Par Kambale Musavuli
Au Congo, les jeunes sont préparés à une entreprise de désobéissance civile soutenue pour paralyser et finalement éliminer un système oppressif qui non seulement les tue mais étouffe aussi leurs aspirations et leurs espoirs pour une vie digne.
Il y a un an, le 15 décembre 2015, dans la capitale de Kinshasa, les forces de sécurité du président Joseph Kabila ont enlevé le militant Jean-Marie Kalonji, coordinateur de Quatrième Voie et «Il Est Temps: RDC!». M. Kalonji a été détenu, en secret, pendant 134 jours, période durant laquelle il a été enfermé dans un trou et a été torturé. Il ne savait pas s’il allait vivre ou mourir.
La jeunesse congolaise contre Kabila
Des leaders de la jeunesse à l’intérieur comme à l’extérieur de la République démocratique du Congo se sont rapidement mobilisés pour attirer l’attention sur le kidnapping et la disparition de M. Kalonji. Après des mois de pression, et suite à des rumeurs portant sur sa mort, le gouvernement a finalement présenté M. Kalonji et l’a transféré de la prison personnelle de l’Agence nationale de renseignement (ANR) du Congo à la prison générale de Makala. Lorsqu’il est arrivé à la prison de Makala, il s’est joint à d’autres jeunes militants qui avaient été emprisonnés pendant près d’un an. Lui et les autres jeunes prisonniers ont finalement été libérés au printemps et en été 2016.
Le cas de M. Kalonji représente le principal défi auquel le président Kabila est confronté: de jeunes Congolais courageux et instruits, prêts à mettre leur vie en jeu pour transformer fondamentalement le paysage socio-politique du Congo.
Le cas de M. Kalonji représente le principal défi auquel le président Kabila est confronté: de jeunes Congolais courageux et instruits, prêts à mettre leur vie en jeu pour transformer fondamentalement le paysage socio-politique du Congo. Jean-Marie Kalonji, 29 ans, activiste des droits de l’homme, est titulaire d’un diplôme en droit international de l’Université Chrétienne Cardinal Malula. Il avait participé aux révoltes #Telema de janvier 2015 qui ont contrecarré la tentative du président Kabila de prolonger son séjour au pouvoir en usant d’une loi électorale qui allait nécessiter un recensement avant la tenue des élections.
Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les forces de sécurité du régime de Kabila ont tué 42 personnes et ont blessé et arrêté des centaines d’autres. Friends of the Congo a rendu visite à un certain nombre de jeunes blessés à l’hôpital universitaire de Kinshasa. Ces jeunes étaient criblés de balles. Une jeune femme avait reçu une blessure par balle dans l’aine, un autre jeune homme avait reçu une balle dans le dos et qui était sortie par la poitrine. Malgré le fait qu’ils souffraient de blessures graves, ces jeunes étaient résolus à retourner dans les rues, une fois rétablis, afin qu’ils puissent faire pression sur le président Kabila pour qu’il quitte le pouvoir comme la constitution du pays le stipule, après « deux mandats ».
Plus que le départ de Kabila
Bien que le respect de la Constitution soit un objectif essentiel de la jeunesse et des autres membres de la société civile, ce n’est pas tout son combat. La plupart des Congolais ne savent pas ce qui est dit dans la Constitution et n’ont certainement pas lu ses principes avant de voter pour cela en 2006. Certains ne savent pas ce qu’est une Constitution. Ce que les gens savent, c’est qu’il y a eu une entente pour que le président Kabila parte à une date donnée et qu’il refuse de renoncer au pouvoir. Le peuple congolais a souffert sous son régime de négligence, de dédain, de mépris, de la corruption et des maux sociaux horribles et habituels qui placent le Congo tout en bas de l’indice de développement humain des Nations Unies.
Quand Joseph Kabila a confisqué les élections de 2011 et qu’il a tout de même reçu le soutien des pays occidentaux, un signal fort a été lancé quant à la complicité qu’ils partageaient dans les souffrances continues du peuple congolais.
Jean-Marie Kalonji fait partie d’une branche significative de la jeunesse congolaise qui croit que Kabila leur a été imposé par une guerre d’agression par les voisins du Congo d’abord, et par des politiques européennes et étasuniennes ensuite. Quand Joseph Kabila a confisqué les élections de 2011 et qu’il a tout de même reçu le soutien des pays occidentaux, un signal fort a été lancé quant à la complicité qu’ils partageaient dans les souffrances continues du peuple congolais. Lorsque l’ambassadeur des Etats-Unis en RD Congo, James Entwistle, a annoncé le 15 février 2012, que les Américains approuvaient les élections volées, un signal clair était envoyé au peuple congolais qui allait devoir affronter le régime tyrannique pour encore une demi-décennie, régime qui disposait d’une légitimité internationale.
Le chemin à prendre pour de nombreux jeunes congolais est clair. Ils veulent se libérer de la tyrannie quand bien même le régime de Kabila s’attache à les réprimer et les priver de leur quête existentielle qui est un don de Dieu. Quoique les sanctions et les pressions exercées par l’Union européenne et les États-Unis soient nombreuses, les jeunes comme Jean-Marie Kalonji ne veulent pas s’accrocher à l’espérance d’une solution amenée de l’extérieur. Pour eux, la solution viendra de leurs propres capacités et pouvoirs en tant que défenseurs de la justice sociale et citoyens congolais bien informés qui cherchent à transformer fondamentalement et radicalement leur société.
La politique de soutien des tyrans dans la région doit prendre fin
Si Washington ou Londres cherchent à apporter un soutien, les jeunes sont clairs quant au fait que la politique de soutien des tyrans dans la région doit prendre fin. Le soutien des États-Unis à des régimes autoritaires comme le Rwanda et l’Ouganda a sapé la démocratie dans la région des Grands Lacs d’Afrique. La lettre du représentant Ed Royce au président Obama devrait inciter à un changement fondamental de la politique américaine non seulement envers le Rwanda mais aussi à l’égard d’autres «tyrans amicaux» que les États-Unis soutiennent en Afrique.
Si Washington ou Londres cherchent à apporter un soutien, les jeunes sont clairs quant au fait que la politique de soutien des tyrans dans la région doit prendre fin. Le soutien des États-Unis à des régimes autoritaires comme le Rwanda et l’Ouganda a sapé la démocratie dans la région des Grands Lacs d’Afrique.
Au Congo, les jeunes sont préparés à une entreprise de désobéissance civile soutenue pour paralyser et finalement démanteler un système oppressif qui non seulement les tue mais étouffe aussi leurs aspirations et leurs espoirs pour une vie digne.
En fin de compte, c’est par le pouvoir de la jeunesse congolaise et de sa vision pour une société nouvelle, un Congo nouveau, que le changement durable adviendra. Les jeunes sont engagés dans une belle et sublime bataille pour la paix, la justice et la dignité humaine, bataille qui n’aura pas seulement un impact sur une région peuplée d’hommes forts mais qui illuminera aussi l’ensemble du continent africain.
Kambale Musavuli