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Les Kongolais(es) n’étudient pas les guerres. Ils reproduisent le narratif dominant. A qui la faute ?

Les Kongolais(es) n’étudient pas les guerres. Ils reproduisent le narratif dominant. A qui la faute ?

Les Kongolais(es) n’étudient pas les guerres. Ils reproduisent le narratif dominant. A qui la faute ? 1368 912 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« L’atrocité, ce n’est pas seulement celui qui tue. C’est celui qui se cache derrière, avec une conscience tranquille, et affirme : «Ce n’est pas moi, c’est eux !»– P. BROQ

Dénoncer, se plaindre, cela ne suffit pas. Il est temps que les élites kongolaises alternatives se positionnent. Qu’elles jouent le rôle des intellectuels organiques, capables de dénouer le piège de la massification des populations kongolaises. Ces élites alternatives, au pays comme dans la diaspora, devraient avoir le devoir patriotique de lutter pour l’avènement de la verticalité du pouvoir au coeur de l’Afrique et de son enracinement dans la vielle tradition afro-kongolaise millénaire. Désigner les boucs-émissaires sans des analyses approfondies de la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le pays n’est pas d’un grand remède.

Où se trouve l’erreur ?

Des compatriotes kongolais posent de temps en temps cette question : « Pourquoi, depuis qu’un éventuel accord de paix est annoncé à Washington, la guerre se poursuit toujours dans la partie Est de notre pays ? » A cette question, certains compatriotes répondent : «La guerre est déjà terminée.»

Dans un pays de plus de 100 millions d’habitants où les villages enclavés sont au quotidien désertés et où les bidonvilles sans énergies entassent des masses humaines éprises d’un certain sentiment d’inutilité, les faux bruits, la propagande mensongère, la radio trottoir, les masolo, les réseaux sociaux peuvent devenir des armes de destruction massive contre « l’honneur de penser ».

Mais dans l’entre-temps, des compatriotes meurent chaque jour dans cette partie du pays ; le M23/AFC est constamment renforcé par les proxies des globalistes aux commandes de la cette guerre raciste de prédation et de basse intensité. Où se trouve l’erreur ?A mon avis, les Kongolais(es) n’étudient pas suffisamment les guerres à travers l’histoire sur le temps long. Ils reproduisent majoritairement le narratif dominant et finissent par se convaincre, facilement, que les proxies sont les acteurs majeurs et que les pyromanes sont des pompiers.

A qui profite cette lecture simpliste de la guerre ? A tous les ennemis du genre humain : internes ou externes, ayant fait de la guerre un business, un racket. Ils s’enrichissent indûment et font des profits mirobolants sur le dos des populations massifiées.

En effet, la massification des populations kongolaises est un désastre. Elles arrivent à applaudir les mercenaires ayant infiltré leurs institutions et à plaider non-coupables pour des prédateurs ayant participé de leur appauvrissement anthropologique. Mawa !

Dans un pays de plus de 100 millions d’habitants où les villages enclavés sont au quotidien désertés et où les bidonvilles sans énergies entassent des masses humaines éprises d’un certain sentiment d’inutilité, les faux bruits, la propagande mensongère, la radio trottoir, les masolo, les réseaux sociaux peuvent devenir des armes de destruction massive contre « l’honneur de penser ». Alors, on se laisse massifier en menant une vie dépourvue de la conscience collectives des fins poursuivies. Les exigences de la survie confinent à chercher sa pitance au quotidien. Il n’ y a pas d’objectifs précis, limités et accessibles à atteindre en vue des intérêts collectifs à réaliser en conscience. Ces populations désorganisées à dessein se transforment en atalaku des oligarques prédateurs, sans plus. Ces masses désorganisées se comportent comme des girouettes. Elles vont, constamment, où le vent de la propagande les conduit.

La faute des élites kongolaises « cocaïnées »

Comment voulez-vous que, dans ces conditions, elles comprennent les guerres ? Ce n’est pas possible. La faute devrait être attribuée aux élites locales  »’cocaïnées » et ploutocrates ayant vendu leur âme à l’hédonisme consumériste. Guéries de cet hédonisme, elles peuvent encore lire et étudier les guerres et comprendre par exemple ceci : « L’histoire des guerres humaines, surtout dans ses phases les plus barbares, ne réside presque jamais dans les mains des soldats. Ceux-ci sont de simples pions, des instruments bruyants et aveugles, incapables de comprendre l’étendue de leur rôle dans le grand jeu des puissants.

le narratif dominant véhiculé par les élites  »cocaïnées » a tellement aveuglé les masses kongolaises qu’il a fini par les convaincre qu’un petit pays de mille collines pouvait les battre, les humilier, les traîner dans la boue au point de les inciter à croire que la paix dans leur pays passera par un accord de paix avec le Rwanda.

Ceux qui dictent le sens de cette tragédie, ce sont les marionnettistes en costume, ceux qui tirent les ficelles de loin, le vrai criminel de guerre, ce n’est pas celui qui appuie sur la gâchette, mais celui qui paye pour qu’elle se déclenche. Et ce, en toute discrétion, en toute impunité. » Oui, le véritable responsable, c’est « celui qui arme sans se salir les mains, qui orchestre des guerres par procuration, qui construit des murs avec des billets, et transforme les peuples en cobayes et les ruines en marchés de reconstruction. Oui, l’idiot, celui qui fait la guerre, est parfois aveuglé par la propagande, parfois même convaincu qu’il sert une grande cause. » Voilà !

Mais le narratif dominant véhiculé par les élites  »cocaïnées » a tellement aveuglé les masses kongolaises qu’il a fini par les convaincre qu’un petit pays de mille collines pouvait les battre, les humilier, les traîner dans la boue au point de les inciter à croire que la paix dans leur pays passera par un accord de paix avec le Rwanda.

Seigneur ! Il y a là un problème grave. Il ne s’agit pas simplement de l’aveuglement. Il s’agit d’une  »prise sorcière ». C’est-à-dire de l’envoûtement de la capacité de penser et de sentir du plus grand nombre, y compris une bonne partie de  »la résistance » kongolaise. Pourtant, sur cette guerre raciste menée par procuration au Kongo-Kinshasa, tout est écrit. A titre illustratif, je cite deux livres :

J. KANKWENDA MBAYA et F. MUKOKA NSENDA (éd.), La République Démocratique du Congo face au complot de balkanisation et d’implosion, Kinshasa, 2013

C. ONANA, Holocauste au Congo. L’Omerta de la communauté internationale. La France complice?, Paris, L’Artilleur, 2024

Rompre avec la massification des populations kongolaises

Rompre avec la massification des populations kongolaises est une question existentielle. Certains élites kongolaises ayant compris cela estiment qu’il y a un grand  »honneur à penser  » et à repenser le pays. Elles le font bien. C’est-à-dire qu’elles ne se contentent pas de remettre en question la massification des populations kongolaises. Elles proposent des issues. Sans orgueil. En vrais patriotes souverainistes. Les jeunes des Urgences Panafricanistes Kongolaises s’inscrivent dans cette démarche. Le géopoliticien et le géostratège kongolais, Mufoncol Tshiyoyo réussit, depuis tout un temps, à publier des textes dont la profondeur est inégalée. Plusieurs lecteurs de son dernier texte (L’illusion d’une partie de l’élite congolaise face au jeu américain au Congo – Ingeta) en témoignent.

Retrouver les racines profondes du pouvoir est une question d’ancrage civilisationnel dans un monde tourné vers la multipolarité polycentrique et polyphonique. Oui. Le Kongo-Kinshasa doit retrouver l’honneur qu’il y a à penser et promouvoir ses élites alternatives. Celles-ci doivent gagner la bataille de la sortie de leurs congénères de la massification. Il y a un choix vital à faire entre l’éternelle vassalisation et « le retour à la tradition, non pas comme folklore, mais comme matrice politique, comme ancrage civilisationnel

Rompre avec la massification des populations kongolaises passera par l’autonomisation des collectifs citoyens à la base de la société afin qu’ils deviennent les démiurges de leur propre destinée. Cela passera aussi par des coalitions continentales avec les peuples africains épris de paix et luttant pour leur souveraineté. De ce point de vue, les jeunes des Urgences Panafricaines Kongolaises peuvent jouer un rôle déterminant. Ils peuvent sortir le Kongo-Kinshasa de son « exceptionnalisme illusoire ».

Cela passera enfin par l’enracinement vertical du pouvoir kongolais dans la tradition afro-kongolaise millénaire. Retrouver les racines profondes du pouvoir est une question d’ancrage civilisationnel dans un monde tourné vers la multipolarité polycentrique et polyphonique. Oui. Le Kongo-Kinshasa doit retrouver l’honneur qu’il y a à penser et promouvoir ses élites alternatives. Celles-ci doivent gagner la bataille de la sortie de leurs congénères de la massification. Il y a un choix vital à faire entre l’éternelle vassalisation et « le retour à la tradition, non pas comme folklore, mais comme matrice politique, comme ancrage civilisationnel » (N. Stoquer)

 

Babanya Kabudi

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

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Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

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