Par Jean-Pierre Mbelu
Depuis plus de trois décennies, les Grands Lacs africains connaissent un processus de déshumanisation qui ne dit pas son nom. La décence ordinaire y est rejetée. Le respect mutuel, la discipline, le don de soi, la lutte pour le triomphe de la paix, de la justice, de la vérité et de la fraternité, cela est, depuis plus de trente ans, considéré comme étant une faiblesse. Les humains encore lucides, libres et rationnels faisant encore l’option pour cette décence ordinaire sont traités de naïfs. Ils peuvent même être combattus. Une jeune maman rwandaise vivant paisiblement avec sa famille au Pays-Bas a décidé d’aller témoigner de ces valeurs sur place au Rwanda après le génocide de 1994.
Confrontée à plusieurs faux procès, minimisée et vilipendée par « l’homme jadis fortifié » de Kigali, Victoire Ingabire- parce que c’est d’elle qu’il s’agit- a choisi de l’affronter à mains nues au nom de ses compatriotes soucieux de vivre normalement dans leur pays et d’avoir des relations de bon voisinage avec les pays limitrophes.
Depuis deux jours, cette dame pacifique est enlevée et conduite à une destination inconnue.
Rester digne pendant autant d’années de mépris et d’humiliation fait de cette lionne une enseignante à l’école de l’humanisation des Grands Lacs africains à côté de bien d’autres « héros et héroïnes dans l’ombre ».
Victoire Ingabire, une lionne éprise de paix et de liberté pour son peuple et pour les Grands Lacs africains, fait peur au régime en déclin de Kagame. Mère, épouse et grand-mère, elle n’est pas armée. Sa seule présence au Rwanda fait peur. La lionne fait peur…
Les Grands Lacs Africains connaissent un phénomène de déshumanisation accélérée depuis plus de trois décennies. Y voir une lionne debout fait peur. Elle est une exception à ce phénomène odieux dont les Grands Lacs peine à se guérir. Quelle force d’esprit ?
Elle aurait commis le crime de lire un livre sur « la non-violence ». Elle aurait donc commis le crime d’étudier les mécanismes d’humanisation dans une sous-région déshumanisée. Cherchez où se trouve l’erreur…
Victoire Ingabire est un « contre-modèle » dans les Grands Lacs africains. Elle croit en l’humanisation de cet espace africain par la décence ordinaire. Tel est le péché pour lequel elle est prête à payer de sa vie. Rester digne pendant autant d’années de mépris et d’humiliation fait de cette lionne une enseignante à l’école de l’humanisation des Grands Lacs africains à côté de bien d’autres « héros et héroïnes dans l’ombre ».
Babanya