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Avoir le gouvernement et avoir le pouvoir. La petite leçon de François Mitterrand pour le Kongo-Kinshasa

Avoir le gouvernement et avoir le pouvoir. La petite leçon de François Mitterrand pour le Kongo-Kinshasa

Avoir le gouvernement et avoir le pouvoir. La petite leçon de François Mitterrand pour le Kongo-Kinshasa 1080 720 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Ils nous dominent plus par l’ignorance que par la force » – Simon  Bolivar

Au Kongo-Kinshasa, il y a une confusion terrible entretenue entre le fait d’avoir un gouvernement et celui d’avoir le pouvoir. Malgré les faits démontrant que les gouvernements successifs de ce pays ont produit un « Etat-raté-manqué », il y a encore plusieurs compatriotes pour qui avoir le gouvernement équivaut à avoir le pouvoir. La domination du « fait économique » sur « le fait politique » à travers plusieurs pays du monde et au pays de Lumumba est rarement débattu sur la place publique et sur les réseaux sociaux. Souvent, ce sujet est évité. Dieu seul sait pourquoi !

Il m’arrive d’insister dans plusieurs de mes articles (et livres) sur l’illusion de l’insularité du Kongo-Kinshasa. A plusieurs reprises, je soutiens que le Kongo-Kinshasa n’est pas une île ; qu’il est toujours important de le placer au cœur de la marche générale de l’histoire et du monde pour comprendre ce qui s’y joue ; les jeux et les enjeux. Il me semble que si cela n’est pas compris, l’ enthousiasme suscité par cette illusion d’insularité peut se transformer en un cauchemar et conduire à maudire Dieu et les ancêtres. Cette illusion d’insularité peut constituer un handicap sérieux du point de vue de l’apprentissage de ce qu’il se passe réellement au pays ou s’est passé chez les autres.

L’exemple des vérités de François Mitterrand à son épouse Danielle

Au Kongo-Kinshasa, il y a une confusion terrible entretenue entre le fait d’avoir un gouvernement et celui d’avoir le pouvoir. Malgré les faits démontrant que les gouvernements successifs de ce pays ont produit un « Etat-raté-manqué », il y a encore plusieurs compatriotes pour qui avoir le gouvernement équivaut à avoir le pouvoir. La domination du « fait économique » sur « le fait politique » à travers plusieurs pays du monde et au pays de Lumumba est rarement débattu sur la place publique et sur les réseaux sociaux. Souvent, ce sujet est évité. Dieu seul sait pourquoi !

Etre le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme.

Ailleurs, ce débat est mené. Des livres et des articles sont écrits là-dessus. Des luttes se poursuivent pour renverser la vapeur. C’est-à-dire rendre l’arbitrage sur le vivre-ensemble au politique et à la politique. Au cœur de ces luttes, il y a, par exemple, « les vérités » dites par François Mitterrand à son épouse Danielle. Celle-ci les confie au journaliste Hernando Calvo Ospina. Voici des extraits de leur échange ayant eu lieu le 28 octobre 2005 :

« Hernando Calvo Ospina : Mme. Mitterrand, qu’a signifié pour vous l’arrivée au gouvernement de votre époux François ? Est-ce que les idéaux sociaux et politiques qu’il portait dès sa jeunesse ont été reconnus en ces moments-là  ?
Danielle Mitterrand : Mai 1981 fut un mois de grande activité, car c’était la préparation de l’arrivée au pouvoir de François. J’essayais d’apporter tout ce qu’il y a de meilleur en moi, pour que ces rêves d’avoir une société socialiste, quoique à l’européenne, deviennent réalité. Mais bien vite j’ai commencé à voir que cette France juste et équitable ne pouvait pas s’établir. Alors je lui demandais à François : Pourquoi maintenant que tu en as le pouvoir ne fais-tu pas ce que tu avais offert ? Il me répondait qu’il n’avait pas le pouvoir d’affronter la Banque mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme. Qu’il avait gagné un gouvernement mais non pas le pouvoir. »

Voici la leçon que Danielle Mitterrand en a tiré :
« J’appris ainsi que d’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. J’ai vécu l’expérience directement durant 14 ans. Même s’il essayait d’éviter le côté le plus négatif du capitalisme, les rêves ont commencé à se briser très rapidement. » (DANIELLE MITTERRAND : « La démocratie n’existe ni aux USA, ni en France ». — Hernando CALVO OSPINA (legrandsoir.info))

Le piège américain

La même année, Georges-Marc Bernamou a publié un livre intitulé « Le Dernier Mitterrand » et Philippe de Villiers en cite un extrait en y ajoutant un petit commentaire. Il écrit ceci : « On a sans doute trop vite oublié la terrible confession du président Mitterrand sur son lit de mort : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre méconnue, vitale, une guerre économique, sans mort apparente. Les Américains veulent veulent un pouvoir sans partage sur le monde. »

On a sans doute trop vite oublié la terrible confession du président Mitterrand sur son lit de mort : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre méconnue, vitale, une guerre économique, sans mort apparente. Les Américains veulent veulent un pouvoir sans partage sur le monde.

Et il ajoute : « La « globalisation », cette nouvelle utopie par laquelle l’Occident américanisé tente d’imposer son imperium économique et culturel au monde, conduit à l’impasse. » (P. DE VILLIERS, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, Paris, Albin Michel, 2015, p. 327-328)

Voilà ! Danielle Mitterrand a appris que « d’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. » Elle a partagé son expérience des 14 ans passés à côté de son mari. Un point de vue que plusieurs de ses compatriotes ont vite oublié comme les amnésiques kongolais. Certains autres tels que Frédéric Pierrucci et Matthieu Aron l’ont finalement compris après la prise en otage du co-auteur du livre intitulé « Le piège américain » (Paris, Jc Lattès, 2019).

Philippes de Villiers l’a très bien compris. Après le livre cité, il a pris le temps de mener des recherches et des enquêtes sur « la guerre méconnue » dont a témoigné François Mitterrand et a produit un livre très remarquable intitulé « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu » en 2020 (J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu – PLANETES360 )

Tout ou presque est dans les livres

En lisant l’interview de Danielle Mitterrand, les livres de Philippe de Villiers, celui de Frédéric Pierrucci et Matthieu Aron, je me convaincs que les échanges rapides sur les réseaux sociaux non suivi de l’étude en profondeur des questions débattues peuvent induire en erreur.

Croire par exemple que le Kongo-Kinshasa est une île et que ce qui se passe là-bas ne s’est jamais passé ailleurs peut être une erreur grave. Tout comme croire qu’il suffit d’avoir l’un des nôtres « aux affaires politiques » pour avoir « le pouvoir » dans un pays en guerre raciste et perpétuelle de prédation menée par des proxys interposés.

La recherche, l’étude des faits, les enquêtes , la lecture faite à temps et à contretemps sur les questions débattues peuvent améliorer la qualité de nos échanges. C’est la raison pour laquelle, de temps en temps, je propose des « livres qui rendent sage et intelligent » sur mes murs. Les lire et s’en servir pour alimenter le débat serait une façon de nous aider mutuellement à remettre nos cerveaux à l’endroit.

Croire par exemple que le Kongo-Kinshasa est une île et que ce qui se passe là-bas ne s’est jamais passé ailleurs peut être une erreur grave. Tout comme croire qu’il suffit d’avoir l’un des nôtres « aux affaires politiques » pour avoir « le pouvoir » dans un pays en guerre raciste et perpétuelle de prédation menée par des proxys interposés. Non. Avoir le gouvernement ne signifie pas nécessaire avoir « le pouvoir » dans un monde où les raisons du désordre mondial produit par « la globalisation anglo-saxonne » sont cachées aux fanatiques, aux thuriféraires et aux tambourinaires des proxys des « Yankees ». (Lire V. BUGAULT, Les raisons cachées du désordre mondial. Analyse de géopolitique économique, juridique et monétaire, Paris, Sigest, 2019 ou cette interview Valérie Bugault – Les raisons cachées du désordre mondial – Le Saker Francophone )

Tout ou presque est dans les livres. Telle est ma profonde conviction. Lisons encore et toujours. Nos débats sur les réseaux sociaux s’en trouveront enrichis et nous pourrons apporter aux Kongo-Kinshasa des idées et des pensées utiles aux actions volontaristes averties. Se mentir à soi-même et croire qu’il est possible de bâtir un pays prospère sur le mensonge et le faux-semblant est une bêtise.

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

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