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Après 65 ans, une jeunesse différente se lève au coeur de l’Afrique

Après 65 ans, une jeunesse différente se lève au coeur de l’Afrique

Après 65 ans, une jeunesse différente se lève au coeur de l’Afrique 1080 720 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« L’empire (en Occident) dura cinq siècles. Puis sa chute se produisit de toute façon. Non pas par une révolution des exploités, mais du fait de la convergence mortelle de grands mouvements de populations et d’une spiritualité nouvelle. » L. CANFORA

Après 65 ans d’indépendance (formelle), la tactique consistant à toujours trouver des boucs émissaires pour justifier les turpitudes kongolaises ne suffit plus. Réécouter sagement l’hymne national kongolais, se mettre ensemble debout afin de bâtir un pays plus beau qu’avant, voilà ce qui pourrait désormais importer. Le choix de la vassalité se révèle de plus en plus ridicule, vénal et enfantin. Tout comme celui de la défaite au nom d’une hypothétique paix que donneraient des entités piétinant au quotidien le droit international et la charte de l’ONU.

Des jeunes kongolais refusent de courber l’échine. Ils s’éveillent. Ils se lèvent. Ils prennent courageusement la parole. Non pas pour se plaindre. Non. Ils créent un front de luttes patriotiques et souverainistes. Ils cherchent à se démarquer des politicards kongolais dont la versatilité légendaire a trahi leur impuissance. Ils peuvent, eux, diversifier leurs références intellectuelles. Ils peuvent aller vers Alexandre Douguine ou vers Kemi Seba. Rebâtir le pays dans le respect et la protection de la mémoire collective est pour eux une question de vie ou de mort.

Des jeunes kongolais rejettent la vassalisation

Des jeunes se mettent debout au coeur de l’Afrique. Ils créent, petit à petit, un front patriotique et souverainiste. Ils ne se contentent pas de passer leur temps à dénoncer les dérives politicardes de la génération de leurs pères et grands-pères. Non. Ils ont des idées. Ils proposent une voie. Ils tiennent à redonner au Kongo-Kinshasa une place de choix dans le concert des nations.

Des jeunes se mettent debout au coeur de l’Afrique. Ils créent, petit à petit, un front patriotique et souverainiste. Ils ne se contentent pas de passer leur temps à dénoncer les dérives politicardes de la génération de leurs pères et grands-pères. Non. Ils ont des idées. Ils proposent une voie.

Ils disent avoir pris conscience de la menace existentielle pesant sur le Kongo depuis les années 1960. Ils veulent la conjurer en infusant au sein du peuple kongolais la thématique de la volonté de puissance. Ils structure leur pensée politique autour de deux axes : l’identité nationale et la volonté de puissance.

Dernièrement, en organisant une conférence à Kinshasa, ils ont commencé par observer une minute de silence. Elle constituait pour eux un message. Un message envoyé aux millions de morts kongolais. Ils disaient : « Là où ils sont, ils doivent savoir que les politiciens kongolais peuvent signer des accords, les puissances mondiales peuvent nous imposer leur paix, le Rwanda de Paul Kagame et l’Ouganda de Museveni peuvent continuer à jubiler. Mais, tôt ou tard, la nouvelle génération finira par faire payer à chaque entité qui a participé à la déstabilisation de notre pays la facture de tous les crimes et les pillages effectués sur la terre de nos pères. C’est la vision de la nouvelle génération et c’est le serment que nous respecterons. »

En écoutant l’un des portes-parole de cette nouvelle génération, la critique de Peter Dale Scott adressée à l’auteur du Grand Echiquer, Z. Brzezinski, m’est revenue à l’esprit. Estimant que ce livre traduisait  »une mégalomanie insensée » de l’une des têtes pensantes de  »l’empire de l’intelligence » considérant les pays dominés comme des  »vassaux », Peter Dale Scott notait ceci : «  Les vassaux ne sont pas de simples pièces d’un jeu d’échecs pouvant être facilement manipulés par un seul et unique joueur. Ce sont des êtres humains dotés de raison ; et il est probable, pour ne pas dire certain, qu’un excès de pouvoir ressenti comme injuste provoquera non seulement du ressentiment, mais également une résistance efficace. 1»

La nouvelle génération kongolaise semble s’inscrire dans cette dynamique de la résistance contre  »les maîtres du monde et ceux qui leur obéissent ». Que ça soit les proxies qu’ils ont utilisés et utilisent encore pour déstructurer le Kongo-Kinshasa et en faire perpétuellement un  »Etat-raté-manqué » ; que ça soit les élites kongolaises compradores signant des traités et des accords néocoloniaux,tous sont avertis que plus rien ne sera comme avant.

Le temps long et la reliance

Que le front patriotique et souverainiste ait compris le sens du  »tôt ou tard », des efforts et de la résilience à entretenir sur le court, moyen et long terme pour en venir à bout de la politique néolibérale et néocoloniale, cela est très important. Et prendre la décision de respecter cette ligne de conduite, ce serment est aussi louable. Pourquoi ? Parce que les grands changements sont moléculaires, difficilement perceptibles. Cette vérité est souvent négligée. Souvent, au coeur de l’Afrique, les décisions enthousiastes prises au début de la mise en place de certains mouvements ne résistent pas à l’épreuve de temps. Surtout lorsque ceux qui les prennent ne réussissent à se constituer en  »masse critique ». C’est-à-dire en un collectif ayant (et/ou créant) les moyens politiques, culturels, sociaux, spirituels et économiques de sa politique. Les moyens technologiques et numériques peuvent être ajoutés à cette liste.

Un front souverainiste a et aura toujours besoin des espaces sociaux et matériels pour s’adonner, régulièrement, à la production de l’intelligence collective. Il devra se nationaliser, se panafricaniser et s’internationaliser. Pourquoi ? Compte tenu de puissants adversaires et de leurs pantins qu’il aura en face.

Un front souverainiste a et aura toujours besoin des espaces sociaux et matériels pour s’adonner, régulièrement, à la production de l’intelligence collective. Il devra se nationaliser, se panafricaniser et s’internationaliser. Pourquoi ? Compte tenu de puissants adversaires et de leurs pantins qu’il aura en face. En effet, « les puissants sont soudés et « internationalistes » ; à travers les gouvernements dits « démocratiques »  qui sont à leur service, ils parent à toute urgence (…).[2]» Le front pourrait faire de la connectivité et de l’interconnectivité ses chevaux de bataille.

L’allusion faite par la nouvelle génération du front souverainiste aux morts kongolais, à la terre kongolaise et aux pères vivant déjà auprès du Créateur établit un lien, inspire une reliance à entretenir au moyen de la mémoire collective , organisée, archivée et rendue vivante ; et grâce à une conscience nationale et historique structurant les courageuses luttes présentes et à venir.

Et parmi les pères et les mères, il y a des figures tutélaires pouvant inspirer ces luttes. Ya Kimpa Vita, Simon Kimbangu et Lumumba en font partie.

Fonder la lutte patriotique et souverainiste sur l’identité nationale et la volonté de puissance pourrait permettre à la jeune génération de se démarquer des  »politiciens kongolais », qui, à quelques exceptions près, n’ont pas d’idéologie politique. D’où leur inconstance, leur inconsistance et leur incohérence et leur choix pour la vassalité dans un monde orienté vers la polycentricité polyphonique.

Toutefois, l’option pour l’identité nationale ne devrait pas être synonyme de la fermeture à l’altérité. Cela d’autant plus que l’identité est (aussi) à la fois relation, interaction et responsabilité (à l’endroit de soi, des autres et du tiers.) D’ailleurs, en se nationalisant, en se panafricanisant et en s’internationalisant, le front patriotique et souverainiste kongolais pourra éviter le nocif repli sur soi.

Après 65 ans, passage de flambeau

Après 65 ans d’indépendance (formelle), le Kongo-Kinshasa va célébrer le 30 juin 2025 la mémoire des luttes passées ayant conduit à cette date où les courageux combattants kongolais ont fait le serment de liberté en le léguant à leur postérité. Ce jour pourrait aussi signifier, symboliquement, le passage de flambeau à la nouvelle génération du front patriotique et souverainiste pour les luttes présentes et à venir. Il prendrait ce flambeau en tant que représentant des forces kongolaises coalisées pour la réinvention de l’humain kongolais et d’un Kongo-Kinshasa plus beau qu’avant.

L’option pour l’identité nationale ne devrait pas être synonyme de la fermeture à l’altérité. Cela d’autant plus que l’identité est (aussi) à la fois relation, interaction et responsabilité (à l’endroit de soi, des autres et du tiers.) D’ailleurs, en se nationalisant, en se panafricanisant et en s’internationalisant, le front patriotique et souverainiste kongolais pourra éviter le nocif repli sur soi.

C’est sûr qu’il participera au Congrès panafricain qui aura lieu à Kinshasa du 30 juin au 02 juillet 2025 autour du centenaire de Patrice Lumumba et contre la déstabilisation de l’Afrique.

J’avais peur que la journée du 30 juin se passe dans la méditation[3] comme les autres années. Ce Congrès vient calmer ma peur. Il pourrait donner un nouvel élan au Kongo-Kinshasa et à l’Afrique afin qu’ils puissent participer, en conscience, courageusement et en connaissance de cause, à l’avènement du monde multipolaire respectueux de l’égale souveraineté entre les Etats, du principe de la réciprocité, de ceux de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat tiers, de la coopération et de la protection de la sécurité collective et partagée.

 

Babanya Kabudi

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[1] P.D. SCOTT, La machine de guerre américaine. La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan..., Paris, Demi-Lune, 2012, p. 263.

[2] L. CANFORA, L’imposture démocratique. Du procès de Socrate à l’élection de G.W. Bush, Paris, Flammarion, 2002, p.137.

[3] Lire 65 ans déjà : mémoire, maturité et « bisoïté ». Pour un Kongo-Kinshasa debout ! – Ingeta

 

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