nationalité sur le sol congolais, cela ne pose pas de problème. Mais cette autre nationalité, rwandaise, pose problème, parce qu’elle veut mener sa lutte hégémonique et dominer, soumettre. Ce qui fait plus ou moins partie de ce qu’on a appelé les accords de Lemera. Donc, tant que vous ne résolvez pas les questions qui se posent à vous, les questions que nous avons traîné avec la guerre de l’AFDL, elles finissent par rebondir.
Au lieu de nous entraîner dans un faux processus dit démocratique, nous devrions de ces questions et trouver comment créer des espaces de sécurité et des fédérations sécuritaires, et petit à petit, nous ouvrir petit à petit à l’intégration politique, économique, sociale et sécuritaire.

Sur l’extermination des congolais

L’extermination des congolais est aussi liée au fait que ceux qui exterminent nient l’humanité aux congolais. Le fait que le Congo ait des ressources minières importantes et stratégiques conduit certaines à croire que ceux qui habitent ce territoire n’ont aucune valeur humaine, et que c’est mieux de les exterminer pour pouvoir prendre possession de leurs terres et richesses. Il y a un problème sérieux de négation de la valeur humaine aux congolais.
Il ne faut pas oublier que parmi les gens qui interviennent à l’Est du Congo, il y a le fils d’un homme, Warren Buffet, qui a dit ceci : Nous les riches, nous sommes en guerre contre les pauvres et nous sommes en train de la gagner. Par moment, nous sombrons dans une confusion qui nous fait croire que les nègres de service que l’on trouve dans certaines institutions peuvent se mettre du côté des populations paupérisées. Non, ils ont choisi le camp des dominants. Ils sont utilisés par les dominants qui exterminent les pauvres.

Sur notre faiblesse

L’une des faiblesses qui pourrait compromettre notre lutte, c’est la vidéosphère. Depuis que certains compatriotes ont dit que chance eza eloko pamba, ils s’imaginent qu’ils peuvent en venir à bout de cette guerre perpétuelle aux enjeux multiples en se contentant de petits jeux sur les réseaux sociaux. Non, il y a un problème de formation et de lecture à faire, il y a des sources à creuser. Et la meilleure source traditionnelle est le livre. Aujourd’hui, nous avons une documentation très sérieuse sur ce qui se passe chez nous et nous devons pouvoir maîtriser cette documentation là.
Ceux qui sont en face de nous, commencent d’abord par créer des paradigmes et des idées. Il crée des lieux du savoir et de la fabrication des idées. Nous ne pouvons pas nous contenter de costumes-cravates et de poser à côté des envoyés spéciaux. Créons davantage des lieux où les questions qui se posent à nous peuvent être approfondies et les propositions de solutions des compatriotes étudiées. Sinon, nous allons tout le temps reconduire les solutions des autres et tomber dans le larbinisme qui nous conduit à croire que nos bourreaux peuvent, à force de nous voir pleurer, devenir nos sauveurs.

INGETA.

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LE CONGO

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