Par Jean-Pierre Mbelu
« Les esclaves forgent continuellement leurs propres chaînes » M. HORKHEIMER
Les attaques contre « les médias internationaux » fusent de partout au pays de Lumumba. Ils doivent se taire, semble-t-il. « L’état de siège » oblige ! Heureusement ou malheureusement, ces médias ne se tairont pas. Les compatriotes peuvent crier comme ils veulent, mais ces médias mainstream ne se tairont pas. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Ils ont leur agenda et ne sont pas financés par ceux qui crient au Kongo-Kinshasa. Pour préserver les intérêts qu’ils servent, ils se documentent et archivent certaines questions historiques. Donc, ils ne se contentent pas de commenter « les questions d’actualité ». Ils connaissent l’importance de l’histoire dans la lutte qu’ils mènent.
Nous rappeler, en tant que Kongolais, que ces médias ont bercé toute notre vie au point d’être régulièrement copiés sans aucun esprit critique et cela au dépens du travail de l’intelligence et d’investigation kongolais ainsi que celui de la production des médias alternatifs nous aiderait à ne pas les accuser de nos propres turpitudes.
Un refus de sons de cloches pluriels
Pour cause. Au moment où plusieurs intellectuels critiques en Occident se méfient de ces médias et les qualifient de « médias dominants » au service des « Etats profonds », au Kongo-Kinshasa, cette remise en question sémantique n’a pas encore eu lieu. C’est-à-dire que passé le temps de « l’état de siège », les références à TV5, France 24, à RFI, à BBC, à la VOA, etc. seront encore légion. Alors, de quoi nous plaignons-nous ?
Depuis que « l’état de siège » est décrété à l’est de notre pays, il y a, dans le chef de plusieurs d’entre nous, un refus de sons de cloches pluriels. Pourtant, le Kongo-Kinshasa semble être toujours considéré comme « notre jeune démocratie ».
Il y a un travail d’émancipation mentale à accomplir avant de nous plaindre de ce que nos médias ne font pas et que ceux que nous considérons comme « internationaux » font mieux en fonctions des intérêts qu’ils servent.
Depuis que « l’état de siège » est décrété à l’est de notre pays, il y a, dans le chef de plusieurs d’entre nous, un refus de sons de cloches pluriels. Pourtant, le Kongo-Kinshasa semble être toujours considéré comme « notre jeune démocratie ». Bon sang ! Quelle est cette « jeune démocratie » qui se contenterait d’un monologue uniformisant ? Soutenir que « l’état de siège » est une priorité pour un plus grand nombre de Kongolais(es) ne devrait pas être une raison suffisante pour interdire que la minorité critique, kongolaise ou étrangère, revienne sur des questions historiques liées à la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le pays de Lumumba depuis les années 1990.
Les rapports de l’ONU sur lesquels cette minorité critique revient pour fustiger certaines nominations ont été applaudis à leur publication par la majorité kongolaise. D’où vient cette versatilité dont les signaux puérils semblent être manifestes ?
L’aliénation massive
L’attachement de plusieurs compatriotes aux questions dites d’actualité n’a pas empêché que les consciences patriotiques éveillées organisent des conférences, des webinaires, des émissions ou écrivent des livres et des articles sur la question de l’infiltration des institutions du pays par les forces négatives ayant coopté des filles et des fils du pays en vue de transformer le Kongo-Kinshasa en un non-Etat corvéable à souhait.
La remise à l’endroit des cerveaux décérébrés par cette dictature uniformisante et favorisant le culte de le personnalité prendra du temps. Et même beaucoup trop de temps. Il se pourrait qu’au pays de Lumumba, tuer les porteurs des vues différentes puissent être un jour célébré comme un culte rendu à Dieu…
Il est étonnant que revenir sur cette question et plusieurs autres similaires apparaisse aujourd’hui comme une grande première. Non. S’il y a une conversion à demander, elle devrait être opérée dans le camp majoritaire ayant cru depuis toujours dans « les médias mainstream » sans chercher à créer des médias alternatifs et en s’étant faussement imaginé que tous les passés passent. Non. Il y a des passés qui ne passent pas. Ceux qui font semblant de croire que tous les passés passent finissent par être rattrapés par ceux qui ne passent pas.
Le monologue voulu dans plusieurs milieux kongolais me semble être un signe qui ne ment pas : passer d’une dictature assujettissante de plus de cinquante ans à une « démocratie » favorisant la pluralité de points de vue restera une illusion pour le pays de Lumumba. Et cela pour longtemps.
La remise à l’endroit des cerveaux décérébrés par cette dictature uniformisante et favorisant le culte de le personnalité prendra du temps. Et même beaucoup trop de temps. Il se pourrait qu’au pays de Lumumba, tuer les porteurs des vues différentes puissent être un jour célébré comme un culte rendu à Dieu… La preuve ? Les journalistes étrangers, s’ils sont critiqués vertement, ne sont pas vilipendés comme les Kongolais, empêcheurs de penser en rond. Ils ne reçoivent pas les mêmes noms d’oiseaux. Ceci est un indice du niveau atteint par notre aliénation massive et le rejet du nous pluriel dans « notre jeune démocratie » ! Kiadi !
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961