Par Peter Verlinden, journaliste à VRT, chaîne de télévision publique belge et flamande. Le 20.12.2011.
Depuis plus de 10 ans la règle « la continuité est la meilleure garantie de stabilité » régit les lois de la diplomatie internationale. D’un président en place on sait au moins à quoi s’attendre. Dans le meilleur des cas on le contrôle plus ou moins comme ce fut le cas de Mobutu au Zaïre, Moubarak en Egypte Ben Ali en Tunisie ou Saddam Hussein en Irak…
Des jours ou même des mois avant les élections, la même théorie se faisait entendre dans les cercles diplomatiques à Kinshasa : il serait préférable que Joseph Kabila soit réélu prédisent, car avec lui il y a moyen de collaborer, aussi difficile soit-il.
L’opposant le plus important, Etienne Tshisekedi, est depuis plus de trente ans un élément perturbant pour chaque leader Congolais, confirme l’opinion générale de la communauté internationale de la capitale Congolaise. « Avec ce fou furieux borné il n’y a pas moyen de collaborer, vaut encore mieux Kabila ». Je ne paraphrase pas, je n’invente rien, c’est littéralement ce que j’entends depuis des semaines lors de mes entretiens.
Démocratie
Ce qui est gênant c’est l’importance qu’accorde cette communauté internationale au modèle de démocratie qu’elle imposa en 2006 en République Démocratique du Congo. Un système présidentiel, copie du modèle Français, avec un président puissant et un parlement docile. Mais un président élu. L’exercice de démocratie gigantesque, c’est assez bien déroulé en 2006. Ces élections furent presque entièrement financées par la communauté internationale, plus particulièrement par la Belgique et l’Europe.
Le même exercice 5 ans après, le 28 novembre 2011, fut pour une grande partie payé par le gouvernement Congolais, indirectement aussi avec l’argent de l’aide au développement. La vérification du bon déroulement n’était plus au compte de la communauté internationale, même si des centaines d’observateurs, parmi eux des Belges étaient présents.
La population Congolaise, convaincue par la force de la démocratie s’investit dans le processus démocratique : contre vents et marées, ils partirent voter par millions, certains marchèrent pendant des heures. Les fonctionnaires dans les bureaux de vote se vouèrent corps et âme pour que le processus se déroule bien, les observateurs locaux ou internationaux suivirent scrupuleusement le comptage de voix, jusqu’à la l’affichage du résultat publié bureau par bureau, ou, par manque de porte, au mur décalqué.
Balayé
Malgré un modèle de démocratie imposé, le Congolais prit au sérieux les élections. Ceci est en contradiction avec la façon dont les leaders et la communauté internationale se comportèrent. A la plus grande stupéfaction des observateurs internationaux, ce n’est pas le président actuel mais l’opposant éternel Tshisekedi qui remporte beaucoup de voix d’une population qui n’a remarqué aucune amélioration dans la vie quotidienne.
Le vote pour Tshisekedi est un vote contestataire, pas pour l’opposant mais bel et bien contre le dirigent actuel. Le résultat n’est pas tout à fait ce à quoi s’attendait le régime de Kabila ni la communauté internationale, la Belgique incluse. On connaît la suite de l’histoire…
Avec le soutient de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), majoritairement composée de pro-Kabilistes et d’une Cour suprême manipulée, les résultats ont été manipulés. Le soi-disant vainqueur était Kabila avec 49% des voix. Une majorité absolue aurait été trop ambitieuse.
C’est arrivé
Cet après-midi Joseph Kabila a prêté serment pour un mandat de 5 ans. Le ministre des affaires étrangères Didier Reynders a décidé, sous pression de l’Union Européenne visionnaire sur ce dossier, de ne pas se rendre à Kinshasa. L’Europe se préserve de crier trop vite victoire, on ne sait jamais…
Dans les faits rien ne change. Kabila et, encore plus, son entourage gardent la main mise sur le pouvoir. L’opposition impuissante, pauvre et non-armée, n’est pas capable de faire face aux forces de sécurité de Joseph Kabila, une force formée et armée à coups de fonds Européens et Belges.
Et le citoyen Congolais, a une illusion en moins, l’illusion d’une démocratie qui leur a été projeté par le monde, une illusion qui aurait amélioré leur quotidien. Le moral des Congolais a pris un sérieux coup. C’est avec l’âme en peine que les Congolais attendront la fin de ces 5 ans, dans l’impossibilité de faire plus.
Peter Verlinden
Journaliste VRT
Au moins un européen qui dit les choses telles qu’elles sont.
Combien y en a-t-il encore qui font leur travail avec pleine conscience devant l’histoire, sans être manipulé par les fortunés et financiers?
Honte à toi Colette Braeckman, pourquoi te tais-tu en ce moment? Tu avais écrit saluant la victoire d’E. Tshisekedi, était-ce trop tôt? Sinon pourquoi cette retractation? La vérité te rattrapera un jour.
INGETA.