Date: 14 septembre 2012
Heure: 18h
Lieu: Auditorium Permeke, De ConinckPlein 25, 2060 Anvers. Belgique
Entrée libre
« Aujourd’hui, plus que jamais, le Kivu est la poudrière de l’Afrique centrale. Mais le pays doit décoller. La Balkanisation du Congo: est-ce un projet réel ou une distraction pour le pillage des ressources de la RD Congo? »
Les intervenants:
Kris Berwouts (UGand)
Barly Baruti (Artiste)
Tony Busselen (Journaliste)
Nadia N’Sayi (Pax Christi)
Modérateurs:
Jean Jaques Mulaj
Lili Mbuyi
[…] Le rôle du RwandaUne des questions-clef est : qu’est-ce qui motive le Rwanda à soutenir le M23 ? Grâce à son alliance avec le Congo depuis Umoja Wetu, le Rwanda pouvait, à travers le CNDP, maintenir son contrôle sur l’exploitation et le trafic des ressources naturelles congolaises. Qu’est-ce que le Rwanda avait à gagner dans une nouvelle guerre ? Je vois la démarche rwandaise pour acquérir et garder le contrôle sur les ressources naturelles en RDC en trois phases : depuis 1998 et 2002, le Rwanda s’y imposait à travers sa propre armée ; entre 2002 et 2009 à travers son appui militaire à la rébellion du CNDP, et depuis lors en capitalisant sur un partenariat inégal entre un état relativement fort (le Rwanda) et un état très faible (la RDC). Je trouve les rapports sur l’implication rwandaise convaincants (notamment celui du Panel d’experts), mais je ne comprends pas la démarche. Je ne comprends pas ce que le Rwanda pense pouvoir gagner.Peut-être, la logique ne doit pas seulement être recherchée du côté congolais, au Rwanda aussi il y a des évolutions : la défection, voici deux ans, de généraux de haut rang comme le général Kayumba Nyamwasa, a entraîné des mutations dans le premier cercle autour du président Kagame, où des anglophones ont reculé au profit de personnalités plus jeunes, plus intellectuelles et plus francophones, donc plus proches du Congo. Je n’exclue pas le fait que l’appui rwandais au M23 est surtout une démarche des Tutsis congolais pour capitaliser sur le terrain kivutien le fait qu’ils ont renforcé leur position autour de Kagame, qui se trouve d’ailleurs à la moitié de son deuxième et dernier mandat.Communauté internationale, abstraction et impuissanceA aucun moment, la communauté internationale a pu créer l’impression qu’elle veut ou peut faire la différence. Ceci devrait nous inspirer à questionner son intervention :Peut-être, les partenaires internationaux n’ont pas les bons instruments pour faire la différence. Dans mes missions des dernières années, j’ai été constamment confronté aux limites de l’impact de l’action internationale autour du Congo. Ceci a entre autre à faire avec le fait que la communauté internationale essaye d’encadrer le Congo sur base des schémas classique en mettant des paquets standardisés qui ont été conçus pour des contextes post-conflit, tandis que la page du conflit n’a, jusque maintenant, jamais vraiment été tournée en Afrique centrale.Il est important que les partenaires occidentaux du Congo ne limitent pas leur contribution (aux processus électoraux, les RSS,…) aux aspects matériaux et logistiques. Ils doivent insister et veiller sur le respect des normes internationales s’ils veulent garder leur propre crédibilité dans les yeux des leaders de la région, de la population locale et de leurs propres bases électorales.Les différents acteurs de la communauté internationale ont une connaissance limitée des réalités du terrain, le niveau grass roots. Ils maîtrisent les procédures et les formalités pour aider à mettre en place les institutions formelles de l’Etat, mais ils ne captent difficilement les dynamiques complexes à la base. La conséquence est qu’ils considèrent les différentes problématiques d’un perspectif top down, en sous-estimant l’impact que les dynamiques locales peuvent avoir sur ce qui se passe à des niveaux plus élevés. Le focus sur les élections nationales en défaveur des élections locales est un exemple, l’importance des sensibilités et des rapports de force à la base dans les non-réussites du brassage en est un autre.Le retour de la sécurité à l’est du Congo et dans la région entière passera nécessairement par la renaissance de l’Etat congolais. Cette renaissance nécessitera un accompagnement de la part des partenaires des pays de la région qui se base sur un équilibre fin entre appui massif et vigilance réelle sur la qualité des élections, de l’armée etc. qu’on veut aider à mettre en place.Le retour de cette sécurité dépendra aussi du fait si ces mêmes partenaires internationaux réussissent à convaincre le Rwanda à respecter la souveraineté du Congo et l’intégrité de son territoire. Les réactions de certains pays qui sont traditionnellement très favorables au Rwanda (USA, UK, Allemagne, Suède, Pays Bas) sur les conclusions du Panel d’experts des Nations Unies étaient encourageantes, mais il reste à confirmer qu’ils ont vraiment l’intention de diminuer/ supprimer leur aide si le Rwanda ne cesse pas de déstabiliser la RDC. Nous attendons des indications claires que ces 5 pays (et les autres) ont une volonté politique réelle pour concrétiser leur pression sur le Rwanda et sont prêts à prendre des mesures effectives.La stabilité de la région entière dépendra aussi de la mesure dans laquelle le Rwanda réussira à gérer ses propres antagonismes, et dans laquelle le régime actuel FPR renversera sa politique de fermeture et d’exclusion et s’investira dans une politique économique qui prendrait aussi à bord les plus pauvres et dans un espace politique plus libre.Les deux pays sont condamnés à cohabiter dans la même région. L’échec d’Umoja Wetu pose la question dans quel cadre les litiges et les différentes problématiques transfrontalières pourraient trouver une solution négociée. J’espère que la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs continuera à le grandir dans son rôle. Depuis qu’elle s’est focalisée beaucoup sur la lutte contre le commerce illégal des ressources naturelles, elle a donné les premières preuves de sa pertinence. C’est à ses onze Etats-membres maintenant d’en faire un vrai instrument multilatéral qui contribue à une résolution non-violente des conflits dans la région. Ce qui reste à prouver parce que sans volonté politique réelle, le cadre restera vide.Kris Berwouts, expert indépendant sur l’Afrique CentraleCe texte est son introduction au débat sur l’est du Congo, le 14 septembre à Anvers. […]