Par Jean-Pierre Mbelu
Comment avons-nous pu croire, un seul instant, que dans un »non-Etat », dans un »non-pays », dans une »prison à ciel ouvert », il était possible d’organiser des élections pures, limpides, claires, libres, transparentes, démocratiques, etc.
Les miens et moi-même avons écrit, donné des conférences, prêché dans »le désert » afin que certaines de nos croyances puissent être questionnées. Plusieurs d’entre nous se sont moqués des miens et de moi-même. Ils nous ont tournés en dérision. Ils nous ont insultés. Pourtant, ils étaient avertis. Nous leur disions : »Nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer ».
La vérité des urnes, où ?
Oui. Les miens et moi-même n’avons pas été compris. Et maintenant que »les élections-pièges-à-cons » produisent leurs fruits, je pose la question de savoir si ce ne sont pas les convictions de plusieurs d’entre nous qui devraient être remises en question.
Il est possible qu’ils bénéficient d’une circonstance atténuante. Ils ne lisent pas les réflexions critiques menées sur notre »non-pays ». Ils ne participent pas aux débats clarifiants. Le fanatisme et l’immédiatisme ont pris toute la place dans leurs cœurs et dans leurs esprits. Etienne Chouard le dit si bien : »Mais le gros de la population ne regarde pas internet, la plupart des gens ne sont pas politisés et regardent la télévision, qui est le reflet de ce qu’il y a dans les journaux qui, eux, reflètent la pensée des milliardaires. C’est très grave, parce qu’au lieu que l’opinion soit éclairée par les journalistes, elle est déformée et pas informée. Ce qui est très problématique parce qu’une démocratie demande que les citoyens soient éclairés. Les vrais journalistes sont les sentinelles du peuple. »
Il est curieux que mêmes les compatriotes avertis puissent donner l’impression de se battre pour »la vérité des urnes ». Ici, il y a un problème. »La vérité des urnes », où ? Dans un »non-Etat » et un »non-pays » ? Comment donc ?
Dans le cas du Congo-Kinshasa, il est curieux que mêmes les compatriotes avertis puissent donner l’impression de se battre pour »la vérité des urnes ». Ici, il y a un problème. »La vérité des urnes », où ? Dans un »non-Etat » et un »non-pays » ? Comment donc ? Comment se fait-il que vous, »les avertis », vous puissiez donner l’impression de croire que cela était possible ? Comment ?
Les élections au Congo-Kinshasa seraient-elles devenues des »pièges-à-cons » pour tout le monde ? Même pour les compatriotes supposés »avertis » ? Ici, il est possible de perdre son latin !
La zizanie est une arme entre les mains des »balkanisateurs » et des »imploseurs »
Pris dans ce piège d’élections-pièges-à-cons, »les compatriotes avertis » risquent de basculer dans le camp des »balkanisateurs » et des »imploseurs » du pays de Lumumba en attisant la carte de la zizanie. Ils risquent de perdre de vue que »la fracture actuelle au Congo-Kinshasa n’est pas principalement tribaliste ». Oh ! Amnésie quand tu nous tiens !
Ils risquent de perdre de vue que depuis les années 1990, le Congo-Kinshasa fait face à une guerre raciste de basse intensité, de prédation et d’usure.
La remise profonde en question du gouvernement représentatif est mondiale. Cette lutte mérite que nous, Congolais, puissions la mener, sans nous leurrer sur les acteurs pléniers de la guerre d’usure comme le Congo-Kinshasa.
Oui. Une guerre d’usure peut toucher les nerfs et perturber les cerveaux. Pour ceux qui la mènent, elle a l’avantage de transformer les acteurs apparents en acteurs pléniers et d’obéir au principe du »diviser pour régner ». En France, là où il semble y avoir eu »une élection présidentielle idoine », Etienne Chouard avertit : »Ce qui empêche le peuple de gagner, ce sont les divisions, c’est la zizanie sur des sujets législatifs, sur des sujets sur lesquels nous sommes habitués à discuter alors que nous n’avons aucune puissance de décider. Ce n’est pas nous qui décidons (…). Nous avons l’habitude de nous disputer pour rien car, de toutes façons, ce n’est pas nous qui décidons. D’après ce que j’ai compris, l’idée des Gilets Jaunes, c’est : pas de zizanie, nous restons unis. »
La remise profonde en question du gouvernement représentatif est mondiale. Cette lutte mérite que nous, Congolais, puissions la mener, sans nous leurrer sur les acteurs pléniers de la guerre d’usure comme le Congo-Kinshasa. A ce point nommé, relire l’interview de Bénédicte Kumbi intitulée »Le Congo dans l’abîme » pourrait nous redonner une bouffée d’oxygène. Nos cœurs et nos esprits en ont besoin par ce temps d’usure. La zizanie est une arme entre les mains des »balkanisateurs » et des »imploseurs ». Bon ! Nous pouvons ignorer cela et l’histoire nous rattrapera !
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961