L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte les derniers faits de la théâtralisation de la guerre de basse intensité au Congo (avec la fausse dissension au sein du M23 et son rapprochement avec Kabila), explique pourquoi Kabila, Museveni, Kagamé et leurs parrains vont poursuivre leurs plans d’implosion du Congo et incite, au lendemain de la mort de Chavez, à se défaire de l’hégémonie culturelle et intellectuelle dominante et de nos complexes vis-à-vis des occidentaux.
Sur les dissensions au sein du M23
Tout va bien entre les deux factions du M23.Tous ces mouvements pro-rwandais, depuis l’AFDL, nous ont habitué à ce genre de théâtres, conçus par des experts. Ces deux factions font sembler de s’opposer et en profitent pour exterminer les congolais, comme à Kitchanga récemment. Leur procédure est la suivante : Faire semblant de s’opposer, théâtraliser cette opposition, puis passer au massacre et au génocide des congolais.
Le fait que le gouvernement usurpateur ait accepté d’organiser un dialogue avec le M23 a permis aux infiltrés rwandais du M23 de rester sur notre territoire pour poursuivre le travail d’implosion du Congo et d’extermination des congolais ; mais aussi de pillage de nos matières premières stratégiques au profit du Rwanda et de ses parrains anglo-saxons.
Sur le retrait de l’armée congolaise de Rutshuru et le plan d’occupation du pays
Nos militaires ne semblent pas comprendre grand-chose à ce qui se passe réellement. Kabila, Museveni et Kagamé ont un plan qu’ils sont en train de réaliser petit à petit. Ils ont une mission précise : Exterminer les Congolais pour pouvoir occuper les territoires de l’Est du Congo. Mais ils ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. Parce qu’ils se sont rendus compte qu’avec quelques congolais corrompus et achetables à moindre prix, ils sont capables d’occuper tout le pays. Ils ne renonceront à ce plan que si les masses populaires congolaises décident d’arrêter ce jeu là. Parce qu’eux, avec le soutien de leurs parrains et des multinationales occidentaux ne vont pas arrêter d’eux-mêmes.
Sur la signature par Kabila d’un accord avec le M23
Il n’y a pas de bon ou mauvais M23. Tout cela participe de la théâtralisation de la guerre de basse intensité qui poursuit le génocide congolais, avec malheureusement l’aval de certains d’entre nous qui ont vendu leur cœur et leur esprit.
La politique de Kabila et de ses parrains est de subdiviser au maximum les factions qui travaillent avec le pouvoir usurpateur de Kinshasa pour qu’il y ait toujours une faction en attente de négociation, c’est-à-dire en attente d’une insertion officielle dans les institutions congolaises.
Au Congo, ceux qui luttent les mains nues sont traités comme des bêtes sauvages : Regardez le sort réservé à ceux qui ont commis comme seul crime d’aller chercher leur leader à l’aéroport le 10 mars 2013.
Sur la dénonciation de l’accord d’Addis-Abeba par un groupe d’intellectuels
Contrairement à ce que certains d’entre nous pensent, il y a des minorités organisées, à l’extérieur et à l’intérieur du Congo qui se battent et ne restent pas les bras croisés pendant que les élites compradores politiciennes sont en train de vendre le pays. Il est maintenant important d’aller au-delà de la dénonciation et de faire des propositions concrètes pour la reprise de notre souveraineté nationale.
Sur le plan d’implosion de la RD Congo
Quand Johnnie Carson a affirmé que les USA allaient aider le Congo comme ils l’ont fait en ex-Yougoslavie et au Soudan, après qu’Herman Cohen ait dit qu’au département d’Etat américain, le Nord Kivu appartenait au Rwanda, après que Ban Ki-Moon se soit trompé à l’assemblée générale de l’ONU en appelant M. Kagamé, président de la république démocratique du Congo, tous ces faits là ne mentent pas : Il y a un plan bien orchestré pour l’implosion du Congo.
Tous les articles qui reviennent sur ces questions là doivent être capitalisés, étudiés et approfondis. Parce que ceux qui nous font la guerre ne reculent pas facilement sans avoir atteint leur résultat, sans avoir rencontré une résistance semblable à ce qu’ils rencontrent aujourd’hui en Syrie. Et les américains s’en sont résolus à négocier avec la Russie en ce qui concerne la Syrie.
Nous congolais, nous sommes seuls face à des ennemis extérieurs et intérieurs. Nous nous battons mains nues contre les grandes puissances en déclin, et nous n’avons aucun grand pays, aucune autre grande puissance qui vient à notre secours. C’est là notre malheur.
Sur la distinction à faire entre les intérêts du peuple congolais et ceux du gouvernement de Kinshasa
Les rebellions et le pouvoir usurpateur de Kinshasa ont les mêmes intérêts qui sont, comme Anicet Mobe le dit, tout à fait contraire à ceux du peuple congolais. Quand le peuple congolais a cherché, dans son immense majorité, à élire celui qui pouvait garantir ses intérêts, son vote a été détourné.
Sur le memorandum de la CENCO adressé à Kabila
L’analyse est très profonde mais interpelle. Il me semble contradictoire que la CENCO désigne Kabila comme étant le président du Congo. Est-ce que cette CENCO ne serait pas entrain de trahir la vérité et la justice au nom de je ne sais quel réalisme ? Et puis quelles sont les marges de manœuvre du comité permanent des évêques congolais et de la CENCO qui leur permettraient de créer des barrières pour que le pouvoir usurpateur actuel ne puisse pas trouver des arrangements pour modifier l’article 220?
Sur l’intervention de Kengo dans une commission du parlement belge
Kengo a toujours été chez nous, dans les fonctions qu’il a occupées, comme le légat du monde extérieur qu’on appelle abusivement la communauté internationale. Les pays européens sont au bout du rouleau et ne jouissent plus de leur souveraineté. La théâtralisation politique dont nous parlons au Congo est aussi une réalité politique dans plusieurs pays européens. Et cela pour donner l’impression qu’ici, ça va mieux. La Belgique et ces pays n’ont pas de leçon à donner au Congo. Nous ne devons pas être complexés par tout ce théâtre, c’est de la mise en scène qui ne sert plus à rien.
Sur le retour de Tshisekedi à Kinshasa, le 10 mars 2013
Un homme politique de la trempe de Tshisekedi qui revient dans son propre pays, après un voyage à l’extérieur et qui ne peut même pas être accueilli par les membres de son parti politique. Pourquoi ? Parce qu’on prétend que l’accueillir serait perturber l’ordre public et on en profite pour taper sur les militants, les arrêter et les enlever. Ce sont des pratiques de criminels. On nous a fait croire que ces criminels pouvaient se transformer en hommes d’Etat mais ils n’ont jamais appris ce que signifie faire de la politique. Ils n’entendent aucun autre langage que le langage des armes. La politique, ce n’est pas l’art du recours aux armes, c’est l’art du recours à ce qui nous distingue des bêtes sauvages, c’est l’art du recours au langage et au débat pour pouvoir édifier la cité. Le recours aux armes ne peut être permis quand dans un cas de légitime défense. Si le recours aux armes se fait sans cas de légitime défense chez nous, cela confirme le fait qu’ils sont des usurpateurs et ont peur que le peuple ne puisse prendre le pouvoir en plébiscitant l’homme qu’il a élu, malgré le chaos des élections bidon de 2011.
Sur la mort d’Hugo Chavez et la position des occidentaux
Pourquoi voulez que l’occident puisse plébisciter Chavez ? L’Occident lutte contre la démocratie que nombre d’entre eux a cédé aux marchés financiers. Comment voulez-vous qu’un monsieur qui redistribué les dollars gagnés par la vente du pétrole en les mettant au service de l’éducation, de la santé et du logement et des communes, comment voulez-vous qu’un monsieur qui a aidé son peuple à pratiquer la démocratie participative puisse être supporté par des gouvernements qui n’ont rien à voir avec leurs populations ?
Les critiques des occidentaux n’ont pas de fondements. Quand on analyse le parcours de Chavez, on peut voir qu’il y a des failles, mais ce monsieur a réussi à lutter contre l’analphabétisme, contre la pauvreté, ce sont des faits. Il ne faut oublier que pendant longtemps, l’Amérique latine était considérée comme une cour des USA et que l’Union Européenne est une colonie américaine. Donc, l’Union européenne ne peut pas tenir un discours différent de celui que tient son maître américain.
Il ne faut pas oublier que le poids de l’hégémonie culturelle est trop lourd. Nous avons été éduqués depuis l’école primaire, jusqu’à l’université dans cette hégémonie culturelle occidentale. Quand, je parle des minorités organisées et agissantes, je fais référence à nos compatriotes qui ont compris qu’il fallait avoir du recul avec cette pensée dominante occidentale… Nous avons intérêt à redécouvrir nos intellectuels africains mais aussi à aller vers ces citoyens du monde qui abattent un travail titanesque dans l’approfondissement des modes de fonctionnement de leurs sociétés.