Par Mufoncol Tshiyoyo
Pourquoi transforme-t-on, ou bien présente-t-on, la défaite de l’Occident, piloté par les États-Unis, en une victoire qui n’en est pas une ?
Il s’agit bel et bien d’un échec en Ukraine, puisque Washington et ses alliés ont échoué à faire taire la Russie. Pourtant, le récit dominant tente de maquiller cette réalité : Donald Trump apparaît déjà, à travers l’image des États-Unis, comme un pacificateur, comme un sauveur. Mais cette pacification, ou ce qui se donne comme telle, cache mal le résultat d’une défaite.
Même si la presse occidentale et certains commentateurs se réjouissent de voir la guerre en Ukraine s’achever par une paix, qu’elle soit négociée ou imposée, cette paix demeure une paix arrachée sous la contrainte. Parce qu’elle n’est pas le fruit d’une victoire occidentale, mais l’aveu implicite de son incapacité à triompher. Alors, de qui se moque-t-on, sinon de l’opinion publique mondiale ?
La défaite qui ne dit pas son nom
L’Occident est aujourd’hui pris dans un paradoxe : il a échoué à plier la Russie, mais il ne peut pas, en tant qu’Empire, se permettre de reconnaître l’échec. Reconnaître, c’est se dépouiller soi-même de son aura : un empire vit de prestige autant que de puissance brute. L’aveu de défaite serait pire que la défaite elle-même, car il ferait entrer l’Occident dans le cercle visible des puissances déchues.
L’aveu de défaite serait pire que la défaite elle-même, car il ferait entrer l’Occident dans le cercle visible des puissances déchues.
Ce que nous voyons n’est donc pas la réalité, mais son reflet trafiqué.
– Le fiasco militaire devient « paix ».
– L’impuissance devient « sagesse ».
– La Russie qui résiste devient « Russie qui se fatigue ».
– Et le sauveur autoproclamé (Trump ou tout autre) endosse le rôle du magicien de la sortie honorable, alors qu’il ne fait que gérer une retraite maquillée.
C’est comme un joueur de poker qui a perdu sa main, mais qui, en abattant ses cartes, se met à sourire largement : ce n’est plus la partie qui compte, mais l’image qu’il laisse aux autres autour de la table.
L’illusion du pacificateur
Les empires ne meurent jamais tout à fait de leur défaite brute. Ils meurent de leur incapacité à transformer la défaite en récit utile. Rome, après certaines humiliations militaires, inventait des triomphes fictifs. La France, en 1940, parlait d’« armistice » et non de capitulation. Les États-Unis, aujourd’hui, baptisent « pacification » ce qui n’est qu’un renoncement. La métamorphose rhétorique est une arme de survie : elle permet de continuer à régner sur les imaginaires, même quand on a perdu sur le terrain.
Donald Trump, ou tout autre visage mis en avant, n’est pas le héros qui apporte la paix : il est le cache-misère d’une défaite stratégique. La paix, dans ce cas, est une fiction performative : on l’annonce pour faire oublier que le rapport de force a déjà basculé.
Donald Trump, ou tout autre visage mis en avant, n’est pas le héros qui apporte la paix : il est le cache-misère d’une défaite stratégique. La paix, dans ce cas, est une fiction performative : on l’annonce pour faire oublier que le rapport de force a déjà basculé. C’est comme un rideau de théâtre qui tombe au mauvais moment, mais que l’on applaudit quand même parce qu’on veut croire que c’était prévu ainsi.
La vraie question n’est donc pas « qui a gagné ? », mais « qui raconte l’histoire de la victoire ? ». L’Occident, piloté par les USA, continue de jouer son rôle favori : celui de l’illusionniste. Il échoue sur scène, mais il sait détourner les regards. Il transforme la défaite en illusion d’ordre retrouvé.
Mais attention : le spectateur d’aujourd’hui n’est plus naïf. La Chine, l’Inde, l’Afrique, le monde arabe, tous voient l’illusion. Et une fois que l’illusion est perçue, le magicien n’a plus de pouvoir.
La complaisance des vainqueurs
La paix qui s’annonce n’est pas une victoire, mais une capitulation déguisée. C’est le triomphe du récit sur les faits, le camouflage de la faiblesse derrière un sourire diplomatique.
La véritable défaite de l’Occident n’est pas seulement militaire : elle est narrative. Car l’histoire, désormais, ne se raconte plus seulement à Washington ou Bruxelles : elle se raconte aussi à Moscou, Pékin, Téhéran, Pretoria, à Ouagadougou, à Bamako, à Niamey.
Un empire qu’on ne dénonce pas comme déchu se relève toujours, maquillé, pour réclamer des honneurs qu’il ne mérite plus. Ne pas nommer la défaite de l’Occident, c’est lui tendre le miroir où il continue de se regarder en maître du monde.
Ce qui est peut-être le plus grave encore, c’est que la Russie et la Chine, au lieu d’asséner la vérité nue, présentent-elles aussi cette défaite américaine comme une victoire pour la paix. Elles enveloppent l’échec de Donald Trump et de l’Occident dans le voile rassurant d’un « règlement négocié », préférant la diplomatie de la pudeur à la brutalité du constat.
Ce choix est compréhensible : humilier l’Occident ouvertement serait attiser sa fureur et le pousser à des aventures plus destructrices encore. Mais en refusant de nommer la défaite, elles offrent paradoxalement à Washington la possibilité de se réinventer. Trump, qui devrait être marqué comme le cache-misère d’un échec impérial, peut ainsi rejouer le rôle du pacificateur.
Là où Moscou et Pékin parlent en stratèges prudents, j’ai choisi de parler en démystificateur. Car tant qu’on ne démasque pas le vaincu, il se rêve toujours en vainqueur. Un empire qu’on ne dénonce pas comme déchu se relève toujours, maquillé, pour réclamer des honneurs qu’il ne mérite plus. Ne pas nommer la défaite de l’Occident, c’est lui tendre le miroir où il continue de se regarder en maître du monde.
Quant à moi, je refuse la gloire facile des messianismes, qu’ils viennent de l’Occident ou de ses rivaux. Je n’appartiens à aucun chœur, ma voix ne s’achète pas. Je n’attends ni sauveur ni maître.
Je suis moi, libre et irréductible.
Mufoncol Tshiyoyo
M.T., L’Étincelle, un homme libre
Fondateur du Think Tank La Libération par la Perception