L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu dresse le bilan de l’ouverture du Congo à la démocratisation lancée en 1990 avec le discours de 24 avril de Mobutu, expose le contexte international dans lequel ce processus s’est déroulé, montre comment le système néolibéral et capitaliste travaille de pair pour briser la résistance congolaise et expliqué pourquoi nous avons besoin de rompre avec ce système pour que les congolais deviennent les sujets de leur histoire.
Sur le bilan de la démocratisation
L’espace politique aujourd’hui est occupé par les vieux dinosaures et les nouveaux prédateurs, et les masses populaires en sont exclus.
Sur le contexte international du 24 avril 1990
Quand nous analysons les années 1990 chez nous, nous ne pouvons pas mettre en parenthèses des textes comme « La fin de l’histoire » de Fukuyama et la fin de l’URSS en 1991. Et quand ils disent que c’est la fin de l’histoire, les anglo-saxons ne voudraient pas laisser une partie de l’Afrique au pré carré franco-belge. Quand François Mitterrand dit, désormais l’aide accordée aux pays africains sera liée à leur engagement dans un processus de démocratisation, il fait comme s’il ne savait pas qu’il y a une guerre qui est menée contre la France et le Belgique au cœur de l’Afrique par les Etats-Unis et leurs alliés. Cette guerre qui continue aujourd’hui est liée à la réappropriation des matières premières stratégiques du Congo aux dépens des européens. Et c’est cette guerre qui a torpillé le peu d’effort que les congolais croyaient déployer pour faire de leur pays un Etat démocratique.
Sur le système néolibéral et le capitalisme du désastre.
Sur ce qui a manqué lors de la conférence nationale souveraine
Il est possible de pouvoir repartir à la base pour pouvoir réanimer ces masses populaires et favoriser leur incursion dans l’arène politique afin qu’ensemble, nous puissions devenir les sujets de notre histoire. Que nous puissions lutter pour la souveraineté de notre pays, que nous puissions constituer ensemble un grand mouvement de résistance contre le néolibéralisme.
Mais, cette histoire ne pouvait pas non plus marcher pourquoi ? Parce que Mobutu n’était qu’une marionnette. Vous avez beau faire des résolutions, si ces résolutions vont à l’encontre des intérêts de ceux qui l’avaient mis à cet endroit là, il ne pouvait pas les mettre en pratique. Si Mobutu et ceux qui avaient participé à al Conférence nationale souveraine (CNS) étaient réellement les représentants souverains d’un peuple, ils pouvaient mettre ces résolutions en pratique. Et la même chose s’est reproduite récemment avec les concertations nationales. Il y a eu des résolutions qui n’ont pas pu être mises en pratique. Tout cela parce que nous n’avons pas affaire à des acteurs de l’histoire congolaise, nous avons affaire à des proxys, marionnettes téléguidées de l’extérieur.
Sur les résultats de la CNS
Sur le 24 avril 2016 à Kinshasa et la classe politique congolaise
L’opposition est majoritairement composée de kabilistes, le kabilisme étant né avec la guerre de l’afdl. C’est donc le kabilisme qui risque de se reproduire, aux dépens de nos populations. Parce qu’il n’y a pas assez d’efforts déployés pour rompre avec le système de l’abrutissement et de dégradation de nos masses populaires, avec le système qui a engendré la guerre. On parle de Kabila, on parle de X ou Y, mais on ne parle pas des questions essentielles. Liées à la souveraineté et à la protection des terres du Congo.
Convoquer les masses populaires et les livrer à la vindicte de la police quand on sait qu’on va se retrouver demain ou après-demain dans un gouvernement d’union nationale, cela me pousse à croire que cette classe politique qui est en train de reproduire le mobutisme et le kabilisme est composé de vampires et de sorciers. Ce n’est pas une classe politique à même d’amener les masses populaires à devenir les sujets de leur histoire.