Le politologue et auteur, Patrick Mbeko, fait le point sur l’actualité politique congolaise et les enjeux du pays.
Sur le glissement:
Le problème de Kabila aujourd’hui, ce n’est pas le glissement, parce que le glissement est acté. Kabila recherche une légitimation morale pour ce glissement. Kabila est attaqué de toutes parts, par une partie de l’opposition, par une grande partie des congolais, et surtout par ses maîtres occidentaux qui l’ont lâché. C’est pour cela que Kabila cherche à trouver une sorte d’entente avec le plus grand parti de l’opposition, qui est l’UDPS. S’il parvient à trouver une caution morale, pour son glissement, par l’intermédiaire de l’UDPS, il pourra aller voir ses maître occidentaux et leur dire : « Regardez le plus grand parti de l’opposition est avec moi et accepte le processus politique que je viens de mettre en place ».
Sur l’UDPS:
Que l’UPDS dise simplement la vérité aux congolais : Qu’ils disent qu’ils veulent faire comme le PALU, et qu’ils veulent eux aussi se retrouver dans la mangeoire. Qu’on arrête de prendre les congolais pour des imbéciles, à moins que certains congolais acceptent d’être des imbéciles. Parce que c’est ce qui se passe aujourd’hui. La démarche de l’UPDS, faite d’incohérence depuis la chute de Mobutu, pose problème.
Sur le financement des élections:
Sur les 794 milliards de francs congolais prévus pour la CENI, pour la période 2012-2015, seuls 15% de cette somme a été décaissée. Il y avait de l’argent pour la CENI, mais on a préféré allouer cet argent à la présidence et à la primature, deux institutions de l’Etat qui ont un mépris incroyable pour le pays et le peuple congolais.
Télécharger le document d’exécution des budgets de la RDC
Sur le tribalisme du congolais:
Le congolais n’est pas tribaliste. Les divisions que nous voyons découlent du fait que les gens ont des accointances avec des partis politiques. Ce qui fait qu’on ne réfléchit pas en fonction de l’intérêt général mais celui du parti. Nous devons avoir un objectif : c’est le Congo. C’est à ce niveau que les leaders politiques abusent de leurs partisans.
Sur les rapports de force:
Les rapports de force sont une affaire psychologique. Et nous, mentalement, nous avons été vaincus. Nous sommes mystifiés par l’Occident, nous sommes mystifiés par Hollywood. Alors que les américains n’ont jamais gagné une véritable guerre.
Sur la géopolitique:
Les USA et les occidentaux n’ont plus les moyens économiques pour financer des guerres classiques, alors ils sous-traitent des opérations clandestines pour mener des déstabilisations. Parce que le but ultime est non seulement de contrôler aujourd’hui les ressources des Etats africains mais aussi de barrer la route à des puissances comme la Chine et la Russie. Et dans un pays comme le Congo, qui a toujours été considéré comme la colonie de la communauté internationale, les choses vont s’empirer si les congolais ne comprennent pas cela.
Sur la différence entre l’Angola et la RDC
La RDC a été agressé par des puissances occidentales qui ont utilisé des proxys africains. La guerre d’Angola était une guerre entre angolais avec des immixtions étrangères de part et d’autres. Les angolais ont mis fin à leur conflit en parlant entre eux. Si nous voulons que la situation du Congo change, il faut déraciner le système cannibale qui repose sur l’anéantissement des congolais et le pillage des ressources du Congo…
Excellente intervention de ce Mr, sans concession sur l’homme congolais, argumentation partant des faits, nuance dans ses propos, c’est rafraîchissant! Je retiens qu’il pointe à juste titre l’absence de conscience historique, le problème d’intégrité morale et le manque de rigueur à l’égard des leaders congolais. Un bémol, votre émission n’a pas développé ce qu’il entend par paradigme nouveau au Congo. J’ajouterai également, si il y a des personnes qui manque des qualités citées plus haut, il y en a qui en font preuve, pourquoi ne pas les identifier et les mettre en valeur, sinon comment va-t-on les connaître?
J’apprécie votre style sans détours et ces résumés que même des lecteurs réticants parcoureraient sans être saisis de lourdeur, monsieur Mbeko.
Le sujet du glissement et les questions autour des motivations de l’UDPS Tshisekediste (puisqu’il y en a d’autres) font couler beaucoup d’encre et je choisis de ne pas en rajouter mais votre synthèse va bien au-delà et votre ‘conclusion’ m’interpelle.
En effet, c’est bien notre attitude, au niveau individuel et collectif, tant sur le plan politique que social, qui, à mon humble avis, est déterminante, car des ennemis et des ‘profiteurs’ étrangers aux dépens de la nation, il y en aura toujours.
Devenir ‘un’ peuple, savoir fournir les seuls efforts qui peuvent nous faire avancer positivement, le sens du sacrifice (au lieu d’un égocentrisme caractérisé), les principes, le sens de l’engagement, sont les conditions sine qua none de la réelle indépendance qui ne peut s’acquérir qu’à travers ces traits de maturité.
‘Notre’ politique congolaise, après avoir grandi très vite, il semble qu’elle soit retombée en enfance.