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« Prenez-vous en charge », dixit Etienne Tshisekedi

« Prenez-vous en charge », dixit Etienne Tshisekedi

« Prenez-vous en charge », dixit Etienne Tshisekedi 1024 576 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Nous estimons que ce bout de phrase pouvait être prononcé par Tshisekedi ou un autre Congolais. Il présente l’avantage d’ inviter les Congolais(es) à un certain sens de responsabilité.

Un texte est toujours polysémique. Il  est toujours souhaitable de le situer dans son contexte pour  une lecture conséquente. Polysémique, tout texte cesse d’appartenir uniquement à son auteur dès qu’il est livré au public. Il peut être lu de plusieurs manières. Il peut être livré à plusieurs interprétations. Le contexte, tout en jouant le rôle de garde-fou pour une interprétation proche de la pensée de l’auteur ne suffit pas pour que le texte échappe à la loi de la polysémie.

Tshisekedi et l’athéisme social

Pendant longtemps, le débat politique, au Congo-Kinshasa, est demeuré suffisamment pauvre. Il n’a pas promu le choc des idées, la discussion rationnelle et raisonnable, la participation et la délibération citoyenne en vue des décisions entraînant un  »bien-vivre-ensemble ».
Souvent, le débat congolais s’est focalisé sur certaines personnalités du monde politique. La Conférence Nationale Souveraine aurait pu être une exception à cette règle. A un certain moment, elle est devenue un lieu où tous  »les noms d’oiseaux » pouvaient être donnés à Monsieur Mobutu.

Au moment où plusieurs d’entre nous croyaient vivre sous un gouvernement des  »libérateurs », Etienne Tshisekedi fut l’un des rares Congolais à demander à  »son frère » de payer  »les voisins » pour les services rendus et de leur demander de rentrer chez eux. Cette demande lui ayant coûté la relégation sera exécutée tardivement vers la fin du mois de juillet et au début du mois d’août 1998.

Elle a fini par accoucher d’une souris. La guerre de l’AFDL, dite faussement  »guerre de libération » est venue  casser le peu espoir suscité par cette  rencontre congolaise. Depuis lors, l’espace public congolais tend à disparaître. Et il est rare que les véritables questions de société soient portées par des débats argumentés sur la place publique. La tendance est de transformer l’espace public en  un lieu où les masses populaires infantilisées font les éloges des  »nègres de service » de  »la communauté internationale ».

Le Congo-Kinshasa, transformé en  »une prison à ciel ouvert », depuis cette guerre raciste et de prédation sous-traitée par le Tutsi Power et ses complices congolais a pu avoir besoin de quelques  »athées sociaux », capables de nommer le chat par son nom. La relégation d’ Etienne Tshisekedi dans son village natal sous le régime de Mzee Laurent-Désiré Kabila fut lié à son  »athéisme social ». Au moment où plusieurs d’entre nous croyaient vivre sous un gouvernement des  »libérateurs », il fut l’un des rares Congolais à demander à  »son frère » de payer  »les voisins » pour les services rendus et de leur demander de rentrer chez eux. Cette demande lui ayant coûté la relégation sera exécutée tardivement vers la fin du mois de juillet et au début du mois d’août 1998.

Une néocolonie occidentale abusivement dénommée notre jeune démocratie

Les choix de  »la communauté internationale », après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila le 16 janvier 2001, ne seront pas de nature à faciliter l’ouverture de l’espace public au plus grand nombre de Congolais(es).  Certains  »athées sociaux » seront pris au piège des  »décideurs » à travers les différentes rencontres et les différents accords qu’ils signeront sans plus jamais chercher à approfondir les questions liées aux tenants et aux aboutissants de la guerre de l’AFDL, de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, de l’intrusion des  »Chevaux de Troie » du Tutsi Power dans les institutions congolaises et de leur noyautage par quelques sous-traitants de  »la communauté internationale ».

La mise du pays sous la tutelle de l’ONU à partir du mois de novembre 1999 avait fini par le transformer en  »une néocolonie occidentale » abusivement dénommée  »notre jeune démocratie ». Dans cette  »néocolonie », où des masses populaires appauvries, opprimées, réprimées, dégradées et assimilées aux  »indigents » , le besoin de  »tutorat », d’être  »paterné » ou  »materné » a conquis plusieurs cœurs et plusieurs esprits.

D’autres furent purement et simplement tués. D’autres encore ont pris le chemin de l’exil. D’autres enfin ont accepté de  »changer les choses à l’intérieur de ce sous-système » en en épousant les options patrimonialistes, clientélistes et kleptocratiques. La mise du pays sous la tutelle de l’ONU à partir du mois de novembre 1999 avait fini par le transformer en  »une néocolonie occidentale » abusivement dénommée  »notre jeune démocratie ».

Dans cette  »néocolonie », où des masses populaires appauvries, opprimées, réprimées, dégradées et assimilées aux  »indigents » , le besoin de  »tutorat », d’être  »paterné » ou  »materné » a conquis plusieurs cœurs  et plusieurs esprits. Dans cette  »néocolonie », l’infantilisme et/ou l’infantilisation devient un choix pour plusieurs compatriotes n’ayant pas bénéficié d’une éducation et d’une formation citoyenne à même de les transformer en véritables  »démiurges » de leur propre destinée.

Prenons-nous en charge?

C’est au cœur de cette  »néocolonie » occupée par le Tutsi Power et sous la tutelle de l’ONU que Monsieur Etienne Tshisekedi a dit à ses partisans et à ses compatriotes :  »Prenez-vous en charge ». Il n’a pas dit :  »Prenons-nous en charge ». Pourquoi  »vous » et pas  »nous » ?
Il est possible qu’après trois décennies de vie politique, il ait cru avoir donné le meilleur de lui-même et venu le moment de passer le relais. Il est aussi possible qu’il ait cru que son engagement politique, avec ses hauts et ses bas, peut avoir conduit certains de ses partisans et de ses compatriotes à avoir atteint une maturité pouvant leur éviter l’infantilisme et/ou l’infantilisation.

C’est au cœur de cette  »néocolonie » occupée par le Tutsi Power et sous la tutelle de l’ONU que Monsieur Etienne Tshisekedi a dit à ses partisans et à ses compatriotes :  »Prenez-vous en charge ». Il n’a pas dit :  »Prenons-nous en charge ». Pourquoi  »vous » et pas  »nous » ?

Il est enfin possible qu’il ait cru que le combat qu’il a mené ne peut connaître une bonne suite que s’il est porté par de masses relativisant  »les leaders charismatiques ». Il est quand même curieux que plusieurs compatriotes s’identifiant   à  »Tshitshi » ait trouvé dans ce bout de phrase,  »Prenez-vous en charge »,  »un testament » pour une lutte au nom de la démocratie et de l’Etat de droit malgré les critiques négatives formulées à son endroit.

Il est donc possible que  »Tshitshi » ait créé un mythe pouvant être lu différemment. Un mythe rejeté par les uns et acceptés par les autres ; un mythe pouvant avoir une certaine capacité de mobiliser chez les uns et pouvant être abandonné par les autres. Tout cela étant, nous estimons que ce bout de phrase pouvait être prononcé par Tshisekedi ou un autre Congolais. Il présente l’avantage d’ inviter les Congolais(es) à un certain sens de responsabilité.

Une nouvelle Conscience Congolaise

Il n’est pas compréhensible que plus  de cinq décennies après notre  »indépendance formelle » que nous nous complaisions, pour plusieurs d’entre nous, dans le rôle d’enfants paternés ou maternés, fiers d’être photographiés aux côtés de nos parrains et  »maîtres » ; que nous nous complaisions dans le rôle des sous-traitants dans un monde où Donald Trump dit à haute voix :  « America first ».

Nous prendre en charge, c’est rompre en conscience avec  »la soumission au second degré », comme dirait Mufoncol Tshiyoyo, créer des alliances durables avec nos intellectuels organiques et structurants pour être, au cœur des masses congolaises, les éveilleurs de La Nouvelle Conscience Congolaise. Il y a va d’un choix de responsabilité citoyenne.

De plus en plus  »la vidéosphère »  véhiculant ces posters où nous entourons  »nos maîtres » ou où nous sommes fiers d’être leurs  »nègres de service » atteste que nous évoluons en contresens de l’histoire. L’histoire est en train de plébisciter les créateurs  des Etats-nations souverains, ouverts et interconnectés aux grands ensembles, des Etats promouvant la mémoire collective et luttant contre les humiliations historiques.

Nous prendre en charge, c’est rompre en conscience avec  »la soumission au second degré », comme dirait Mufoncol Tshiyoyo, créer des alliances durables avec nos intellectuels organiques et structurants  pour être, au cœur  des masses congolaises, les éveilleurs de La Nouvelle Conscience Congolaise. Il y a va d’un choix de responsabilité citoyenne. La re-création et/ou la réouverture  de l’espace public aux débats d’idées suffisamment  »dépersonnalisés » est indispensable à cette  Nouvelle Conscience. En attendant, nous faisons du  »bouche à l’oreille » et mettons à profit les réseaux sociaux.

 

Babanya Kabudi
Génération Lumumba

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

Proposer un lieu unique de décryptage, de discussion et de diffusion des réalités et perspectives du Congo-Kinshasa.

Aiguiser l’esprit critique et vulgariser les informations sur les enjeux du Congo, à travers une variété de supports et de contenus (analyses, entretiens, vidéos, verbatims, campagnes, livres, journal).