Par Jean-Pierre Mbelu
Le dernier article de Charles Onana sur ce qu’il redoutait et qui s’est réalisé au Congo-Kinshasa a soulevé des passions inimaginables. Dans l’entre-temps, les tweets de Sonia Rolley, les articles de Marie-France Cros et ceux de Colette Braeckman, de Bloomberg ou de Washington Post, etc. circulent entre nous. Où se trouve le problème ?
Lire Charles Onana et le critiquer, c’est normal. Réduire sa production intellectuelle et journalistique à un article nous semble relever de la paresse intellectuelle et de l’inculture. Le réduire à ses origines camerounaises est pitoyable. Il est à la fois camerounais, africain, français et européen. Si nous avons du mal à comprendre une citoyenneté constitutionnelle riche de ses multiples appartenances, ce n’est pas la faute de Charles Onana. Dans l’un de ses livres, il cherche à comprendre pourquoi, en tant que citoyen européen, c’est-à-dire citoyen de l’UE, c’est-à-dire d’une aire géographique où les libertés fondamentales et les droits de l’homme passent pour être des principes »fondateurs », l’UE soutient des crimes au cœur de l’Afrique. Dans ce contexte, son intérêt pour le Congo-Kinshasa relève des questionnements propres à un citoyen d’une aire géographique donnée. Plusieurs d’entre nous n’ayant pas mené des recherches sur la spécificité d’un intellectuel n’ont toujours pas compris qu’il est, souvent, celui qui se mêle de ce qui ne le concerne pas. Cela fait partie de sa vocation. En sus, les compatriotes africains ayant compris ce que les Pères fondateurs de nos indépendances formelles soutenaient dans leur lutte panafricaniste savent que de l’indépendance réelle du Congo-Kinshasa dépend, pour une bonne part, l’indépendance réelle du Congo-Kinshasa.
Compagnon de Charles Onana dans quelques conférences et présentations de ses livres, nous sommes d’avis que ce monsieur fait partie de la crème intellectuelle à préserver, à protéger, à sauvegarder. Le critiquer en le respectant nous semble important. Ceux qui voudraient aller plus loin dans leurs critiques, nous leur proposons de lire ces trois livres de Charles Onana et de les soumettre à une critique sévère :
-Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009
-Menaces sur le Soudan et révélations sur le procureur Ocampo.. Al-Bachir & Darfour. Contre-enquête, Paris, Duboiris, 2010.
-Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012
La haine de soi et la « guerre des mémoires » doivent être combattues pour laisser de l’espace à la création des espaces de débat d’idées serein au Congo-Kinshasa et en Afrique. Cela pourra peut-être nous guérir de notre complexe d’infériorité quand nous nous serons rendus compte que l’Afrique et le Congo-Kinshasa ont une richesse dont nous parlons très peu : leur matière grise.
Une habitude est en train de s’installer dans certains milieux congolais. Des compatriotes se contentent d’attaquer certains livres et certains articles écrits sur le Congo-Kinshasa sans argumenter. Hier, plusieurs compatriotes n’ayant pas lu dix pages des Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux, ont justifié leur rejet en disant que son auteur, Honoré Ngbanda, a travaillé avec Mobutu. Il est l’un des fossoyeurs du pays. Bien que disant cela, ils ne cessent de s’envoyer, par e-mail, des textes d’Atundu Liyongo, de Kengo ou des autres dinosaures de la deuxième république.
Le dernier article de Charles Onana sur ce qu’il redoutait et qui s’est réalisé au Congo-Kinshasa a soulevé des passions inimaginables. Dans l’entre-temps, les tweets de Sonia Rolley, les articles de Marie-France Cros et ceux de Colette Braeckman, de Bloomberg ou de Washington Post, etc. circulent entre nous. Où se trouve le problème ? A notre avis, dans la haine du soi congolais et africain retardant la constitution du « nous » riche de ses diversités. Le problème est aussi lié à « notre mémoire courte ». Quand Charles Onana est venu présenté Europe, crime et censure au Congo. Les documents qui accusent, nous étions le modérateur de la soirée. La salle était pleine à craquer. Les éloges fusaient de toutes parts. Or, son dernier article n’est même pas le un cinquième des thèses qu’il soutient dans ce livre. Morale ? Nous avons vite oublié nos éloges au nom de l’hégémonie du présent perpétuel et de la paraisse intellectuelle.
A notre avis, la haine de soi et la « guerre des mémoires » doivent être combattues pour laisser de l’espace à la création des espaces de débat d’idées serein au Congo-Kinshasa et en Afrique. Cela pourra peut-être nous guérir de notre complexe d’infériorité quand nous nous serons rendus compte que l’Afrique et le Congo-Kinshasa ont une richesse dont nous parlons très peu : leur matière grise.
Quitte à rester ouverts à l’esprit critique. Les slogans haineux et la paresse intellectuelle ne nous avanceront pas. Parions que plusieurs d’entre nous lirons les livres d’Onana cités et les critiqueront sévèrement.
Babanya Kabudi