Par Jean-Pierre Mbelu
« A la lumière de cette tradition philosophique, on mesure l’écart civilisationnel entre la Chine et les États-Unis : pour le protestantisme étasunien, la réussite individuelle est le signe d’une élection divine ; pour le confucianisme chinois, le bien-être collectif est un commandement céleste. Aux antipodes de l’individualisme occidental, la société chinoise est une société holiste où l’intérêt personnel doit s’effacer devant l’intérêt commun. La tradition confucéenne fait de l’individu l’élément d’un tout défini par un réseau de relations qui l’englobe et le dépasse. Pour la pensée chinoise, l’être n’est pas substance mais relation. « La rationalité individuelle est une rationalité de compétition, alors que la rationalité relationnelle est une rationalité de coexistence », écrit Zhao Tingyang. « S’il est vrai que la coexistence précède l’existence, alors la rationalité relationnelle a aussi le pas sur la rationalité individuelle ». » – B. GUIGUE
Le Kongo-Kinshasa organise une campagne de sensibilisation citoyenne dont le thème est « tout pour la patrie ». Très bien. Les gouvernants organisant cette campagne ne devraient-ils pas enseigner à la jeunesse kongolaise les fondements traditionnels et philosophico-politique de la politique du pays ? Sur quoi repose-t-il ? Quels sont ses racines tradicratiques ? Pourquoi »tout devrait-être pour la patrie » ? Qu’est-ce que la patrie rend en retour à ses membres ? Ces questions soulèvent certaines autres liées à l’avènement des églises protestantes de réveil au pays de Lumumba.
Pourquoi y a-t-il des églises à tous les coins des rues au Kongo-Kinshasa ? Cette question ne semble pas avoir été étudiée et approfondie par les gouvernants kongolais depuis plusieurs années. Plusieurs parmi eux sont forcés de devenir membres des églises de réveil avant que « leurs parrains » acceptent de les soutenir avant qu’ils viennent « aux affaires ». Et plusieurs de ces gouvernants se retrouvent dans les mêmes églises de réveil tout en se combattant cruellement.
Forcés à adhérer à certaines églises protestantes de réveil enseignant l’évangile de la prospérité, plusieurs politiciens kongolais semblent avoir de la peine à se rendre compte qu’ils optent pour une philosophie individualiste prônant la réussite individuelle comme étant une bénédiction de Dieu. La foi vécue dans ces églises-à quelques exceptions près- participe de l’entretien de l’individualisme. Les peuples et les civilisations ayant compris cela ont enraciné leur philosophie politique en leurs traditions promotrices du destin collectif de leurs peuples.
Comment les disciples de Jésus, de celui qui a demandé, avant de passer de ce monde à son Père que tous soient un afin que le monde croie qu’il est son envoyé, peuvent-ils être les partisans de la division particratite ? Pourquoi ces politiciens changent-ils de confession religieuse avant d’accéder « aux affaires » ? Plusieurs avouent avoir été catholiques…
Croire en Dieu est un engagement individuel. Il peut se transmettre au sein d’une famille. Et de génération en génération. Au sein d’une même famille, il arrive que l’évolution spirituelle de certains membres puisse les pousser à quitter l’église de leur enfance, devenir athée, gnostique ou faire un autre choix. (Comprendre que la foi, à la suite de Jésus, est un attachement à l’intelligence de la compassion, du don de soi et de la générosité n’est pas encore devenu la chose la mieux partagée.)
Il arrive que, dans les milieux politiques, ce choix soit dicté par « les parrains » instrumentalisant le message chrétien pour imposer subrepticement à leurs vassaux une certaine vision de l’humain. Donc, une adhésion ecclésiale peut être influencée par les orientations imposées par les parrains. Cela en vue de promouvoir la tradition culturelle et la philosophie politique dans lesquelles ils s’inscrivent et veulent enfermer leurs vassaux. Et le « soft power » passe aussi par cette imposition d’une tradition religieuse participant de l’hégémonie culturelle dominante.
Forcés à adhérer à certaines églises protestantes de réveil enseignant l’évangile de la prospérité, plusieurs politiciens kongolais semblent avoir de la peine à se rendre compte qu’ils optent pour une philosophie individualiste prônant la réussite individuelle comme étant une bénédiction de Dieu.
La foi vécue dans ces églises-à quelques exceptions près- participe de l’entretien de l’individualisme. Les peuples et les civilisations ayant compris cela ont enraciné leur philosophie politique en leurs traditions promotrices du destin collectif de leurs peuples. Les Chinois confucéens l’ont compris. Ils sont en train de s’imposer collectivement comme première puissance économique mondiale.
En effet, écrit Bruno Guigue, « aux antipodes de l’individualisme occidental, la société chinoise est une société holiste où l’intérêt personnel doit s’effacer devant l’intérêt commun. La tradition confucéenne fait de l’individu l’élément d’un tout défini par un réseau de relations qui l’englobe et le dépasse. Pour la pensée chinoise, l’être n’est pas substance mais relation. [1]» Les éducateurs enseignent et transmettent cette tradition et cette philosophie.
La tradition catholique de l’universalisme et la tradition africaine de la solidarité s’inscrivent dans cette tradition promouvant le relationnel et l’inter-relationnel. Au Kongo-Kinshasa, « le peuple d’abord » devrait être cela.. Hélas ! Un certain « réveil protestantiste » et une option pour le néocolonialisme dans le chef de plusieurs gouvernant ont corrompu ce soubassement.
Sait-on encore accorder une place de choix à la tradition culturelle africano-kongolaise dès que l’on est aux affaires ? Quelles sont la tradition culturelle et la philosophie politique dont les politiciens kongolais s’inspirent ? Cette question devrait être au coeur des recherches des compatriotes voulant proposer au pays des issues à son enfermement dans un cercle vicieux hédoniste.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] Ainsi va la Chine en 2024 (legrandsoir.info)