L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu souligne comment le passage de 11 à 26 provinces en RDC participe du grand projet de son implosion et de sa balkanisation, expose la vacuité de la pensée politique auquel doit faire face le Congo, rappelle pourquoi l’ONU fait partie non pas de la solution mais du problème au Congo et explique pourquoi nous devons nous engager dans la bataille des idées et refonder la pensée politique congolaise.
Sur la promulgation de loi sur le passage de 11 à 26 provinces en RDC
Si nous perdons régulièrement de vue que l’objectif majeur de la guerre contre le Congo-Kinshasa, c’est 1. faire main basse sur ses matières premières stratégiques 2. arriver à le démembrer et balkaniser pour contrer toute idée d’émancipation politique et toute volonté de souveraineté, alors nous ne comprendrons pas ce que ces mercenaires sont en train de faire en RDC.
Le passage de 11 à 26 provinces en RDC participe du grand projet de son implosion et de sa balkanisation. Il s’agit aussi de créer des espaces de non droit qui vont s’affronter, se neutraliser et compromettre l’unité du pays.
Mais que les dignes filles et fils du pays ne puissent pas s’alarmer outre mesure, demain si ce pays passe entre leurs mains, ils pourront faire une croix sur ce démembrement et revenir aux grands espaces que nous avons maintenant, consolider l’unité, tout en essayant de déployer un effort conséquent de décentralisation de façon que les gouvernés puissent être proches des gouvernants.
Ayons toujours à l’esprit que ceux qui ont orchestré la guerre contre le Congo sont habitués à lutter, à se battre sur plusieurs années. A la différence de plusieurs congolais, eux ne travaillent pas sur l’espace de deux ou trois élections, ils travaillent sur le court, moyen et long terme.
Sur le problème de la vacuité de la pensée politique
Le Congo fait face à la vacuité de la pensée politique. Et cette vacuité fait que ce fait aussi important, c’est-à-dire le démembrement du Congo en 26 provinces donne l’air de passer inaperçu.
Les forces de l’opposition, comme cela de la majorité présidentielle, font partie du statu quo. Elles veulent que les choses restent dans leur état et que le Congo demeure un marché libre où les soi-disant grandes puissances peuvent se servir pourvu que ces forces de l’opposition et de la majorité puissent travailler à la promotion de leurs membres comme nègres de service du nouvel ordre mondial.
Les jeunes ont tout intérêt à recréer la pensée politique en relisant des gens comme Lumumba, Kasa Vubu, Malula, Kimbangu, Kimpa Vita.
Les députés au Congo font comme si le Congo était un pays normal. Or le Congo est un Etat raté, c’est-à-dire impuissanté économiquement et militairement, et incapable de pouvoir répondre aux attentes légitimes de ses populations. Comment voulez-vous qu’un pays se retrouvant dans cet état là puisse procéder à des réformes qui iraient dans le sens de promouvoir le vivre ensemble ou le bien commun. Non. Ces gens dans leur rôle de mercenaires poursuivent le rôle qui leur a été conféré par les anglo-saxons.
Vous ne pouvez pas demander à des mercenaires, criminels de guerre et criminels contre l’humanité de pouvoir reconstituer un Etat là où ils ont travaillé à détruire toute trace d’Etat et à déconstruire tout effort de vivre ensemble.
Il y a donc un imaginaire alternatif à recréer. Pour la plupart, nous continuons à penser comme si le Congo était un pays normal. Non, le Congo est un Etat manqué, c’est-à-dire incapable de protéger sa propre population contre la violence et même capable de violenter sa propre population en violant et les règles qu’il édicte lui-même et les droits humains.
Sur le bilan des deux ans de l’accord cadre de l’ONU pour la paix et la sécurité dans l’Est de la RDC
Depuis les années 1960, les plus éveillés d’entre nous ne cessent de nous dire, que pour des pays comme le notre, quand l’ONU arrive, c’est pour pouvoir parachever le travail entrepris par les belligérants. Mais surtout, sa mise sous-tutelle contribue à casser toute volonté d’indépendance politique, et à installer le banditisme et la misère.
Si l’ONU pouvait faire quelque chose pour le Congo, elle aurait tenu compte de ses multiples rapports qui ont mis en cause plusieurs nègres de service dans cette guerre.
Sur la bataille des idées au Congo
Nous avons aujourd’hui des compatriotes congolais qui travaillent avec des agences qui fomentent des coups d’Etat et ils nous disent de ne pas parler de cela, parce qu’en le faisant, nous portons atteinte à l’unité du pays.
La politique n’est pas une mission que l’on reçoit de Dieu, c’est une mission que l’on reçoit du peuple. Quand on évoque Dieu, c’est une façon de ne pas soumettre sa pensée au débat et de ne pas chercher à avoir le mandat du peuple.
Comment voulez-vous que des gens qui courent le monde en prônant l’unité entre les congolais aient comme pensée politique des idéologies qui promeuvent l’atomisation des populations ?
Sur l’appel aux jeunes à s’investir dans la (pensée) politique
Le souverain premier, c’est d’abord le peuple. Ces politiciens congolais font le contraire : Ils vont d’abord chercher à avoir l’aval des partenaires extérieurs et après solliciter le suffrage populaire.
Sur le film « l’homme qui répare les femmes : La colère d’Hypocrate » (sur le Dr Mukwege)
Il y a un problème de moyens que les Etats dits normaux mettent à la disposition de leurs citoyens pour animer la culture, pour enrichir la culture.
Au-delà de tout cela, la question de fond, est, entre autres, celle-ci : Pourquoi fait-on d’un médecin qui répare les femmes, détruites par une guerre qui cherche à s’emparer de l’espace du Congo, un extra-terrestre sans pouvoir chercher à aller en profondeur dans la quête de la justice pour ceux qui contribuent à la destruction de la femme ?
Cette guerre est raciste, elle est un témoignage que le congolais et la congolaise ne sont pas reconnus par ceux qui l’ont orchestré, comme des êtres humains.