Par Momi M’Buze
L’année 2011 fut pour ma communauté une année du changement. Un changement dans la perception des choses politiques importantes influant directement ou indirectement sur nos vies ou celles de nos familles au pays ou ailleurs dans le monde. Avant, très peu s’intéressaient de manière proactive à ce qui touchait à la politique, j’entend par là, les enjeux des choses qui sont décidées pour ou contre nous dans des instances politiques diverses et variées. Le zaïro-congolais moyen venait d’ouvrir les yeux et réclamait désormais que sa voix, ses exigences soient entendus au risque d’un débordement massif pouvant aller jusqu’à donner de sa vie à l’instar d’Armand Tungulu et le jeune Cédric Nyanza: paix à leurs âmes.
Qu’est-ce qui a donc changé?
Il fut un temps, la communauté congolaise n’était connue que pour son penchant pour les plaisirs de la vie. Nous étions vus comme une communauté de jouisseurs, d’ambianceurs, de sapeurs, de prieurs fervents, etc… Ainsi, on pouvait voir la facilité avec laquelle les personnalités politiques du pays d’accueil – ici nous ne parlerons que de la Belgique – parvenaient à appâter la communauté à base de promesses diverses et variées, de discours infantilisant comme celui de cette semaine sortie de la bouche de Monsieur Pascal De Smet, Ministre flamand de l’enseignement, de la Jeunesse et Egalité Des Chances membre important et influent du parti SP.A (rien que çà…) qui disait:
« …nous les Blancs, on peut apprendre beaucoup de vous les Colorés…Vous avez la chaleur et on est devenu un peu froids…regardez vos vêtements déjà…ça donne de la couleur, ça donne de l’ambiance, de la vie, de la passion… » (*)
Ceci est le genre de discours minable qui avant 2011 n’aurait ni choqué ni ému ni suscité beaucoup de réaction dans la communauté hormis dans certains cercles intellectuels. Mais les réseaux sociaux et surtout la volonté de se faire respecter aidant, plus personne ne tolère ce genre de discours paternaliste trahissant un sentiment profond enfuit dans beaucoup de ces hommes et femmes politiques de ce pays qu’est la Belgique qui aiment se dire ami des africains, ami des congolais. Je ne m’avancerai pas d’avantage sur ce point mais je sais une chose dans les choses politiques, il n’y a pas d’ami, il n’y a que des intérêts et ce même à petit échelle comme c’est le cas entre les politiciens belges et la communauté congolaise.
Et ce besoin de respect va même au delà des frontières! Lorsqu’un cas grave d’accusation de vol sur fond de racisme, de négrophobie en Inde à l’égard d’étudiant congolais, la communauté s’est soulevée de partout et des représailles ont eu lieu jusqu’à Kinshasa contre la communauté indienne. A cette occasion j’avais crée un Hashtag sur Twitter #BoycottIndianStore qui s’est retrouvé largement diffusé par les abonnés congolais et autres du dit réseau social qui se sont indignés de manière active. Et Un de mes tweets s’est retrouvé sur un article du site de Jeune Afrique. Comme pour dire que nul besoin d’être un grand activiste connu ou reconnu pour marquer son temps. Il faut de la détermination et un sens du sacrifice pour les choses que l’on juge importante pour soi et son peuple.
Ce qui a changé depuis, c’est la perception que le monde a désormais de notre communauté. Le jeu a changé, les cartes sont redistribuées et les acteurs malléables d’hier sont remplacés par des acteurs quasi insaisissables et imprévisibles compte tenu du fait que tout le monde peut être un activiste dormant ou actif.
Qu’est-ce qui doit changer?
Ce qui reste encore à faire, c’est la mise en place d’un lien formel ou informel entre la « rue » et les « coulisses » c’est à dire que la rue doit donner du poids et de la légitimité aux acteurs en coulisse, les lobbys congolais, pour qu’ils puissent discuter avec le monde politique en se sachant soutenu et approuvé par la masse populaire. Et les lobbys doivent aussi donner de la crédibilité à la rue en agissant avec dignité, efficacité et honneur à cause des revendications fortes qui sont portées par ceux battant le pavé.
Ce qui devrait rendre grandement efficace cette complémentarité c’est avant tout la confiance des uns envers les autres mais aussi un contact régulier entre les meneurs de la rue et ceux des lobbys qui devraient se retrouver à huis clos, loin des caméras, des micros et des » gentils inspecteurs négociateurs » de la police pour se parler, s’écouter et se comprendre mutuellement en ayant unes seule stratégie globale d’action pouvant englober plusieurs tactiques de terrain qui pourraient sembler opposer mais se rejoignant en terme d’objectif.
Un changement de paradigme politique doit s’opérer en faveur d’un paradigme prenant en compte les intérêts communs. Dans ce nouveau paradigme chaque activiste, politicien d’origine congolaise ou africaine, acteur social, entrepreneur, étudiant etc… doit pouvoir se retrouver et savoir où et comment il ou elle se place dans cette ensemble complexe formé de groupuscules aux objectifs divers et variés. Ce changement de paradigme prendra énormément de temps et pourrait ne pas voir le jour si il n’est pas inculqué de manière actif par des activités régulières. Il pourrait s’installer, s’enraciner rapidement et profondément avec la mise en place de structures formelles ou informelles à l’intérieur de la communauté c’est à dire: par des gens de la communauté, pour les gens de la communauté et avec les moyens de la communauté.
Comme j’ai déjà eu à le dire dans de précédents articles, prenons garde aux pièges de la récupération et de l’asservissement par les subsides, les parrainages politiques et dépendances de toutes sortes. La meilleure manière d’empêcher une communauté de s’organiser, c’est d’encourager un individualisme exacerbé, celui où chacun oeuvre selon des objectifs personnels et ceux éloignant un individu ou un groupe de l’effort commun.
Il y a des conseils, des avis, des opinions qu’il est de bon de donner ouvertement afin d’avoir déjà une orientation idéologie de base devant servir au bien de la communauté congolaise ou africaine tout entière Et il y en a d’autres qu’il vaut mieux réserver à des discussions plus restreintes, à huis clos, afin de ne pas se laisser aller à des déballages publics comme on en a trop souvent vu par vidéos Youtube interposées. Des choses qui souvent nous desservent plus qu’elles ne nous servent et détruisant le peu qui a été bâtit depuis le changement de paradigme psychologique de décembre 2011 dont le soutien au malheureux candidat à la présidence Etienne Tshisekedi n’était que la face visible de l’iceberg… d’un combat plus large qui s’annonce long et pénible.
Momi M’Buze
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(*) http://www.cheikfitanews.net/2014/04/elections-belgique-europe-2014-pascal-smet-et-jeannot-kabuya-de-spa-chez-les-mamans-mpiko.html apd 18min50″