Lettre ouverte de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO) à tous les jeunes de la République Démocratique du Congo, initialement publiée le 4 juillet 2013.
Concerne : La responsabilité d’agir maintenant.
Chères jeunes congolaises ;
Chers jeunes congolais ;
Au nom de l’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme ; ASADHO en sigle, une organisation nationale qui se bat depuis 1991 pour l’avènement d’un Etat de droit et pour le respect des principes démocratiques par ceux qui nous gouvernement, je vous adresse la présente pour attirer votre attention sur la responsabilité historique qui nous revient tous d’agir pour protéger notre Constitution de toutes les modifications de nature à violer la volonté du peuple et à plonger notre pays dans les troubles socio politiques aux conséquences désastreuses pour tous.
Le Communiqué de presse n°0023/ASADHO/2013 publié par l’ASADHO en date du 25 juin 2013 et intitulé « L’ASADHO appelle tous les congolais à s’opposer à la révision du nombre de mandat du Président de la République en R.D.Congo » constitue la base de cette lettre que je vous adresse.
Quelle que soit notre appartenance politique, tribale ou régionale, il est important que nous puissions nous départir de tous ces signes distinctifs qui ne sont pas mauvais en soit, mais qui sont utilisés par certaines personnes pour nous empêcher de nous battre en faveur des principes et valeurs utiles pour fonder un Etat de droit, capable d’assurer le bien être à tous, particulièrement aux jeunes. Le combat pour le respect des valeurs démocratiques, pour la redevabilité des femmes et hommes politiques, la transparence et la bonne gouvernance, doit être au centre de toutes les actions des jeunes. Un Etat fondé sur le respect des principes et des droits de l’Homme est le seul qui soit capable de garantir un meilleur avenir aux jeunes filles et garçons de la République Démocratique du Congo.
L’engagement des jeunes pour la défense de telles valeurs contraindra toutes personnes détentrices du pouvoir politique à travailler dans l’intérêt du plus grand nombre.
Chères jeunes congolaises ;
Chers jeunes congolais ;
Sous nos yeux, le professeur Evariste BOSHAB vient de lancer un débat visant la révision de l’article 220[2][2] qui dispose que « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées de notre constitution ». Par notre volonté à tous, exprimée lors du referendum de 2005, cet article ne peut faire l’objet d’aucune révision par ce qu’il pose les principes de nature à faire progresser la démocratie, l’alternance au pouvoir et à garantir une justice humaine et équitable à tous. Proposer sa révision, pour la protection des intérêts individuels, est immoral et mérite l’opposition de tous les congolais, particulièrement des jeunes, qu’ils soient au pays ou à l’étranger.
C’est pour quoi je rappelle à chacun de nous la responsabilité qui nous incombe d’agir maintenant pour faire échouer cette initiative visant la révision de l’article 220 de la Constitution.
Notre responsabilité d’agir contre cette révision ne vise pas une personne bien précise. Elle vise seulement le respect des principes. Le Président Joseph KABILA a fait certaines choses appréciables pour notre pays, dans la mesure de sa vision pour le Congo, de ses compétences, des défis nationaux et internationaux qui se sont posés à lui, mais aussi dans les limites des hommes et des femmes dont il s’est entouré pour la mise en œuvre de sa vision.
Certains congolais souhaiteraient que le Président Joseph KABILA reste encore à la tête du Congo après 2016, mais notre constitution ne le veut. Il est appelé à laisser la gestion du pays à un autre congolais en 2016. Ce n’est pas une question de l’aimer ou de ne pas l’aimer, mais c’est une question de principe posé par notre constitution. Sans respect des principes et valeurs démocratiques, il n’est pas possible de construire un Etat démocratique, juste, stable et prospère.
Cette responsabilité d’agir d’autres jeunes congolais en avaient déjà fait usage à certains moments clés de l’histoire de notre pays.
Avant 1960, certains jeunes congolais dont Patrice LUMUMBA âgé de moins de 30 ans s’étaient engagés dans la lutte contre le système colonial. Leur engagement a conduit à la proclamation de l’indépendance du Congo le 30 juin 1960. Ils avaient la conviction que, quels que soient les profits qu’eux pouvaient tirer à titre personnel en collaborant avec le colonisateur, le système colonial était injuste et inhumain pour tous.
Après 1960, d’autres jeunes dont Laurent Désiré KABILA âgé aussi de moins de 30 ans s’était opposé à la gouvernance du Président MOBUTU par ce qu’ils estimaient qu’elle violait tous les principes qui fondent un Etat de droit. La conviction et la détermination ont permis à Laurent Désiré KABILA de renverser le Président MOBUTU et son régime avilissant en 1997.
Ces jeunes congolais, quels que soient les reproches qu’on peut leur faire, ont joué un rôle important pour notre pays en s’opposant à toute gestion politique, économique ou sociale qui viole les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques. Aujourd’hui, c’est à notre tour d’agir.
La responsabilité d’agir maintenant nous appelle à résister et à nous organiser pour faire échec, par toutes les voies de droit, à la révision constitutionnelle qui se profile à l’horizon.
Bientôt les concertations politiques selon la vision du Président Joseph KABILA ou le dialogue politique selon les vœux de l’accord cadre d’Addis Abeba vont commencer. Nous appelons les jeunes à être vigilants et à s’organiser pour que l’agenda de ces concertations ou dialogue ne nous échappe pas. Nous devons agir pour que ce dialogue se fasse dans l’intérêt exclusif du peuple congolais, qu’il ne soit pas un lieu de partage des pouvoirs entre l’opposition et la majorité au pouvoir, et qu’il traite de toutes les questions (les élections, la situation à l’Est, la gestion de l’Armée et de la police, les droits et libertés fondamentales, l’impunité et la corruption, l’indépendance de la justice, les contraintes politiques qui pèsent sur les activités des partis politiques de l’opposition) qui peuvent aider la RDC à devenir « un pays plus beau qu’avant » tel que voulu par les pères fondateurs de notre nation( voir notre Hymne national).
N’oublions pas que sans la vigilance du peuple, les femmes et hommes politiques peuvent tout se permettre. Ils vont oublier qu’ils ont l’obligation de nous rendre compte et que nous avons le droit de les sanctionner si leur gestion du pays ne nous satisfait pas.
Nous devons saisir toutes les opportunités (marches pacifiques, grèves, pétition…) que nous offrent la Constitution et les lois de notre pays pour exiger plus des femmes et hommes politiques et pour les contraindre à tenir compte des aspirations du peuple.
Une nouvelle histoire de la RDC est entrain de s’écrire et nous devons y prendre part en exigeant le respect des droits de l’Homme et des valeurs démocratiques par tous les femmes et hommes politiques de notre pays.
La responsabilité d’agir, nous appelle à passer à l’action maintenant sans peur, sans violence, mais dans le respect strict de la Constitution et des lois de la République Démocratique du Congo. Nul ne peut nous empêcher de faire ce que la Constitution et les lois de la République permettent.
Avec l’espoir que cette lettre aidera les jeunes filles et garçons des partis politiques, des confessions religieuses, des ONG, des Universités et Instituts Supérieurs, à réfléchir et à s’organiser pour influencer les événements politiques qui se profilent à l’horizon dans notre pays.
Lisez et faites lire cette lettre aux autres. C’est notre responsabilité d’agir maintenant.
Maître Jean Claude KATENDE
Président National ASADHO