Par Bénédicte Kumbi Ndjoko
Nous faisons du cosmétique une vertu. Les gens ne sont jamais questionnés tant qu’ils montrent une hypothétique bonne volonté. Aujourd’hui c’est la règle, l’action irréfléchie est saluée parce que dans le marasme qui est le nôtre, un adage se construit et dit qu’un corps en mouvement même s’il ne sait pas pourquoi il bouge est mieux que réfléchir et dire, parce que la parole est un échec.
Une famille qui vit sur les bases du mensonge est une famille vouée à la destruction d’une manière ou d’une autre. Certes, elle ne touchera peut-être pas l’ensemble de ses membres de manière spectaculaire, visible mais les vides qu’elle laissera dans le secret des coeurs seront autant de tourments. La mémoire même silencieuse ou réduite au silence se débat continuellement et trouve toujours un chemin pour dire sa vérité, dût-elle prendre cent ans. Et nous avons terriblement peur de cette lumière qui annonce la douleur du passage de l’ombre à la clarté, il y a eu beaucoup trop de souffrance, et elle ne semble pas vouloir s’arrêter.
Notre imaginaire est abîmé, nous serrons les dents, sortons de grands yeux, hurlons pour faire reculer l’adversaire mais lui ne se démonte pas car il connaît parfaitement notre besoin de lien, notre besoin que l’on nous dise que nous sommes des gens biens, que nous faisons bien, notre soif inextinguible de reconnaissance qui nous amène même à embrasser nos bourreaux en croyant calmer leur fureur gratuite à notre endroit.
Notre seul moyen, du moins ce que l’on considère comme tel est de ruser, nous anesthésier, taper du pied avec insistance, exiger que le théâtre des illusions que l’on embrasse tourne à plein régime et que chaque nouvelle représentation soit encore plus étourdissante que la précédente. Marches tonitruantes, trompettes de la douleur en rage, acclamations vibrantes de nos tortionnaires qui, l’espace d’un instant, prennent le visage des anges salutaires, ces instants volatiles où nous la rue, la horde des clochardisés devenons les héros de la détresse, tout ça sont devenus des désirs dont on a fait une nécessité. Parce qu’en dehors de ça, comment vivre, comment se persuader que nous sommes encore humains alors que le monde détourne son regard et ne dit même pas de nous que nous sommes des animaux. Le vide du rien est à la fois notre espoir et notre tombeau.
Tout ceci montre combien notre imaginaire est abîmé, nous serrons les dents, sortons de grands yeux, hurlons pour faire reculer l’adversaire mais lui ne se démonte pas car il connaît parfaitement notre besoin de lien, notre besoin que l’on nous dise que nous sommes des gens biens, que nous faisons bien, notre soif inextinguible de reconnaissance qui nous amène même à embrasser nos bourreaux en croyant calmer leur fureur gratuite à notre endroit. Et quand survient la parole, quand survient cette parole qui invite à l’arrêt, à faire un pas de côté, elle est rejetée, piétinée parce qu’elle serait négative, une entrave à cette volonté de se prendre par la main et cheminer ensemble sur la pente vertigineuse de la désolation. Et bien entendu que face à cet appel à l’aide, nous avons envie d’aller caresser, rassurer mais en même temps que nous le faisons, nous devons aussi concéder que cette foule parce qu’elle est foule en marche n’a pas toujours raison.
Tout ceci vient de très loin, et ce lointain doit faire son chemin jusqu’à nous pour que la légèreté ne soit plus folie mais une calme élévation.
Bénédicte Kumbi Ndjoko