L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu apporte une lecture géopolitique de la fin de pouvoir de Blaise Compaoré au Burkina Faso, expose les différences majeurs entre les situations congolaise et burkinabè, rappelle qui sont les véritables ennemis du Congo et leurs motivations, propose des pistes actions pour une meilleure approche des enjeux qui nous concernent. Et explique pourquoi nous devons gagner la bataille des idées.
Sur la fin du pouvoir de Blaise Compaoré
Quand Blaise Compaoré trahit son ami, Thomas Sankara, et participe à l’assassinat de cet ami, il est soutenu par la France. Or les compatriotes africains ne vont pas assez loin dans l’analyse de ce qui est en train de se passer au Burkina Faso. La France est au Mali, la France est en Côte d’Ivoire, la France est au Niger. Et il y a des compatriotes africains qui estiment que les masses africaines peuvent se lever comme ça et chasser un nègre de service de la France du Burkina Faso sans que la communauté occidentale n’intervienne. C’est une lecture biaisée de l’histoire de l’Afrique avec la France, et maintenant avec la grande puissance américaine, qui est en train de faire de la France, son nègre de service.
Tous les 15 ans, les maîtres du Monde essaient de refaire la géopolitique mondiale, surtout là où ils ont des nègres de service. Nous devons pouvoir être attentifs aux acteurs pléniers qui seraient intervenus dans ce qui est arrivé au Burkina Faso.
Il y a dans la lecture de ce que plusieurs compatriotes ont fait de ce qu’ils ont précipitamment appelé « printemps noir », il y a bien des choses à revoir pour une meilleure compréhension de ce qui s’est passé au Burkina.
Sur le signal que donne la « révolution » burkinabè à l’Afrique
Nous sommes, pour la plupart d’entre nous, des analphabètes politiques à tel point que nous ne comprenons pas que l’essentiel en politique africaine ne se passe pas sur la place publique. Il n’y a aucun signal qui est donné à partir de ce qui s’est passé au Burkina. Le signal sera donné quand les compatriotes africains auront identifié les acteurs pléniers de ce qui s’est passé au Burkina Faso et leur mode opératoire.
Ce qui s’est passé au Burkina n’est pas une génération spontanée. On y retrouve les mêmes symboliques et gestuelles qu’on a pu voir à Hongkong ou à Kiev. C’est une « révolution » guidée et prise en charge par ceux qui voudraient faire de l’Afrique un réservoir de matières premières. Malheureusement, beaucoup de compatriotes africains ne relisent pas ou plus notre histoire. Et c’est très dangereux pour notre avenir collectif.
Ce qui se passe au Congo ne se décide pas au Congo. Nous devons changer notre manière de pouvoir lire l’histoire mais aussi notre approche du mode opératoire de ceux que nous appelons « nos partenaires occidentaux ». Sans cela, l’avenir de l’Afrique sera compromis pour toujours.
Sur les ennemis du Congo
Les jours, les mois et les années à venir seront très critiques pour le Congo. Il y aura davantage de sang et de morts. Pourquoi ? Nous, dans notre naïveté, n’avons pas compris ce qui s’était passé à Berlin en 1885. Et rares sont les acteurs de la société civile et de la classe politique qui essaient d’aller jusqu’à 1885. Il faut revisiter l’histoire, identifier les acteurs majeurs, identifier leurs modes opératoires et examiner nos modes opératoires à nous et nos acteurs politiques et sociaux pour voir s’il y a une certaine équivalence. Dans le cas contraire, nous sommes en train de participer au jeu d’enfants dans le sable et nous n’aurions rien compris à ce qui est train de se passer.
Ne nous fions pas à ces deux ou trois politiques congolais qui sont constamment sur le devant de la scène, eux-mêmes n’ont rien compris à l’histoire quand ils ne sont pas complices du nouveau désordre mondial.
Nous n’avons plus d’autres choix que d’avoir des masses populaires qui comprennent les enjeux et qui s’approprient leur histoire.
Parce que l’ennemi du Congo n’est pas Joseph Kabila. Kabila est une marionnette. Les ennemis du Congo opèrent à partir de la communauté occidentale. Si nous n’avons pas la maîtrise de la bataille des idées qui est en train de gagner le monde et l’Afrique aujourd’hui, nous serons encore recolonisés.
Sur la contagion burkinabè en RDC
Le Congo est au cœur d’enjeux colossaux. N’oublions pas que le Congo est une colonie occidentale. Ce n’est pas la même chose avec le Burkina Faso. Qu’est-ce que le Burkina Faso a comme matières premières stratégiques ? Le coton ? Et puis le Burkina Faso est une colonie de la France, comme plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest parce qu’ils utilisent tous le franc cfa. Or actuellement travaille avec le maître américain. Ainsi l’Afrique est-elle en train d’être recolonisée par les Usa qui essaient de pouvoir des alliés que sont la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, etc.
Sur la violence en RDC
Regardez le carnage qu’il y a eu chez nous, le 26 novembre 2011. On a tiré sur nos compatriotes à bout portant. Personne n’a parlé de cela. Imaginez seulement qu’on ait tiré sur des citoyens belges ou français et qu’un carnage ait eu lieu comme au Congo ? Le monde entier se serait mis debout pour demander que justice soit faite.
Rappelez-vous de ce qu’il y a eu chez nous, le 30 décembre 2013. Nos compatriotes ont été massacrés comme des mouches. Si nous ne comprenons pas que ces massacres, ces assassinats participent de l’approche actuelle que les maîtres du monde ont du noir : c’est-à-dire, une race qui se reproduit facilement, le monde de demain ne sera pas capable de supporter le nombre d’habitants qui est en train de s’imposer aujourd’hui, il faut exterminer le plus possible de gens, et les africains vont payer le prix. Quand on ne comprend pas cela, on s’amuse dans le sable pour être demain les nègres de service de ceux qui ont pris en conscience la décision de supprimer l’Afrique de la carte du monde.
Dieu merci, ils ne sont pas des dieux. Ils vont assister à des surprises. Et comprendront que s’ils ne parviennent pas à reconnaître le principe de notre commune humanité, c’est eux qui partent perdants. Heureusement, l’Afrique est avertie à partir de ces minorités organisées et agissantes et elle va organiser sa résistance quoi que cela puisse coûter.
Sur la bonne approche à adopter pour ce qui est des enjeux congolais
– Il faut avoir les yeux ouverts sur ce qui se passe, et chez nous, et à travers le monde.
– Il faut commencer à comprendre que si nous ne constituons pas des groupes d’auto-défense populaires, le Congo va être exterminé. Auto-défense populaire ne signifie pas nécessairement aller attaquer x ou y. Auto-défense populaire signifie prendre en compte, de manière rationnelle et consciencieuse, le fait que l’extermination du Congo est une décision prise dans certains cercles des Etats profonds des pays de la communauté occidentale. Il faut organiser des groupes d’auto-défense populaires pour résister à cette épuration de la race congolaise qui passe par les nègres de service qui sont au pouvoir aujourd’hui. Ce sont les congolais conscients du danger que le pays court qui devront s’adonner ce travail là en essayant de ne pas tout mettre sur la place publique.
– Nous devons gagner la bataille des idées. Ce qui fait beaucoup plus défaut au Congo, c’est l’existence de lieux de savoir où les débats des idées organisés là-bas peut-être utilisé par les gouvernants de façon que les idées qui sortent des lieux de savoir congolais puissent être utilisés pour l’émancipation politique, et du Congo et du reste de l’Afrique. Tout ce beau monde nous domine beaucoup plus par l’ignorance que par la force, comme dirait Simon Bolivar. Nous devons partager nos idées avec nos masses populaires. Nous devons protéger nos sols, nos terres, notre souveraineté, notre culture et notre dignité humaine, à travers nos idées. La meilleure bataille qui doit être gagnée est d’abord la bataille des idées. Si nous ne parvenons pas à partager ces idées avec nos masses populaires, nous n’aurons rien compris à l’histoire et serons éliminés de la surface de la terre.
Sur la grande misère du Congo
Prenez Cuba, prenez le Venezuela. Ce sont des pays où le mariage entre l’armée patriotique et le peuple a réussi. Vous ne pouvez pas compter aujourd’hui ce qui reste comme armée à Kinshasa pour protéger notre population. Regardez ce qui se passe à Beni, on tire à bout portant sur nos populations. Mais les populations restent debout et résistent. Le problème est que le reste du pays n’a pas accès à ces informations, et donc les autres compatriotes du pays ne peuvent se rallier facilement à ceux qui luttent à l’Est du pays. C’est ça la grande misère du Congo. Et les colonisateurs du Congo savent cela. C’est pour cela qu’ils ne permettront pas facilement qu’il y ait du courant en permanence dans tout le Congo. Parce que le jour où ce peuple là qui est majoritairement politisé pourra avoir un accès facile au livre, à la véritable information, le Congo va changer de fond en comble.
Voilà une fois de plus vous êtes égale à vous même Mr Mbelu merci pour le message.