L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu souligne l’inutilité du dialogue national, surtout lorsqu’on la replace dans l’histoire immédiate du Congo, met en lumière, l’inaptitude, l’incapacité et l’incompétence de la classe politique congolaise à faire face à la guerre raciste de prédation que subit le pays, et explique pourquoi nous devons pouvoir développer une pensée de la grandeur, une pensée à la mesure de ce que nous voulons faire de ce Congo là demain.
Sur le dialogue national
Les différentes concertations et dialogues initiés, par le camp de la majorité dite présidentielle avec Joseph Kabila comme autorité morale, n’aboutissent à rien. Quand certaines résolutions sont prises, elles ne sont pas suivies de mise en pratique.
On peut se poser la question : A quoi bon poursuivre ce jeu de dupes ? Est-ce qu’il n’y a pas fondamentalement chez certains acteurs politiques congolais une approche court-termiste de la politique et pourtant la politique est une affaire de temps long. Est-ce que beaucoup d’acteurs politiques, à quelques exceptions près, ne souffrent-ils pas du manque de mémoire historique. Il suffit de revenir à 2013 pour analyser la façon dont les concertations nationales ont été convoquées et ce qu’on a fait des résolutions issues de ces concertations nationales. On peut aussi remonter aux différents dialogues ayant précédé ces concertations nationales. Pourquoi ces acteurs politiques font-ils montre d’un tel manque de mémoire historique ?
Est-il opportun de s’entêter à dialoguer avec quelqu’un qui s’est révélé être rusé et qui, dès le départ, ne dit pas, lui, ce qu’il entend par dialogue ou concertation ?
Quand certaines résolutions prises à l’une ou l’autre concertation, à l’un ou l’autre dialogue, n’ont pas été suivies d’effet, il n’y a pas de débat, on passe l’éponge, et on fait comme si de rien était.
Sur la classe politique congolaise
En tout cas, l’impression que cela donne, c’est que nous n’avons plus d’hommes politiques dignes de ce nom. Même si certains parmi eux, ont la prétention de dire qu’ils jouent dans la cour des grands. Or, on ne joue pas dans la cour des grands, en oubliant l’histoire. On ne joue pas dans la cour des grands en effaçant la mémoire histoire vivante. On ne joue pas dans la cour des grands en répétant les éléments de langage que l’on reçoit à travers les voyages effectués en Occident ou en allant consulter les ambassadeurs sur place à Kinshasa.
Les avez-vous entendu parler des fosses communes récemment ? On n’en parle plus. On ne parle plus non plus des attentes de ce peuple qui est descendu dans la rue les 19, 20 et 21 janvier dernier. On ne parle plus de la guerre menée contre les maîtres du monde et les multinationales à travers l’AFDL.
Il y a un oubli et une ignorance grave de l’histoire du Congo telle qu’elle est en train d’être réécrite par certains de ces filles et fils.
Vous prenez l’article d’Amba Wetshi. Vous allez lire par exemple le rapport fait par les journalistes appartenant au FREMAC à Kinshasa au moins d’avril 2015, vous vous rendez que ces analyses et ce travail abattu par les journalistes n’ont rien à voir avec la façon dont se comporte une certaine classe politique congolaise.
On dirait que cette classe politique a rompu avec les analyses bien fouillées, avec les livres. On dirait qu’on a affaire à des opportunistes, qui ne voudraient seulement faire feu de tout bois. C’est à la fois inquiétant et révoltant. Quand on voit ce qui s’est passé au Burundi, la guerre perpétuelle contre le Congo risque de s’intensifier à un moment ou un autre. Pas seulement, parce que ceux qui mènent cette guerre veulent l’intensifier, mais aussi qu’ils ont dû se rendre compte qu’ils n’ont en face aucune force de proposition, aucune conscience de soi, aucune pensée de puissance pour le Congo, il n’y a rien !
Est-ce que certains politiques, UPDS inclus, ne sont-ils pas en train de commettre les mêmes erreurs que celles que Franz Fanon a reproché à Lumumba dans les années 1960 ?
Nous avons un problème sérieux dans le chef de ceux que nous considérons être nos acteurs politiques : Ils ont une mémoire historique dévoyée.
Ce qui est en train de se jouer au Congo, est un exercice qui pouvait conduire à l’atomisation des forces et surtout à des divisions, entre d’une part, une classe politique faite d’opportunistes, et d’autre part, le peuple pourrait être abandonné à son propre sort, si ces messieurs n’arrivent pas à comprendre qu’il est temps de rompre avec ces dialogues et concertations qui ne sont suivis d’aucun effet.
Sur la nécessaire reconquête de nos terres
Qu’est-ce que les noirs doivent faire ? D’abord se rendre compte qu’on leur dénie leur humanité et ils doivent lutter pour reconquérir leurs terres. L’Afrique a divisé à la conférence de Berlin, en 1885, et il y a un problème de reconquête. Et la reconquête n’est pas un plat qui s’offre. La reconquête appelle la lutte mais surtout la lutte des idées.
Nous devons pouvoir opposer notre intelligence à l’intelligence des autres et non répéter les éléments de langage qu’ils nous passent. Nous devons pouvoir nous donner une pensée de la grandeur, une pensée à la mesure de ce que nous voulons faire de ce Congo là demain.
Sur le travail des mouvements d’activistes dans la diaspora
Mais ne nous fions pas à ceux qui partent et qui croient que ce sera facile. La lutte est âpre et ardue. De plus en plus, nous pensons comme Fidel Castro que c’est l’histoire qui habitera les congolais et les congolaises qui ont décidé de mettre d’abord de l’ordre dans leurs idées, avant de pouvoir le mettre dans leurs organisations. Pour pouvoir opposer leur intelligence à l’intelligence des autres. Il y a donc ce travail là qui se fait et qui doit être pris en compte.
Ne nous fions pas non plus à la ruse de nouveaux prédateurs qui, de temps en temps, appâtent ceux qu’ils estiment être contre leur pouvoir os avec des sous. Les véritables résistants et combattants congolais ne retourneront pas au Congo sans être sûrs qu’ils vont renverser la vapeur. Peut-être que ceux qu’y retournent peuvent aussi avoir cette intention là, de pouvoir renverser la vapeur de l’intérieur, mais souvent certains sont appâtés par les sous, les titres, et les postes. Les véritables résistants et combattants congolais ne se laisseront pas prendre par les sous, les titres et les postes.
Vous remarquerez qu’il n’y a plus tellement de sorties en désordre. C’est parce qu’il y a un travail de fond qui est en train de se faire. Ce n’est pas qu’ils se sont essoufflés.
C’est un travail qui va prendre beaucoup de temps, parce que le Congo se bat pour le monde entier. Nous ne devrions pas l’oublier. Ce n’est pas ce petit groupe de petits prédateurs qui lutte contre les congolais. C’est au moins 1000 multinationales comme l’a dit le rapport de Global Witness.
La guerre perpétuelle contre le Congo est une guerre très dure, qui exige des véritables fils et filles du Congo, beaucoup d’intelligence, beaucoup de sagesse et beaucoup de maîtrise pour ne pas aboyer en vain.
Sur le 17 mai 1997 et la guerre de l’AFDL
Qui a fait quoi ? Qui a prêté main forte aux ennemis extérieurs et intérieurs du pays? Si nous revenons à la date du 17 mai 1997, qui a fait que nous puissions être embobinés dans un mensonge qui nous a fait croire que le jour où le Congo est tombé des griffes des agents de sa déperdition, on puisse créer à la révolution ?
On ne peut plus aujourd’hui en conscience célébrer cette date là. On devrait l’inscrire dans les livres de l’histoire du Congo comme étant la date du grand mensonge. Et ce grand mensonge perdure parce que plusieurs d’entre nous continue à considérer les émanations de l’AFDL comme des partis politiques dignes de ce nom qui vont sortir le pays du gouffre dans lequel il se retrouve.
Sans une grande profonde revolution mentale,et responsabilite citoyenne notre lutte ne sera qu’un vain mot sans substance pour une reelle liberation.
Jean pierre Mbelu a totallement raison, il est temps d’affirmer la necessite de nouvelles orientations strategiques de lutte, car les adversaires gerent a bon escient nos strategies actuelles,ils nous connaissent assez,d’ou notre faiblesse.
Absolument,il nous faut tirer parti de nos echecs d’antan pour eviter leur reccurence.
Une pedagogie citoyenne continue est plus qu’indispensable.