Par Patrick Mbeko
Les « révélations » du Financial Times sur la manipulation des statistiques économiques par le régime de Paul Kagame font couler beaucoup de salive et d’encre. Pour ceux qui connaissent le dossier rwandais, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Il y a deux ans, en février 2017, lors d’un débat télévisé qui m’a opposé à des journalistes rwando-burundais pro-Kagame, j’ai expliqué que les chiffres sur la « performance » économique du Rwanda relevaient d’un mirage, que la fameuse croissance économique tant vantée par les pays et institutions du Nord masquait la réalité du pillage des ressources de la RD Congo par le Rwanda — pillage qui a longtemps profité à ces pays et à leurs multinationales. Cette entreprise de falsification et de dissimulation a bénéficié de la complicité des institutions comme la Banque mondiale. À ce propos, nous écrivions dans notre livre « Stratégie du chaos et du mensonge » (2014) ce qui suit :
« […] les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux continuent de louer les “performances” économiques du Rwanda sans se préoccuper de leurs aspects illicites. Dans les couloirs de la Banque mondiale pourtant, nul n’ignore les raisons profondes qui expliquent les fameuses “performances” économiques du Rwanda, mais aussi de l’Ouganda. […] Quand on sait que la Banque mondiale est un instrument aux mains des États-Unis et de leurs alliés, qui soutiennent le Rwanda et l’Ouganda, ses prises de position à l’égard de ces deux pays deviennent compréhensibles. La direction de la Banque mondiale justifie l’octroi ou non de prêts par des raisons purement économiques. Mais la réalité est que cette politique d’octroi des prêts est avant tout déterminée par l’intervention du gouvernement américain auprès de la Banque sur la base d’objectifs principalement politiques. Cela ne veut pas dire que les objectifs économiques n’ont aucune importance mais ils sont subordonnés ou complémentaires à des choix politiques et stratégiques. L’Ouganda et le Rwanda étant les “sous-traitants” des États-Unis, de leurs alliés et des multinationales occidentales dans la région, ils ne peuvent que passer pour être de “bons élèves” de la Banque mondiale malgré le caractère illicite de leurs “performances” économiques. Telle est la loi du libre marché. » (Patrick Mbeko & H. Ngbanda, Stratégie du chaos et du mensonge, L’Érablière, 2014, p. 212-213).
La morale de l’histoire : il ne faut pas être mystifié par toutes ces grandes organisations occidentales qui n’ont d’internationales que le nom. Toujours faire preuve de vigilance et de rigueur lorsqu’on est confronté à des rapports émanant de ces institutions qui, de temps à autres, fonctionnent comme de véritables organisations maffieuses. À bon entendeur, je bois mon lait nsambarisé…