Source: Le Potentiel, le 3 avril 2012. Par Freddy Monsa Iyaka Duku.
La situation au Mali soulève un certain nombre d’interrogations. Comme si l’on venait de sortir d’un long sommeil et l’on éprouve des craintes, des inquiétudes quant à l’avenir de l’Afrique avec toutes ces similitudes troublantes. De la RDC au Mali en passant par le Soudan, d’aucuns n’hésitent plus à parler d’une nouvelle balkanisation de l’Afrique mise en marche.
Balkanisation : voilà un concept qui suscite un débat houleux et intéressants, parfois même inutiles, selon certains. Ainsi, lorsqu’on évoque les dangers qui guettent la République démocratique du Congo, la balkanisation serait l’un des objectifs poursuivis par les commanditaires de ce complot machiavélique. Sinon, on ne peut s’expliquer pourquoi le Kivu, par où tout danger arrive, l’insécurité soit devenue récurrente et que depuis plus d’une dizaine d’années, le pouvoir de Kinshasa ait du mal à rétablir l’ordre et l’autorité de l’Etat. On y fait mention d’existence des administrations parallèles. Comme une épine sous le pied, l’Est de la RDC est devenu le ventre mou, une poudrière de la République. Malgré tous les appels à l’alerte qu’un Congo faible, divisé, est un danger pour toute l’Afrique, l’indifférence est totale au sein de la communauté internationale. L’on balaie même d’un revers de la main cette probabilité avec de initiatives qui se multiplient pour «étouffer» l’éveil de conscience et émousser l’ardeur des Congolais.
Mais la vérité historique est têtue. Comme une gangrène, la «nouvelle balkanisation de l’Afrique» est bel et bien en marche. Le Mali est aujourd’hui touché dans sa partie nord. Le même prétexte est brandi par ceux qui se croient lésés : comme en RDC avec la minorité rwandophone, les Touaregs se disent «marginalisés, excluent de la société malienne». D’où la création du Mouvement national pour la libération de l’Azawar, MNLA.
Aujourd’hui, les Touaregs, soutenus par des forces extérieures, ont pris les armes. Tout le Nord du Mali est occupé et le pays est divisé en deux. Mais le Nord est la partie la plus riche du pays avec la découverte des minerais, du gaz et un couloir propice au trafic d’armes et de drogue.
Dans la capitale, Bamako, tout se passe comme si l’on ne voyait pas venir le danger. Un groupe de soldats organise un putsch et déstabilise les institutions démocratiques. Cependant, 10 jours plus tard, la junte qui tâtonne est obligée de rétablir l’ordre constitutionnel sans réussir à mater la rébellion, motif pour lequel il avait évincé le pouvoir légitime. La junte a-t-elle été manipulée ? Tout laisse à le croire tant il est évident maintenant que cette junte ne disposait d’aucune stratégie, d’aucun programme. Par voie de conséquence, le Mali est divisé. Pour retrouver son unité, il faut recourir à la force, à de longues séances de négociations. L’Afrique et le Mali se trouvent devant une situation de fait accompli.
Fait accompli, c’était déjà le cas du Soudan du Sud. Pour mettre fin à la guerre au Soudan, il a fallu reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple. Le Soudan du Sud qui regorge du pétrole pour lequel les deux Soudan se battent ces dernières semaines.
Cela donne des idées, et si ce n’est pas encore fait, aux «sécessionnistes» du Nord du Mali désormais «libéré». Mais surtout à tous les pays voisins aux deux Soudan, au niveau de l’Afrique des Grands Lacs, et avec le Mali en ce qui concerne les pays de l’Afrique de l’Ouest.
DES POUDRIERES DU CONTINENT
La question de l’Est de la RDC et du Nord du Mali n’est pas un fait divers. C’est l’avenir de tout un continent qui est en train de se jouer en ces moments. Dans cette conquête des espaces économiques, de nombreux pays africains sont dans le collimateur des «faiseurs de guerre et des faiseurs de paix». Ils procèdent de plus en plus de la même manière. Tenez.
Dans un premier temps, ils ciblent leur proie. Tel le cas de la RDC, du Mali, de la Côte d’Ivoire, et certainement déjà du Nigeria. Ensuite, ils s’emploient à trouver des «pays tremplins», apparemment moins nantis, donc facilement manipulables, avant de transformer en poudrière les Etats visés. La RDC a été agressée par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, considérés comme des pays moins nantis. Curieusement, ils passent, par ces temps qui courent, pour des «Etats organisés», accusant une forte croissance économique, pendant que la RDC, riche, est devenue un Etat pauvre, moins organisé, affaiblie administrativement militairement, économiquement.
La Côte d’Ivoire n’est plus le «leader» de l’Afrique de l’Ouest. Ce pays a accusé à plusieurs reprises le Burina Faso de le déstabiliser, par où tout se «comploterait». Le Burkina Faso est aujourd’hui incontournable en Afrique de l’Ouest jusqu’à damner le pion à la Côte d’Ivoire, au Sénégal dans le règlement des questions sous-régionales.
Des similitudes troublantes qui ne sont rien d’autre que la mise en marche d’une nouvelle balkanisation de l’Afrique. Entre-temps, le silence dans la plupart des Etats africains. En effet, pendant que la RDC est à feu et à sang, une bonne partie de son territoire est sous occupation par des forces étrangères et négatives, l’Afrique centrale et des Grands Lacs sont devenues de «grandes muettes». Tout se passe comme si la RDC était si loin. Fait plus grave, certains pays voisins se font complices de cette politique de balkanisation en vue de l’expansion de leur étendue géographique dans la perspective d’imposer leur souveraineté à la RDC.
Voilà qu’aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest est touchée à travers le Mali. Bientôt ce sera le Nigeria. Péril est dans le continent.
Par Freddy Monsa Iyaka Duku