Par Jean-Pierre Mbelu
Toute cette histoire »qui fut de larmes, de feu et de sang » est mise entre parenthèses au nom d’une inculture historico-politique sans pareille. L’hégémonie d’un présent perpétuel a mangé les cœurs et les esprits au point de les plonger dans une amnésie les conduisant au larbinisme.
Deux Manifestes et quelques partis politiques ont préparé dans les esprits des Pères de l’indépendance du Congo-Kinshasa et de leurs partisans la date du 04 janvier 1959. Il y a aussi leur séjour à Bruxelles lors de l’Exposition Universelle de 1958. Ce séjour leur a permis de revisiter l’image qu’ils avaient de l’autre, de l’homme blanc. Colon au Congo-Kinshasa, il avait, en Belgique, des frères et sœurs faisant partie des milieux progressistes et luttant contre le colonialisme. Lumumba noue des relations dans ces milieux anticolonialistes. Il sait davantage qu’il ne mène pas une lutte honnie en tout et pour tout par tous les Belges. Il se rend aussi compte que l’autre, l’homme blanc, ne peut pas être réduite à l’unique image du »tout-puissant colon ». (Lire A. LIBERT, Les sombres histoires de l’histoire de la Belgique, Bruxelles-Paris, La Boîte à Pandore, 2015, p.413)
L’indépendance précédée par les casses du 04 janvier 1959 s’est finalement transformée en cauchemar. Des Congolais mis les uns contre les autres ont avalisé l’assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961 et continuent à se battre les uns contre les autres dans les partis pro-occidentaux et antinationalistes.
Le Manifeste de la Conscience Africaine (1956) et le Manifeste de l’ABAKO (1956) précèdent la date du 04 janvier 1959. Le premier réclame la fin de la ségrégation raciale et prône la libre expression politique et culturelle. Ses initiateurs en appellent à une indépendance immédiate. L’autre veut aussi que le Congo soit libre et propose l’option fédéraliste comme forme d’ Etat après cette indépendance. Il s’oppose à la forme unitariste proposé par le MNC de Lumumba créé en 1958. Sur quel argument Lumumba fondait-il son option unitariste ?
Sur la connaissance de l’autre, du colon et de sa politique du »diviser pour régner ». L’une de ses conviction est la suivante : « Plus nous serons unis, mieux nous résisterons à l’oppression, à la corruption et aux manœuvres de divisions auxquelles se livrent les spécialistes de la politique du « diviser pour régner ». » Lumumba connaissait aussi ses compatriotes congolaise et africains après qu’il se soit frotter à Nkrumah et à Frantz Fanon. Il s’était laissé instruire par l’histoire. « L’expérience démontre, disait-il, que dans nos territoires africains, l’opposition que certains éléments créent au nom de la démocratie n’est pas souvent inspirée par le souci du bien général ; la recherche de la gloriole et des intérêts personnels en est le principal, si pas l’unique mobile. » (Africains, levons-nous ! Discours de Patrice Lumumba, prononcé à Ibadan (Nigeria), 22 mars 1959, Paris, Points, 2010, p.11)
Les casses du 04 janvier 1959, malgré leurs débordements, s’inscrivent dans ce contexte d’un pays aspirant à son indépendance, porté par ses enfants ayant cultivé des idées et des principes d’égalité, de justice et de liberté claires et nettes. Mais ces enfants avaient en face d’eux ceux qui, forts de leur révolution industrielle et faibles de leur rejet de l’autre et du refus de la différence, avaient fini par décider de vaincre les idées et les principes de Lumumba en montant contre lui des partis pro-occidentaux et antinationalistes.
L’indépendance précédée par les casses du 04 janvier 1959 s’est finalement transformée en cauchemar. Des Congolais mis les uns contre les autres ont avalisé l’assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961 et continuent à se battre les uns contre les autres dans les partis pro-occidentaux et antinationalistes. Ceux-ci peuvent avoir comme dénomination » Parti lumumbiste machin » ; mais cela ne change rien à leurs pratiques serviles, esclavagistes et prédatrices aux dépens des populations congolaises réprimées et opprimées.
Toute cette histoire »qui fut de larmes, de feu et de sang » est mise entre parenthèses au nom d’une inculture historico-politique sans pareille. L’hégémonie d’un présent perpétuel a mangé les cœurs et les esprits au point de les plonger dans une amnésie les conduisant au larbinisme. Ils sont là, rampant devant les assassins de Lumumba et de l’indépendance du Congo-Kinshasa et devant leurs proxys en les nommant »décideurs internationaux ». Ils sont là en costumes et cravates en train de vendre des chimères à la jeunesse congolaise en lui prêchant »une jeune démocratie sans histoire ».
Ils ne parlent de Lumumba que superficiellement. Quand ils doivent manifester leur mécontentement au moment où, pour théâtraliser leur vassalisation, leurs »maîtres » font semblant de les pousser vers »la démocratie sans histoire » en levant un petit coin de voile sur leurs crimes de guerre, leurs crimes contre l’humanité et leurs crimes économiques.
Mbelu Babanya Kabudi