Par Jean-Pierre Mbelu
Un accord négocié et étudié dans les détails n’a pu être signé à Kampala le 11 novembre 2013. Kinshasa serait prête à signer ce « document » si le mot « accord » est remplacé par « déclaration ». Pourtant, de passage à Paris, Raymond Tshibanda, contrairement à Lambert Mende, soutenait qu’ »un accord de paix » allait être signé à Kampala[1]. Que cache cette « guerre sémantique » ? Suffit-il de dire que le M23 s’est auto-dissout pour la justifier ?
Pourquoi les onze points de cet « accord » ou « déclaration » sont-ils quasi inconnus du grand public congolais ? Pourquoi faut-il à tout prix signer un « accord » ou une « déclaration » avec une milice ougando-rwandaise avant de mener une offensive contre les autres groupes armés massés dans la partie orientale de la RDC ?
Notre hypothèse est que la guerre de basse intensité et d’usure menée par « la communauté internationale » contre la RDC se poursuit cyniquement avec les mêmes acteurs majeurs et leurs proxys. Le M23 a « la chance » d’avoir ses « ancêtres « et alliés à Kinshasa : certains membres de l’AFDL, d RCD, du CNDP et du PPRD. Prendre la mesure de la continuation de cette guerre éviterait aux patriotes et autres résistants congolais de dormir sur leurs lauriers. Le chemin paraît encore assez long…vers les horizons qui chantent. Heureusement, des médias alternatifs parlent de plus en plus de la désaméricanisation du monde et/ou d’un monde sans les USA ! Les patriotes et résistants congolais doivraient questionner leurs choix géostratégiques pour un autre Congo possible.
Au début de la semaine du 05 novembre 2013, quand le M23 renonce « officiellement » à sa participation à la guerre de basse intensité (imposée à la RDC), un document étudié et négocié dans ses détails par sa délégation et celle du gouvernement fantoche de Kinshasa est prêt. Il ne reste plus à Kinshasa qu’à préparer l’opinion publique à la signature dudit document. Les envoyés spéciaux de « la communauté internationale » répètent cette version des faits depuis plus d’une semaine sans qu’ils ne puissent être contredits par Kinshasa. La guerre des mots que se mènent les deux délégations pour le moment ne remet pas en question la substance du document. Kinshasa serait prête à signer ce document à tout moment si le mot « accord » est remplacé par « déclaration ». Si les envoyés spéciaux de « la communauté internationale » commentent ce document, Kinshasa n’en fait presque pas autant. Pourquoi ? Elle a peur de son opinion publique ; à commencer par celle de l’Est du pays. Aussi « les alliés » du M23 à Kinshasa sont-ils prêts à faire ce qu’ils ont avec le RCD et le CNDP : incorporer les éléments du M23 dans l’armée et les institutions congolaises en procédant « au cas par cas ». Or, les compatriotes qui ont lu le commentaire du général Olenga sur « les victoires des FARDC » sur le M23 savent que ce mouvement est le résultat des différents mixages et brassages ayant précédé la guerre qu’il a enclenchée. Donc, procéder aux mixages et aux brassages, même « au cas par cas », c’est préparer la résurgence d’une éventuelle M24 ou 26 ou27, etc. Et puis, reposons certaines questions de bon sens : « Pourquoi « la communauté internationale » ayant qualifié le M23 de force négative tient-elle à le voir signer un accord avec Kinshasa avant que la Monusco et sa brigade africaine ne procèdent à la neutralisation des autres milices semant la mort et la désolation à l’Est de la RDC ? A quoi tient toute cette importance que « cette communauté internationale » accorde au M23 aux dépens de l’opinion publique congolaise qui lui est majoritairement hostile ? »
Les commentaires congolais et internationaux faits sur « les victoires des FARDC » soulignent encore l’importance des pressions faites sur les dirigeants de la sous-région des Grands-Lacs par Londres et Washington. Rares sont ceux qui font allusion à l’approche que l’opposition rwandaise a de la façon dont guerre du M23 a été menée vers la fin du mois d’octobre. Ceux-ci reviennent sur un secret de polichinelle : parler du M23 revient à prendre conscience du lien l’unissant à l’armée rwandaise sur le sol congolais. A travers le M23, c’est la RDF qui a violé, pour la énième fois le droit international pour semer la mort et la désolation dans la partie orientale de la RDC. Une chronique rwandaise de cette guerre peut être lue sur le blog France-Rwanda dans un article intitulé « Rwanda : le FPR, un parti satanique (La lettre du Nord) »[2]. Et quand on sait qu’une partie de cette milice reçue en Ouganda s’est démultipliée, on peut en conclure que la signature d’une « déclaration » ou d’un « accord » entre Kinshasa et cette milice ougando-rwandaise est une continuation du modus operendi dans ces deux pays –proxys des Etats profonds anglo-saxons- dans la sous-région des Grands-Lacs. C’est-à-dire la poursuite de la guerre de basse intensité et d’usure dans cette partie de l’Afrique centrale.
En insistant sur la signature du document de Kampala, « la communauté internationale » avoue son appui permanent au génocide congolais perpétré par l’Ouganda et le Rwanda et soutient sa poursuite.
Qui a écrit ce document ? A travers la plume de Magloire Paluku, le Ministre des affaires étrangères de la RDC avoue qu’il n’en connaît pas l’auteur. En d’autres termes, comme par le passé, ce texte serait rédigé par « un expert de la communauté internationale ». Tel fut le cas de certains accords précédents, dont celui signé à Pretoria en juin 1999, comme l’atteste Pierre Péan[3]. Donc, comme au temps de la traite négrière, « les experts » en négritude poursuivent leur sale boulot de rédaction des textes garantissant « les intérêts de la communauté internationale » aux dépens de ceux des Congolais. Et puis, il est quand même curieux que tous les débats autour de ce « document » ne fassent presque pas allusion à notre histoire immédiate. Que les questions sur les « génocidaires hutu», les réfugiés rwandophones et la survie de l’ethnie tutsi à l’Est du Congo puissent être posées comme si les rapports (Gersony, Kassem, Mapping, etc.) des experts de l’ONU n’avaient jamais existés ! Et que nos débatteurs à Kampala n’y fassent presque pas allusion quand ils se confient aux médias. C’est comme si la guerre d’usure avait réussi à les entraîner dans une amnésie irresponsable ! En plus de ces rapports, la lettre de Théogène Rudasingwa (‘’la vérité enfin’’), son témoignage chez le juge espagnol Merelles, les sorties médiatiques des ex-proches de Kagame (Kayumba et Karegeya) ne semblent pas avoir conduit « la communauté internationale » à reconsidérer en profondeur sa version de cette guerre d’usure. Aussi plusieurs d’entre nous ont-ils cru, qu’avec le temps, les principaux enjeux et les causes profondes du « conflit au Congo[4] » ont changé. Et que l’empire US sur le déclin serait devenu clément à l’endroit de la RDC pendant que son Prix Nobel de président se livre aux assassinats extrajudiciaires ciblés par drones interposés. (Le comble est que pendant que les médias alternatifs parlent de plus en plus de la désaméricanisation du monde ou du monde sans les USA, en RDC, les médiamensonges croient, dur comme fer, aux bienfaits de Barack Obama pour notre devenir collectif ! C’est grave !)
Nous le dirons jamais assez : la question de la guerre de basse intensité et d’usure en RDC est aussi une question de culture ; d’une culture citoyenne historique, engagée et engageante. A l’Est de la RDC et dans la diaspora, plusieurs compatriotes l’ont compris. L’opinion publique congolaise est généralement au courant des tenants et des aboutissants de la théâtralisation de la guerre, de la mort et de la banalisation de la vie au Congo. A Kinshasa, certains médias ne réussissent pas toujours à démonter les mensonges des élites compradores. Il arrive qu’ils fassent leur jeu et entraînent une bonne partie de la population dans un soutien aveugle de ses bourreaux. A l’Est, les jeunes ont défié l’armée rwandaise et la Monusco, mains nues. Ils ont appris, sur le tas, à connaître les véritables ennemis du peuple congolais et leur modus operandi.
Apprendre sur et de la guerre en RDC serait un pas énorme à effectuer par ceux et celles qui veulent y mettre fin : bien identifier les acteurs majeurs, les armes auxquelles ils recourent tout en restant dans l’ombre, leurs modes opératoires, la façon dont ils orchestrent leur propagande mensongère, par exemple, travailler à la contre-infiltration (comme le général Olenga) et mener, à court, moyen et long terme, un travail de contre-pouvoir, en synergie ; étudier aussi la guerre comme « un évènement profond » pouvant sacrifier « les fils de la maison » pour justifier « la montée du capitalisme du désastre ».
Il y a de ces actions à mener à partir du contexte, de la capacité d’imagination, d’inventivité et de créativité des acteurs sur terrain. Aussi, vu les moyens dont disposent les forces de la mort contre la RDC, les patriotes-résistants congolais devraient-ils se garder de communiquer, sur les réseaux sociaux, la diversification de leur modus operandi. « Le bouche –à-oreille » devrait remplacer les grands déballages sur Internet.
En attendant que ces actions passent à leur vitesse supérieure, nous ne serons pas étonnés d’apprendre que « l’accord » ou « la déclaration » a été signé(e). L’AFDL(le PPRD), le RCD, le CNDP, le M23 ainsi qu’une bonne partie de la kabilie sont une même force de la mort au service des intérêts étrangers et des élites compradores. D’ailleurs, les menaces de déballage proférées par le M23 pèsent sur les têtes des « alliés kinois » comme une épée de Damoclès…