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Refuser le faux dilemme

Refuser le faux dilemme

Refuser le faux dilemme 2048 1536 Ingeta

Par Jean-Claude Maswana

Les appels à se ranger derrière le régime de Kinshasa reposent sur un raisonnement fallacieux, conçu pour manipuler l’opinion publique et forcer un soutien aveugle face à la guerre dans l’Est de la RDC. Le pouvoir congolais impose une fausse dichotomie, prétendant que les Congolais n’ont que deux options : se rallier au gouvernement ou soutenir la rébellion.

Pourtant, cette dualité trompeuse est un stratagème ancien : depuis les années 1990, les architectes de l’agression ont structuré leur domination sur cette division artificielle, alors même que les deux forces en présence sont des émanations des agresseurs. Kinshasa est lié à l’Ouganda, tandis que le M23 est soutenu par le Rwanda. Or, ces deux pays, pourtant officiellement désignés comme agresseurs, sont paradoxalement considérés comme des alliés stratégiques par Kinshasa, qui occulte délibérément la nature de ses engagements avec eux.

La rhétorique nationaliste trompeuse de Kinshasa

Pire encore, Kinshasa a enchaîné la RDC dans plusieurs accords opaques, dont certains servent directement l’agression en cours. Ces engagements ne doivent pas nous enfermer tous dans un schéma de soumission collective. Depuis Nairobi en 2018, Kinshasa n’a renoncé à aucun de ses accords fondamentaux avec ses parrains, malgré la rhétorique nationaliste trompeuse qu’il tente d’imposer aujourd’hui.

Si Kinshasa défendait réellement la nation, il expliquerait pourquoi, au moment où les troupes rwandaises sont hypocritement dénoncées comme agresseurs, l’Ouganda, pourtant partenaire historique de l’agression, est discrètement invité au Nord-Est du pays.

Si Kinshasa défendait réellement la nation, il expliquerait pourquoi, au moment où les troupes rwandaises sont hypocritement dénoncées comme agresseurs, l’Ouganda, pourtant partenaire historique de l’agression, est discrètement invité au Nord-Est du pays. Soutenir Kinshasa dans ces conditions, c’est avaliser l’autre bras de l’agression, celui qui avance silencieusement sous la bannière ougandaise.

Face à cette trahison systémique, les vrais patriotes ne doivent ni soutenir le gouvernement ni se ranger derrière la rébellion, car aucun de ces camps ne défend les intérêts du peuple congolais. Le pouvoir congolais ne protège ni la souveraineté nationale ni l’intégrité territoriale ; au contraire, il manipule la crise pour préserver son propre pouvoir et masque ses compromissions avec les parrains de l’agression.

Le compromis inacceptable

S’aligner sur ce régime, c’est cautionner le « compromis inacceptable » que Kinshasa et ses parrains préparent à imposer lors des prochaines négociations. En réalité, le véritable objectif des opérations militaires en cours—que Kinshasa ne mène pas et pour lesquelles il n’a jamais déclaré la guerre—est de simuler une résistance fictive pour donner l’illusion que Kinshasa aurait lutté contre le démembrement de la RDC, avant de finalement accepter, sous contrainte apparente, une issue présentée comme inévitable et préférable à un chaos supposé.

Le véritable objectif des opérations militaires en cours—que Kinshasa ne mène pas et pour lesquelles il n’a jamais déclaré la guerre—est de simuler une résistance fictive pour donner l’illusion que Kinshasa aurait lutté contre le démembrement de la RDC, avant de finalement accepter, sous contrainte apparente, une issue présentée comme inévitable et préférable à un chaos supposé.

Dans cette mise en scène, les patriotes ayant soutenu Kinshasa se retrouveraient piégés, n’ayant plus aucune justification pour s’opposer à ce qui leur sera présenté comme le « moindre mal ».

Kinshasa a ainsi une mission centrale : briser la résistance interne afin d’imposer en douceur la prochaine phase de l’agenda de balkanisation. Cette stratégie explique les incohérences flagrantes et l’indifférence assumée des autorités face à la tragédie qui se joue à l’Est.

Pour la seule véritable résistance…

Mais si se ranger derrière Kinshasa est une erreur fatale, rejoindre la rébellion ne constitue en rien une alternative patriotique. Ce serait passer de Lucifer à Bélzébuth, en contribuant non pas à libérer la RDC, mais à accélérer sa fragmentation sous une autre bannière.

Lutter pour la RDC signifie refuser de se laisser piéger par une fausse alternative, dénoncer la trahison du gouvernement, exiger la transparence sur les accords passés avec les agresseurs, et organiser une résistance indépendante, dont l’objectif n’est pas de défendre un régime ou une rébellion, mais bien de sauver la patrie.

La seule véritable résistance consiste à refuser ce faux dilemme et à combattre ces deux forces complices de l’agression contre la nation. Lutter pour la RDC signifie refuser de se laisser piéger par une fausse alternative, dénoncer la trahison du gouvernement, exiger la transparence sur les accords passés avec les agresseurs, et organiser une résistance indépendante, dont l’objectif n’est pas de défendre un régime ou une rébellion, mais bien de sauver la patrie.

Les patriotes doivent se réarmer de courage. Retenons cette sagesse japonaise ancienne : lorsque l’on a l’impression d’avoir tout perdu, rappelons-nous que les arbres perdent leurs feuilles chaque année, mais restent debout, enracinés, et attendent patiemment le retour du printemps. Il en va de même pour la lutte que nous menons : la force d’un peuple ne réside pas seulement dans les victoires immédiates, mais dans sa capacité à se tenir debout malgré les tempêtes, jusqu’au jour où la saison du renouveau viendra.

Jean-Claude Maswana
Economiste, professeur à l’université de Tsukuba (Tokyo, Japon), coordonnateur du Cercle des économistes congolais (CEC) et cofondateur de KOPAX.

 

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