Par Jean-Pierre Mbelu
Lire et relire Frantz Fanon aide à comprendre combien l’histoire de l’Afrique et du Congo-Kinshasa peine à sortir des chemins battus. Des hommes politiques incarnant le patriotisme congolais et le nationalisme africain comme Patrice Emery Lumumba deviennent de plus en plus rares.
Lumumba savait rendre au peuple congolais la confiance qu’il lui manifestait. Frantz Fanon l’accuse même d’avoir eu, à l’endroit de ce peuple, « une confiance exagérée ». Il croyait fermement que ce peuple ne pouvait ni être trompé, ni se tromper. Sa force de conviction arrivait à convaincre à maintes reprises des pans entiers de ce peuple que ses ennemis soulevaient contre lui. Il suffisait qu’il se pointe là où le soulèvement se produisait pour qu’il s’explique et que la tension baisse. Ce peuple avait compris que Lumumba luttait pour sa dignité. Malheureusement, il ne comprenait pas qu’il ne pouvait pas être partout à la fois : qu’il n’avait pas le don d’ubiquité.
Fort de cette confiance réciproque, Lumumba croyait en sa lutte pour l’indépendance politique et économique du Congo-Kinshasa et de toute l’Afrique. Son côté panafricain faisait peur. « Alors d’autres pays plus importants que la Belgique et le Portugal, écrit Frantz Fanon, décidèrent de s’intéresser directement à la question. Lumumba fut contacté, interrogé. Après son périple aux Etats-Unis, la décision fut prise : Lumumba devait disparaître. Pourquoi ? Parce que les ennemis de l’Afrique ne s’y étaient pas trompés. Ils s’étaient parfaitement rendu compte que Lumumba était vendu, vendu à l’Afrique s’entend. C’est-à-dire qu’il n’était pas à acheter. » Pourquoi ? « Les ennemis de l’Afrique se sont rendu compte avec un certain effroi que si Lumumba réussissait en plein cœur du dispositif colonialiste, avec une Afrique française rénovée, une Angola « province portugaise » et enfin l’Afrique orientale, c’en était fini de « leur » Afrique au sujet de laquelle ils avaient des plans très précis. »
Lumumba devait disparaître. Pourquoi ? Parce que les ennemis de l’Afrique ne s’y étaient pas trompés. Ils s’étaient parfaitement rendu compte que Lumumba était vendu, vendu à l’Afrique s’entend. C’est-à-dire qu’il n’était pas à acheter. Pourquoi ? Les ennemis de l’Afrique se sont rendu compte avec un certain effroi que si Lumumba réussissait en plein cœur du dispositif colonialiste, avec une Afrique française rénovée, une Angola « province portugaise » et enfin l’Afrique orientale, c’en était fini de « leur » Afrique au sujet de laquelle ils avaient des plans très précis.
Comment les ennemis de l’Afrique vont-ils réussir leur coup et avec un certain succès ? « Le grand succès des ennemis de l’Afrique, c’est d’avoir compromis les Africains eux-mêmes ». Les gouvernements fantoches, bénéficiaires d’une indépendance fantoche et faisant face à une opposition farouche des masses populaires, ont approuvé le meurtre de Lumumba. « Et il y eu d’autres Africains, un peu moins fantoches, mais qui s’effraient dès qu’il est question de désengager l’Afrique de l’Occident. On dirait que ces chefs d’Etat africains ont toujours peur de se trouver en face de l’Afrique. » Bien que moins activement et moins consciemment, ils ont, eux aussi, participé de la détérioration de la situation au Congo-Kinshasa.
La désorientation existentielle causée par le meurtre de Patrice Emery Lumumba le 17 janvier 1961 produit encore ses fruits actuellement au Congo-Kinshasa. Les jeunes générations semblent connaître de moins en moins son histoire. Les politicards se réclamant de lui ont, à quelques exceptions près, opté pour l’amour de la servitude. Ils ont renoncé à la lutte pour la dignité des populations congolaises. Leur cupidité et leur avarice contribuent à l’appauvrissement des masses populaires et à leur régression anthropologique. Leur goût pour la kleptocratie a transformé le pays de Lumumba en « leur mangeoire ».
Babanya Kabudi
GénérationLumumba 1961