Par Jean-Pierre Mbelu
« Des actions et des interactions fondées sur le principe de l’ignorance peuvent être porteuses de la mort. Surtout si cette ignorance est apprise. »
– Babanya
Après la chute du mur de Berlin et la fin de l’URSS en 1991, certains partisans de « la fin de l’histoire » ont aussi cru en »la fin des idéologies » tout en soutenant, avec Margaret Tacher qu’il n’y a pas d’alternative au néolibéralisme. Utilisé comme une stratégie pour dominer le monde en assurant l’expansion du « Consensus de Washington » fondé sur les principes de la déréglementation – ou sur les règles imposées aux Etats instrumentalisés par les mondialistes-, la libéralisation et la privatisation sur le marché des biens et des services, tout en magnifiant la concurrence et la compétitivité, le néolibéralisme a réussi à s’imposer aux coeurs et aux esprits des « politicards » kongolais. N’ayant pas d’entreprises compétitives sur le marché néolibéral, le Kongo-Kinshasa a joué à fond son rôle négrier, colonial et néocolonial d’être le réservoir des matières premières stratégiques pour le capitalisme dégradant.
Ils ont cru en la fin des idéologies
Ayant cru, consciemment et/ou inconsciemment en « la fin des idéologies », « les politicards » désorientés par l’assassinat de l’un des critiques acerbes du capitalisme, Patrice Lumumba, ont opté pour la négritude du service. Celle-ci peut prendre plusieurs formes. Toutes sont porteuses de servilité, de soumission, d’assujettissement et d’abâtardissement.
Accepter d’être manipulés par les forces extérieures et leurs mercenaires (africains et kongolais) pour fragiliser les institutions du pays de l’intérieur en vue d’avoir accès au « pouvoir-os », à un semblant de pouvoir sans aucune incidence positive sur le bonheur collectif partagé, tel semble être l’horizon indépassable de leurs gesticulations politicardes.
Interchangeables dans ce jeu des dupes, ils reconduisent la carte identitaire ayant joué un rôle nocif aux lendemains de l’indépendance formelle du pays. Ils sont restés esclaves des paradigmes ayant favorisé les deux sécessions du Kasaï et du Katanga. Accepter d’être manipulés par les forces extérieures et leurs mercenaires (africains et kongolais) pour fragiliser les institutions du pays de l’intérieur en vue d’avoir accès au « pouvoir-os », à un semblant de pouvoir sans aucune incidence positive sur le bonheur collectif partagé, tel semble être l’horizon indépassable de leurs gesticulations politicardes.
Esclaves des paradigmes de néantisation et d’indignité qu’ont été la traite négrière, la colonisation et la néocolonisation, ayant renoncé aux livres les ayant remis en question, ils ont opté, ces politicards kongolais, leurs fanatiques et leurs thuriféraires, pour la carte identitaire. Instrumentalisant les clans et les tribus ayant les mêmes origines, ils les opposent pour participer du « chaos orchestré » afin d’avoir accès au « pouvoir-os » et de se le partager sans aucune envie de devenir des humains libres et souverains.
Ayant béatement cru à « la fin des idéologies », ils refusent d’ étudier en profondeur les dégâts causés par le triomphe de l’extractivisme des matières premières stratégiques du pays. Au lieu, de combattre l’extractivisme, « les politicards » kongolais s’attaquent entre eux en recourant à la carte identitaire. Ce faisant, ils posent mal le problème tout en alimentant les fractures internes au profit du marché mondialiste. Et leurs fanatiques et leurs thuriféraires les appuient sans un minimum de recul.
Le problème de fond
Quel pourrait être l’un des problèmes de fond ? Le triomphe de la culture de la jouissance dans les coeurs et les esprits du plus grand nombre. Du moment que l’accès au « pouvoir-os » s’accompagne du partage de « la manne » afin que les fanatiques et les thuriféraires mobilisés aient accès à la mangeoire, cette carte identitaire vaut la peine d’être jouée même si le reste du pays peut sombrer dans « le chaos orchestré ». Et elle fait sa prise là où la mémoire a cessé d’être vivante.
Du moment que l’accès au « pouvoir-os » s’accompagne du partage de « la manne » afin que les fanatiques et les thuriféraires mobilisés aient accès à la mangeoire, cette carte identitaire vaut la peine d’être jouée même si le reste du pays peut sombrer dans « le chaos orchestré ».
Malheureusement, cet imbroglio néolibéral a produit toute une (in)culture de la jouissance à moindres frais. Sans effort et sans travail conséquent. Malheureusement, cet hédonisme produit de la convoitise, de la cupidité, de la haine, de la méchanceté et de la violence que « les politicards finissent » par mettre sur le compte de la tribu ou du clan.
Cette (in)culture néolibérale envoûte les coeurs et les esprits des « politicards » kongolais, de leurs fanatiques et de leurs thuriféraires. Elle fait une telle prise sur ces coeurs et sur ces esprits de façon qu’ils deviennent incapables de penser et de sentir en se servant des cultures différentes telles que les cultures traditionnelles kongolaises démonétisant l’avoir au profit de l’être ou mettant l’avoir au service de la solidarité, de la coopération et de la fraternité. Incapables de penser autrement, ils ne peuvent pas concevoir des idéologies alternatives au néolibéralisme. Incapables de sentir, ils sont évidés de toute sympathie, de toute empathie et de toute compassion et prêts à la guerre de tous contre tous pour la reconduction éternelle du néolibéralisme et du néocolonialisme au coeur de l’Afrique.
Conclusion : des pratiques de désenvoûtement
« La sorcellerie néolibérale » ayant envoûté les coeurs et les esprits des « politicards » kongolais a « mangé » leur capacité de voir et de comprendre ce qui se passe ailleurs dans le monde. Ils font comme si les BRICS et le monde multipolaire qu’ils sont en train de construire patiemment est un non-événement. Ils refusent de s’y intéresser et d’en étudier la philosophie. Eza mawa. Eza pasi.
Ils jouent la carte identitaire en faisant comme si que l’identité kongolaise n’est pas (aussi) le produit des conditions néocoloniales et néolibérales dans lesquelles les masses kongolaises ploient depuis bientôt soixante-cinq ans. Travailler (avec eux et surtout avec les jeunes générations) sur « les pratiques de désenvoûtement » sur le court, le moyen et le long terme pourrait être salutaire pour le pays.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961