L’analyste politique jean-Pierre Mbelu décrypte le mécanisme de dénigrement et de destruction psychologique du peuple congolais, à travers notamment le cas de Diomi Ndongala, expose les enjeux de la fabrication de la misère au Congo et explique pourquoi nous devons impérativement travailler à un leadership collectif, dès maintenant.
Sur l’enlèvement d’Eugene Diomi Ndongala par la police congolaise le 8 avril 2013
Joseph Kabila n’a pas de pouvoir, il est une marionnette entre les mains des puissances extérieures et exécute les ordres qui lui viennent de l’extérieur. On ne peut pas séparer ce qui vient d’arriver à Diomi Ndongala de tout ce processus de dénigrement et de destruction psychologique de tout notre peuple, avec son lot de viols, massacres et arrestations arbitraires qui participe de la guerre de basse intensité dont l’objectif majeur est de piller notre pays et le conduire à son implosion.
Si nous faisons du cas de Diomi Ndongala est un cas isolé, nous n’allons pas facilement comprendre que la guerre de basse intensité se mène sur plusieurs plans. Il y a le plan des viols, il y a le plan des arrestations arbitraires, il y a le plan de la conduite de nos compatriotes à ce mouroir qu’on appelle prison de Makala… Tous les compatriotes qui essaient de résister contre cette entreprise de destruction de notre pays sont vite criminalisés et mis de côté.
Sur le changement du chef d’accusation contre Diomi Ndongala (au départ viol, maintenant conspiration contre le régime de Kabila)
C’est un témoignage du théâtre de mauvais goût monté par ces criminels de guerre. N’oublions pas que ces gens là, à la tête du pays, sont impliqués dans des assassinats, meurtres et génocide congolais depuis les années 1990. Ils instrumentalisent la justice pour pouvoir arrêter les dignes filles et fils de notre peuple, en essayant d’inventer des coups d’Etat, des viols imaginaires alors que ces mêmes gens sont en train aujourd’hui de dialoguer avec un groupe terroriste soutenu par le Rwanda, le M23. Donc, au même moment qu’ils négocient avec des terroristes qui font partie de leur majorité présidentielle, ils conduisent les dignes filles et fils du Congo au mouroir de Makala.
Ils ont bâti leur régime sur le mensonge, la fraude et les tricheries. Ils ne peuvent pas se départir de cette voie sur laquelle ils se sont engagés depuis qu’ils sont venus chez nous. Ces derniers évènements montrent toutefois que ce régime a très très peur. Ils ont très peur des dignes filles et fils du Congo qui veulent protéger la terre et le patrimoine qu’on leur a légués. C’est là, l’enjeu de la guerre de basse intensité : ravir aux congolais leur patrimoine commun, cette terre qui regorge des richesses fabuleuses et est un petit paradis au cœur de l’Afrique.
Sur la manifestation congolaise devant le ministère belge des affaires étrangères, le 13 avril 2013
Se mettre debout est toujours important. Se mettre debout pour crier notre indignation, pour montrer que malgré l’arrestation de Diomi, il y a des compatriotes qui se lèvent pour dire non. L’occident soutient le régime de Kinshasa, mais il ne faut pas oublier que lorsque ce soutien est décrié, il est mis à nu. Parce qu’il y a une coopération entre la Belgique et le Congo, il est important que les belges d’origine congolaise puissent crier leurs désapprobation et colère en face de qui de droit.
Nous ne devons pas oublier un seul instant que la guerre de basse intensité qui sévit chez nous est aussi la guerre de la politique et de la justice internationale. Il y a une complicité à haut niveau de la communauté internationale dans cette guerre de basse intensité au Congo.
Sur le système judiciaire au Congo
Nous ne pouvons rien en espérer. C’est un système fondé sur le mensonge, le vol et la corruption parce qu’on y fait du business. Ce qu’il nous faut, c’est une refondation d’un Etat de droit démocratique. Mais on ne peut pas refonder un Etat de droit démocratique avec des criminels de guerre et des réseaux transnationaux de prédation. Tous ces gens doivent être mis hors d’état de nuire et répondre de leurs crimes. Nous devrions ensuite nous doter d’institutions fortes, respectueuses de la dignité humaine et animées par des dignes filles et fils du Congo.
Sur l’enjeu du leadership collectif
Les efforts déployés par un certain discours tribaliste et séparatiste ne contribuent pas à l’édification d’un Etat de droit démocratique au Congo. C’est la raison pour laquelle il nous faut un leadership unificateur et collectif qui est tout simplement un ensemble de dignes filles et fils du Congo, travaillant dans les différents domaines du savoir (économique, financier, politique, social). Cet ensemble formant un cercle de pouvoir au sein duquel peuvent émerger les dirigeants de demain. Demain, quand nous aurons à refonder un Etat de droit démocratique, il faudrait que nous soyons déjà préparés à pouvoir assumer ces différentes charges. Et nous n’y arriverons pas en allant en ordre dispersé à, ce qu’on appelle chez nous, l’élection. Nous y arrivons en étant prévoyant, en créant des cercles de pouvoir, en essayant de travailler le plus possible ensemble, en essayant d’éviter les divisions qui constituent des brèches dans lesquelles s’insèrent les partisans de « diviser pour mieux régner ».
Sur l’interpellation de Tshisekedi par les congolais
M. Etienne Tshisekedi est un acteur politique. En tant que tel, ses prises de position doivent être critiquées. Il ne doit pas faire exception. Il peut arriver que les critiques manquent de fondements, c’est alors à lui, à son parti, ses collaborateurs de pouvoir expliciter ses prises de position. Et n’oublions qu’il arrive que ce groupe de pseudo-intellectuels travaillant pour la politique du ‘diviser pour mieux régner » puisse vers dans un discours tribaliste et ethniciste qui n’a rien à voir avec les critiques d’un acteur politique de premier plan comme Etienne Tshisekedi. Cependant, en tant qu’acteur politique de premier plan, il doit s’habituer à être critiqué et à défendre sur la place publique ses points de vue.
Sur la misère et l’émergence des groupes armées
Ce qui favorise l’émergence de groupes armés au Congo, c’est aussi la misère anthropologique. C’est une misère à la fois économique, politique, sociale, spirituelle et culturelle. Cela peut être aussi la misère matérielle, qui résulte du manque de justice redistributive. Nous vivons dans un pays immensément riche où une élite compradore essaie de s’emparer de 99% des richesses de ce pays et laisse le 1% au 99% de la population.
Ces misères peuvent devenir le vivier des groupes terroristes qui luttent pour pouvoir avoir leur part dans la distribution des richesses.
Mais la misère peut être aussi une fabrication du système qui cherche à appauvrir les masses populaires au profit d’un réseau national et transnational de prédation. C’est aussi cela qui est en train de se passer chez nous. L’installation du système ultra-libéral au Congo crée de la misère, crée la guerre et la permanence de la guerre favorise l’installation permanente de ce système ultra libéral.
Sur le M23 et la permanence de la guerre au Congo
Le M23 et la future brigade d’intervention de l’ONU sont co-gérés par les joueurs de billards, les acteurs pléniers, qui travaillent avec tous ces mouvements là et qui aident le M23 à avoir son discours et ses obligeances pour pouvoir justifier ce qui va se passer après, à savoir la poursuite et la permanence de la guerre. Et, par conséquence, la poursuite du pillage des matières premières de notre pays. Pour que cette guerre qui profite aux multinationales continue, il faut qu’il y ait des affrontements permanents entre les différents groupes de criminels de guerre qui sévissent à l’Est du Congo. Cela permet aussi à cette brigade d’attaquer ce qu’elle nomme les forces négatives sans discrimination : ainsi tous les groupes de résistants congolais sont classés parmi les forces négatives.
Sur Margaret Thatcher, l’ultralibéralisme et le Congo
Pour Margaret Thatcher, un mouvement de résistance est un mouvement terroriste. Ce qui se passe dans notre pays, c’est à peu près pareil. Toute la résistance congolaise contre l’occupation et la prédation qui sévit chez nous est considérée comme un mouvement terroriste. C’est ainsi que se comportent les partisans de l’ultralibéralisme.
Pour instituer les mécanismes de l’ultralibéralisme, il faut criminaliser toute résistance contre ce système. Thatcher et Reagan étaient les dignes élèves de l’ultralibéraliste Milton Friedman. Si nous n’avons pas tout cela en tête, il nous sera difficile de comprendre pourquoi cette dame s’en était prise à l’ANC en Afrique du Sud. Le fonctionnement optimum du système capitaliste et financier s’appuie sur la criminalisation des défenseurs de la dignité humaine, la criminalisation de défenseurs de la souveraineté et de l’indépendance des peuples.