Par Jean-Pierre Mbelu
« Le cerveau sera le champ de bataille du 21e siècle. » – Ben Norton
Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Le souhait aurait été que ce que plusieurs compatriotes comprennent aujourd’hui l’ait été un peu plus tôt. Des espaces de débat s’ouvrent davantage et les véritables enjeux face auxquels le pays est confronté sont de plus en plus pointés du doigt.
Je me convaincs davantage que le temps de la production des faits et celui de la compréhension ne coïncident pas toujours. Des compatriotes le prouvent au quotidien.
Un réveil et un éveil d’une partie importante de la population kongolaise
Bien qu’il y ait encore beaucoup d’efforts à déployer pour étudier et approfondir les enjeux kongolais, il serait souhaitable de rendre un hommage mérité à tous ces compatriotes insultés, ridiculisés, tués, arrêtés injustement, exilés, etc. pour avoir compris un peu plus tôt ce qui paraît aujourd’hui comme des « questions d’actualité ». Ils ont pris le courage et l’audace de dire et d’écrire, il y a plus de deux décennies, ce que le pays de Lumumba vit tragiquement sans qu’ils fassent beaucoup de disciples. Ils ont passé leur temps à prêcher dans le désert.
La dernière intensification de la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa semble être une goûte qui vient de faire déborder le vase. L’instrumentalisation du « M23 » dans cette guerre a fini par sonner un réveil et un éveil d’une partie importante de la population kongolaise.
Ces « dissidents », ces « résistants », « ces patriotes », ces dignes filles et fils du pays méritent d’être congratulés par leur esprit d’abnégation, leur courage, leur audace et leur persévérance. Ils ont su tenir le coup contre vents et marées. Et ce n’est pas encore fini…Que celles et ceux qui ont payé le prix le plus dur reposent en paix.
Dieu merci. La dernière intensification de la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa semble être une goûte qui vient de faire déborder le vase. L’instrumentalisation du « M23 » dans cette guerre a fini par sonner un réveil et un éveil d’une partie importante de la population kongolaise. A quelque chose malheur est bon, dit-on.
Il y a quelque chose de magnifique qui est en train d’éclore. Si une masse critique est atteinte au cours de ce réveil et de cet éveil, le Kongo-Kinshasa pourrait devenir invincible. Encore un peu d’effort…
Décoder ce système et créer « un code authentiquement kongolais »
Néanmoins, la critique systémique reste très faible. Le système néocolonial et néolibéral (ou ultralibéral), la connaissance de sa « cinquième colonne » et de mode opératoire, la remise en question de « son code » ayant mangé les coeurs et les esprits kongolais ne font pas encore partie de plusieurs analyses kongolaises. Décoder ce système et créer « un code authentiquement kongolais », tel est le défi majeur. Tout pourrait se jouer à ce niveau-là. Il s’agit, pour dire les choses simplement, de recouvrer « le BOMOTO » kongolais et cela dans tous les domaines de la vie. En faire la matrice structurante d’une idéologie solidariste kongolaise afin de mettre fin à la politique du « diviser pour régner » entretenue par les nègres de service, artisans de la particratie au pays.
Décoder ce système et créer « un code authentiquement kongolais », tel est le défi majeur. Tout pourrait se jouer à ce niveau-là. Il s’agit, pour dire les choses simplement, de recouvrer « le BOMOTO » kongolais et cela dans tous les domaines de la vie.
Il s’agit de passer des effets nocifs de « la dé-civilisation » produite par le capitalisme ensauvagé à « la re-civilisation » relativisant « les bintu » (les choses) au profit des « bantu » (des humains). Cela marche de pair avec la remise des têtes et des coeurs à l’endroit. Deux de mes livres étudient (1) et donnent des pistes à explorer au sujet de cette démarche « re-civilisatrice »;et un autre des conséquences nocives du capitalisme ensauvagé (2).
Il me semble que la meilleure façon d’alimenter davantage le débat kongolais actuel est de prendre conscience que »le cerveau est le champ de bataille au 21 ème siècle et qu’un retour aux livres produits sur cette guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa par des proxys et des sous-fifres interposés est indispensable. Plusieurs de ces livres sont toujours d’actualité.
Encore une fois, merci aux précurseurs de ce débat ayant permis un réveil et un éveil de plusieurs compatriotes. Les sacrifices qu’ils ont consentis n’ont pas été vains.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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1. J.-P. MBELU, A quand le Congo ? Entretiens avec Esimba Ifonge, Paris, Congo Lobi Lelo, 2016 et Demain, après Kabila, Paris, Congo Lobi Lelo, 2018.
2. J.-P. MBELU, La fabrique d’un Etat raté, Paris, Congo Lobi Lelo, 2021.