Politologue canadien d’origine congolaise, spécialiste des enjeux géopolitiques de la région des Grands Lacs Africains et auteur prolifique, Patrick Mbeko s’est entretenu avec le think-tank Thinking Africa.
Il revient sur les motivations qui l’ont amené à travailler sur la Libye, expose les leçons du destin de Kadhafi pour l’Afrique, décrypte les processus des guerres hors-la-loi que connaît l’Afrique, et apporte un éclairage sur l’Afrique de demain, du point de vue géopolitique.
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Ci-dessous quelques verbatims:
Sur le droit international
Le droit international est une escroquerie intellectuelle. Il ne repose sur rien. En réalité, sur l’échiquier international ce sont les rapports de force qui priment. Le droit international s’efface devant les intérêts importants des grandes puissances. Quand ils décident d’attaquer la Libye, ils violent le droit international. Ce que nous devons comprendre, nous africains, c’est que sur le plan international, le droit n’existe pas, mis à part celui du plus fort.
Sur les leçons à tirer de la prise de pouvoir par Kadhafi en 1969
Savoir s’organiser et apprendre à travailler sur le long terme. C’est ce qui fait défaut en Afrique… C’est à ce niveau que le coup d’Etat de Kadhafi en 1969 nous enseigne. Nous mettons en place des organisations et nous voulons atteindre nos objectifs très rapidement sans prendre le temps qu’il faut, sans prendre en compte l’environnement. Il faut être très bien organisé, prendre le temps qu’il faut et intérioriser le fait que je peux commencer un projet, m’arrêter en chemin et laisser un autre continuer le projet.
Sur l’américanisation des économies
Les américains, très souvent, ne font pas seulement des guerres pour exploiter les richesses d’un pays, ils font des guerres pour américaniser les économies des pays. Parce que quand vous avez une économie américanisée, elle est directement greffée au modèle capitaliste américain et devient dépendant de ce modèle là. C’est un système de prédation sophistiqué que Kadhafi avait compris. Et il a préféré mettre en place un système propre aux libyens. Et c’est d’ailleurs ce qui a engendré la prospérité en Libye. Cela peut nous interpeller, nous africains, qui voulons faire avancer nos pays en pensant que développer le pays, c’est copier le modèle occidental qui a échoué.
Sur les programmes de type YALI
Nos adversaires travaillent sur le long terme. L’impérialisme occidental a compris que les africains ouvrent un peu les yeux sur leur fonctionnement et se rend compte qu’il ne pourra plus mener des guerres comme avant ou en imposer inutilement, alors qu’est-ce que les occidentaux font ? Ils préparent les esprits africains à faire ce travail là à leur place. C’est ça le programme de type YALI… Les Africains doivent travailler sur le long terme. Et cela doit commencer dans le système éducatif.