Par André Jufer
Le crash de l’avion présidentiel de Juvénal Habyarimana, abattu par des missiles sol-air le soir du 6 avril 1994, aura non seulement déclenché l’effroyable bain de sang dans lequel le Rwanda a plongé dès le lendemain, mais s’avère être une pièce maîtresse du plan d’annexion du Kivu par le régime tutsi de Paul Kagame, avec le soutien des USA, du Royaume-Uni, du Canada et d’Israël, pour la maîtrise de ses fabuleuses richesses minières, au prix démentiel de plus de 7 millions de morts depuis l’an 2000.
Ce qui s’est passé au Rwanda en avril 1994 n’est pas un génocide des Tutsis planifié par les Hutus. Mais le dire fait passer pour un révisionniste. Des Hutus et des Tutsis ont été massacrés dans la situation de chaos généralisé provoqué par l’APR. Mais l’affirmer fait passer pour un négationniste, tout comme sont accusés d’antisémitisme ceux qui dénoncent la politique du gouvernement israélien. L’histoire officielle de cette tragédie, celle qu’impose le gouvernement de Kagame, cette doxa d’un génocide des Tutsis planifié par les Hutus, est défendue par Washington, Ottawa, Londres et Tel Aviv. Pour avoir publié Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali, l’écrivain et journaliste québécois Robin Philpot a été pris à partie avec virulence par Radio-Canada et le quotidien La Presse de Montréal. Christian Davenport et Allan Stam cités supra sont devenus des négationnistes du génocide des Tutsis, insultés, calomniés, menacés par le gouvernement de Kagame. Même le TPIR les a rejetés.
« Le Rwanda rend fous ceux qui défendent Kagame et les Tutsis, et leur fait croire la plus grossière des rumeurs en rejetant sur leurs ennemis la charge de la preuve. […] Et pourtant les informations et les connaissances dont on dispose aujourd’hui confirment, pour qui veut bien le voir, que l’histoire officielle de cette grande tragédie ne tient plus. En effet, des enquêtes sérieuses menées par de nombreux acteurs (journalistes, historiens, experts, ONG, Nations Unies, juristes…) montrent que celui qui se fait passer pour “le sauveur des Tutsis” est l’architecte principal du drame que vivent les populations des Grands Lacs. Il a non seulement assassiné deux chefs d’Etat africains, mais est aussi responsable du génocide rwandais et de ses suites catastrophiques au Congo voisin » (Charles Péan, cité par Patrick Mbeko p. 296).
L’événement déclencheur de la tragédie rwandaise est l’attentat contre l’avion présidentiel de Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994. Ceux qui ont ordonné le tir des missiles savaient que la mort du président hutu déclencherait un effroyable bain de sang. Toute l’histoire du génocide rwandais repose sur cet événement. Le TPIR le reconnaît, mais n’a diligenté aucune enquête pour en démasquer les auteurs. L’ONU ne veut pas savoir qui est derrière cet attentat. L’omerta autour du crash de l’avion
d’Habyarimana est totale. Jusqu’au jour où le journaliste Steven Edwards, correspondant du National Post auprès des Nations Unies à New York, révèle le 1er mars 2000 que l’ONU détient dans ses cartons un rapport confidentiel mettant en cause le président Paul Kagame dans l’attentat contre Juvénal Habyarimana. Ces révélations confirment ce qui ne fait aucun doute pour le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière tout comme pour la justice espagnole ainsi que pour les nombreux témoins cités plus haut: l’actuel président rwandais Paul Kagame a lui-même commandité l’attentat contre le Falcon 50 du président Habyarimana. Les révélations de Steven Edwards font l’effet d’une bombe aux Nations Unies. L’impact médiatique qui s’ensuit est immédiat et ne cesse, depuis, de faire boule de neige. Vingt-sept accusés détenus par le TPIR à Arusha et quelques-uns de leurs défenseurs écrivent au secrétaire général de l’ONU, lui demandant la publication de ce rapport confidentiel. Trois jours plus tard, le directeur des affaires juridiques indique aux avocats qu’un « mémorandum interne et confidentiel » de trois pages a bien été trouvé dans les classeurs de l’ONU, et que l’auteur, Michael Hourigan, ancien enquêteur au bureau de Louise Arbour, l’a réalisé à sa seule initiative et ne l’a jamais transmis à la procureure. « “Faux !”, rétorque l’intéressé, et de soutenir avec force : “Je maintiens ce que j’ai dit au juge Bruguière. On m’a toujours assuré que l’enquête sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, qui a déclenché le génocide, faisait partie de mon travail. Et puis, quand j’ai trouvé une piste sérieuse, le procureur général du TPIR, Louise Arbour, m’a demandé de tout arrêter en février 1997. J’étais sous le choc et j’ai démissionné peu de temps après.” » (Patrick Mbeko p. 423). Au cours de son enquête, Michael Hourigan est entré en contact avec trois membres du FPR qui lui ont dit avoir fait partie d’une cellule chargée de préparer l’attentat contre Habyarimana sous la direction de Paul Kagame. Ils ont informé Hourigan que dix militaires du FPR auraient organisé l’attentat contre le Falcon d’Habyarimana à partir de trois positions de tir et autant de postes de commande aux abords de l’aéroport de Kigali. Les noms et les grades de ces soldats de l’ombre ont été communiqués aux enquêteurs de l’ONU.
Les Nations Unies détiennent en effet un document de quatre pages estampillé « secret » dans lequel figurent les détails de l’attaque, l’identité et la description des sources ainsi que la liste des membres de ce commando spécial appelé « le Réseau ». Le National Post affirme que ce mémorandum interne aurait été donné « en mains propres » à Louise Arbour. Peu après, le New York Times révèle que Louise Arbour a dissimulé un autre rapport des enquêteurs de l’ONU, un document de 150 pages, concernant les crimes de guerre commis par les forces armées croates – que soutenaient les USA – contre les Serbes dans la province de Krajina, où 200.000 personnes furent déplacées, 150 exécutées sommairement et plusieurs centaines disparues. L’emprise que les responsables de l’OTAN ont exercée sur le TPIY et sa procureure Louise Arbour est reconnue par les responsables de l’OTAN eux-mêmes. Michael Hourigan ne se rendait pas compte que sa conversation avec Louise Arbour via l’ambassade américaine était sous écoute des services secrets américains. Il avouera plus tard qu’il était naïf pour n’avoir pas fait attention aux Américains, et confirme aujourd’hui encore que l’enquête sur le crash de l’avion d’Habyarimana faisait bel et bien partie du mandat du TPIR, quoi qu’en dise Louise Arbour.
Quand Carla Del Ponte, qui a succédé à Louise Arbour en septembre 1999, tentera d’enquêter sur les crimes commis par l’APR, Kigali et ses alliés américains et britanniques monteront une cabale pour l’expulser du TPIR et la remplacer par un procureur plus docile, Hassan Boubacar Jallow. Celui-ci a entériné la promesse des USA aux autorités rwandaises sur l’abandon des poursuites contre les militaires tutsis du FPR. Il est troublant que Carla Del Ponte, dont la pugnacité a forgé sa renommée, n’ait pas voulu, à l’instar de Louise Arbour, établir les responsabilités du FPR dans l’attentat. D’autant qu’en 2008, elle révéla que le TPIR détenait des preuves permettant d’inculper Kagame pour crimes de guerre et génocide, et expliquait que si aucune poursuite n’avait été engagée contre lui, c’était en raison des fortes pressions exercées par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.