Par Mufoncol Tshiyoyo
En sciences politiques, comme en relations internationales, vues du point de vue de « l’Occident », l’existence d’un pays est attestée par des éléments composites ci-après : primo, la terre (dans ses limites géographiques données, confirmées ou pas encore) ; secundo, une population dont le processus constitutif élèvera plus tard à la dimension d’un peuple (un ensemble à la poursuite des intérêts communs) ; tertio, une organisation ou bien, si on le veut, un semblant d’organisation, étant donné que le Congo lui-même souffre de carence d’organisation étatique ; tertio et en dernier lieu, tertio, une reconnaissance internationale.
Dans le cas d’espèce au Congo, qui pourrait être qualifié de stratégie du fait accompli, un genre particulier de l’agir des élites Anglo-Saxonnes, l’adversaire ou la proie à achever est mis devant une situation des faits successifs établis.
Les anglo-saxons ne lâchent jamais prise…
Même si ces derniers n’en ont pas du tout l’air. Ce qui est aussi à inscrire à leur avantage, parce que ce flou à dessein provoque le doute chez un animal qui est déjà atteint mais pas totalement terrorisé. À vouloir trop presser, il y a risque d’éveiller des soupçons chez des collabos dont l’obéissance est assurée. D’où, on entend parmi ces gens des phrases un peu ambiguës, bien que caressant l’oreille, du genre : « on n’est pas assez dupe, mais… ». Mais quoi… , alors que généralement on reste bien engagé dans le processus de finition d’un travail déjà amorcé.
Ayant connaissance de l’identité et de la vraie nature de l’adversaire, Arundhati Roy disait : « une fois que vous avez vu certaines choses, vous ne pouvez pas les dé-voir. Et ne rien voir est autant un acte politique que de voir quelque chose »…
Les traditions Anglo-Saxonnes consistent à ne jamais « lâcher prise après avoir planté leurs crocs dans une proie comme un pitbull. [Les Anglo-saxons, c’est d’eux dont il s’agit, et non la racaille noire et à bon marché à leur service] feront pression à fond jusqu’à ce qu’ils aient imposé leur projet ou jusqu’à ce que l’adversaire leur brise les reins » (C’est ce que nous apprenait pourtant l’Interview du professeur Andrej Fursov, directeur du Centre d’études russes à l’Université des sciences humaines de Moscou).
Aujourd’hui, ayant connaissance de l’identité et de la vraie nature de l’adversaire, Arundhati Roy disait : « une fois que vous avez vu certaines choses, vous ne pouvez pas les dé-voir. Et ne rien voir est autant un acte politique que de voir quelque chose », la grande question à se poser, ce n’est pas d’attendre ou de savoir quand interviendra la « reconnaissance internationale » de la nouvelle entité administrative, quand de mémoire on sait que son acquisition ne dépend ni des autochtones ni de la partie livrée aux échecs, mais du calendrier et des agendas ayant accompagné le processus continuel.
Que reste-t-il à faire aux Congolais?
Que reste-t-il à faire aux Congolais face à la prédominance de « « l’intellectualisme de la bien-pensance universitaire, celle-là même » « qui s’habille comme de nombreuses femmes en fonction des modes » » (Garry Allen, 2016 :14) ? En Haïti, Toussaint Louverture et les peuples noirs de Haïti, pour se libérer, n’ont eu à organiser ni des marches, ni des sit-in, ni à rédiger des pétitions, ni à pleurnicher. Ce sont les premières populations noires à arracher et à ériger un État noir, issu des esclaves dont le signe particulier fut de porter en elles non seulement le sens de la dignité et du devoir, mais aussi la fierté de représenter celles qu’étaient, des noirs libres, un peuple en devenir. Le monde a horreur de la figure du faible et du pauvre prônée et représentée par la religion enseignée et révélée.
En Haïti, Toussaint Louverture et les peuples noirs de Haïti, pour se libérer, n’ont eu à organiser ni des marches, ni des sit-in, ni à rédiger des pétitions, ni à pleurnicher. Ce sont les premières populations noires à arracher et à ériger un État noir, issu des esclaves dont le signe particulier fut de porter en elles non seulement le sens de la dignité et du devoir, mais aussi la fierté de représenter celles qu’étaient, des noirs libres, un peuple en devenir.
Un esprit faible, qui est déjà dompté, soumis et croupissant sous le poids du processus de sa domination, arrive à tout banaliser. Il accepte l’inacceptable. Il tolère tout, parce que placé devant une incapacité à agir autrement que par la voie d’une légalité qui lui est imposée et qui échappe malgré tout à son contrôle. Un esprit faible commence par reconnaître l’existence de l’un des éléments, le rationalise, le justifie, non pas parce que c’est fonctionnel pour la société organisée en système. Un esprit faible se cache derrière des affirmations du genre : « on n’est pas dupe ». Il espère en raison de la sorte « échapper aux accusations, car aucun des maux qui nous accablent ne saurait plus leur être imputé ». N’aurait-il pas osé affronter le diable bien qu’en servant ses objectifs ? Le statu quo à la rescousse, le fait de se sentir qui député, qui ministre, qui président, qui sénateur, nourrit le mental au détriment de la promotion de l’intégrité intellectuelle.
Personne ne pourrait dire aux Congolais ce que le Congo affaibli déjà obtient en échange de belles phrases. « Ce sont des mots vides ! [Puisque] personne ne peut garantir [aux Congolais] en échange de la nouvelle administration consacrée ». En retour, l’opinion congolaise est plutôt confrontée à l’arrogance du « vainqueur » du moment et à l’humiliation infligée à un peuple, comme seules manifestations extérieures d’une « paix » offerte par pitié. Pour une fois que je suis d’accord avec lui, l’historien Ndaywel, alors que lui-même cite Edmund Dene Morel et Mgr Kataliko, déclare ce qui suit au sujet de la seule possibilité offerte aux Congolais : « « Aux Congolais, le devoir de tout subir et de se taire » [de] fermer les yeux sur l’instrumentalisation de leurs propres élites plus que jamais prisonnières de leur propre posture de prédatrices par procuration » (propos tenus à la tribune de la conférence « L’Afrique des Grands Lacs : 60 ans de tragique instabilité »).
Non, comme conclusion, je n’aurais qu’une seule phrase, en citant Darwin : « Je ne suis pas apte à suivre aveuglément les autres hommes ».
Mufoncol Tshiyoyo, MT,
Un homme libre