L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu replace les incidents de Bukavu autour de Kamerhe dans le processus de balkanisation et d’implosion du Congo, décrypte le plan de transformation de l’Afrique en un vaste marché de libre-échange non régulé, à travers l’opportunité pour le Congo de rejoindre le marché commun de l’Afrique orientale et de l’Afrique australe. Et explique pourquoi il est important de s’organiser pour former et débattre avec nos populations à la base sur les questions qui engagent notre devenir commun.
Sur les incidents autour du rassemblement de l’UNC Bukavu le 20 février 2014
La question essentielle est la suivante : Que se passe-t-il réellement à l’Est de la RDC ? La dispersion des manifestants qui se rendaient au rassemblement autour de Vital Kamerhe ou à la place de l’indépendance de Bukavu, est à inscrire dans tout un processus qui se déroule chez nous, depuis les années 1990. N’oubliez qu’au moment où cette manifestation est dispersée, il y a des informations, qu’on a reçues sur le massacre de 70 congolais dans le Masisi.
Ces milices rwando-ougandaises, qui ont infiltré les FARDC, ont un objectif bien précis : Tuer les congolais, créer la violence, créer la peur. Cet objectif ne concerne pas que l’Est du pays. Le 26 novembre 2011, plusieurs jeunes partis accueillir Etienne Tshisekedi à l’aéroport de N’djili à Kinshasa, avaient été tué, ciblés à balles réelles par la police et les militaires. N’oubliez pas ce qui s’est passé le 30 décembre dernier à l’aéroport de N’djili encore et au Katanga : il y a eu des massacres. N’oubliez pas non plus ce qu’il y a eu en 2006 après la première mascarade électorale, il y a des massacres à Kinshasa.
Sinon, nous isolons ce qui s’est passé au Sud-Kivu (avec Kamerhe) de tout ce processus de violences, assassinats et massacres de congolais, nous sommes à côté de la plaque. Ce processus de terreur et d’extermination des congolais participe du grand projet de la balkanisation et de l’implosion de la RDC.
Sur la dynamique politique de Kamerhe
Avant de se rendre dans le Sud-Kivu, Kamerhe avait lancé un appel en direction des Maï-Maï pour qu’ils déposent leurs armes et rejoignent les FARDC. Lorsque les troubles sont intervenus à Bukavu, Kamerhe a déclaré que ce sont les troupes de la garde présidentielle qui ont revêtu l’uniforme de la police et ont tiré à balles réelles sur la population. Quelle ironie, le même qui demandait aux Maï-Maï de se rendre aux FARDC et laisser ces derniers assurer la sécurité de nos populations, s’est rendu que ces FARDC pouvaient se déguiser en policiers et tirer sur les congolais. Kamerhe peut-il encore demander à nos fils Maï-Maï de pouvoir confier leur sécurité à une armée d’infiltrés qui cherche par tous les moyens à exterminer la population congolaise ? Comment peut-on demander aux résistants congolais, que sont les vrais Maï-Maï, de pouvoir se rendre aux infiltrés rwando-ougandais (dans les FARDC) qui n’ont que pour objectif de vouloir les exterminer ?
Qui organise ce qui est entrain de se passer au Congo aujourd’hui ? Pourquoi il n’y a-t-il que Kamerhe et quelques rares autres compatriotes, dits de l’opposition, qui peuvent s’exprimer ?
Ce qui se passe chez nous, que ce soit avec Kamerhe, que ce soit avec Ndongala, que ce soit avec les militaires comme Mamadou Ndala, est un processus orchestré par l’élite anglo-saxonne dominante qui s’efforce à faire du Congo le 51ème Etat américain et qui vient de créer avec la complicité de nouveaux leaders de la renaissance africaine que sont Kagame et Museveni, le marché de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe.
La question n’est pas Kamerhe, mais celle de la manipulation de ce que nous appelons élite politique pour que le coup de l’élite anglo-saxonne dominante réussisse. Il y a tout un théâtre cynique qui est monté au cours duquel certains événements profonds surviennent, comme le génocide rwandais, mais aussi tous ces massacres de congolais. Ne nous limitons aux individus, essayons d’étudier le processus dans son ensemble pour pouvoir en tirer les conséquences qui pourraient aider les pays africains en général, et l’Afrique des Grands Lacs en particulier à tirer son épingle du jeu.
Sur la pétition pour la démission du président de la CENI, Malu Malu
Malu-Malu est un pion du réseau transnational de prédation qui sévit au Congo. On peut enlever Malu-Malu demain et mettre Ngoy Mulunda, comme cela a été fait par le passé. Si nous nous limitons à des pions ou éléments de ce réseau, nous ne comprenons pas son fonctionnement qui a pour finalité la balkanisation du pays et la transformation de l’Afrique en une vaste zone non régulée.
Pourquoi les populations congolaises et la classe politique congolaise tiennent-elles à intégrer un processus électoral qu’ils ne maîtrisent pas. Le processus d’extermination des congolais fonctionne aussi avec l’argent que ces politiciens reçoivent, surtout, du parlement. Argent, violence, peur : c’est le triptyque qui fonctionne à merveille en RDC.
On donne de l’argent aux élites politiques pour qu’ils continuent de croire qu’un véritable processus électoral pourrait avoir lieu dans un pays sous la tutelle de l’ONU et sous occupation des milices ougando-rwandaises. Mais tout en leur donnant cet argent là, ceux qui organisent le processus de balkanisation et d’implosion du Congo, soutiennent les milices qui font la guerre à nos populations, qui tuent et massacrent nos populations, pou créer la peur.
Si les congolaises et congolais dans leur majorité acceptent de coaliser et de constituer un contre-pouvoir et de faire un travail en synergie, ils peuvent se redistribuer les tâches. Il y a ainsi moyen de travailler sur plusieurs fronts à la fois, mais en ayant une vision claire des commanditaires de ce processus et de son orientation.
Sur l’adhésion de la RDC à la COMESA (Marché commun de l’Afrique orientale et australe)
Sur quoi la COMESA va être fondée ? Sur le principe du libre-échange. C’est-à-dire, à partir de la Libye, jusqu’au Malawi, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, vont participer à un marché non régulé, un marché dans lequel les Etats africains n’imposent pas de règles idoines pouvant permettre aux populations africaines de tirer avantage de ce marché. Il y a là l’un des objectifs de ceux qui nous font la guerre de basse intensité, à savoir transformer l’Afrique en un marché sans Etats, sans pays. Regardez la liste de pays qui y sont inclus : La Libye qui a été détruite, le Soudan coupé en deux, le Rwanda sous la coupe d’un génocidaire, l’Ouganda occupé par un dictateur, et plusieurs pays qui aideront les pays qui ont initié les guerres contre l’Afrique à pouvoir évacuer les ressources et produits qu’ils vont récupérer vers le port de Mombasa.
Le génocide en tant qu’entreprise 100% américaine avait ceci comme objectif de transformer l’Afrique en un marché non régulé.
Sur la déclaration des évêques du Katanga
Les congolais connaissent trois types d’insécurité : l’insécurité socio-politique, l’insécurité sociale, la justice redistributive qui n’est pas assurée. Mais comme toutes les autres dénonciations, cette déclaration se réfère au gouvernement fantôche de Kinshasa comme lieu où un début de solution pourrait être amorcé. Or, vous ne pouvez pas demander à des pyromanes d’être des pompiers. Il faut plutôt faire un travail de formation et d’éducation de nos populations à partir de la base, des communautés ecclésiastiques de base.
Sur la date du 16 février pour le Congo
Pourquoi il y a-t-il eu des massacres le 16 février 1992 au Congo ? Entre autres, parce qu’il y avait un peuple qui s’était mis debout et qui avait réussi à lutter sans armes pour que la conférence nationale souveraine puisse être ouverte. Pourquoi ? Parce que le peuple croyait que cette conférence pouvait être le début, si elle aboutissait convenablement, d’une autre organisation politique au Congo.
Tout en organisant des manifestations à travers le monde, pour célébrer cette date, il serait bon de revenir sur les résolutions prises lors de cette conférence nationale souveraine pour les étudier et voir pourquoi ces résolutions n’ont jamais été appliquées au Congo jusqu’aujourd’hui. Mais il y a aussi le processus qui a conduit à cette conférence qui mérite que nous puissions de temps en temps nous y arrêter. Le fait que Mobutu ait compris qu’il était temps de pouvoir organiser des consultations populaires, peut être retenu à son actif.
La démocratie participative commence à partir du moment où les gouvernants comprennent qu’ils ne peuvent pas diriger sans aller régulièrement vers ce peuple pour échanger sur des questions qui engagent sur le devenir commun.