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Le docteur Mukwege répond à certaines questions qu’il se pose

Le docteur Mukwege répond à certaines questions qu’il se pose

Le docteur Mukwege répond à certaines questions qu’il se pose 1280 960 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Ô Peuple (…) Pourtant n’as-tu pas encore assez expérimenté que les députés, qui promettent de te défendre, comme tous les gouvernements du monde présent et passé, sont des menteurs et des impuissants ? »

Les questions que pose le Docteur Mukwege révèlent certains secrets de Polichinelle. Y revenir fait partie du « bis repetita ». Il y a des choses à répéter à temps et à contretemps pour que la majorité des collectifs citoyens s’en imprègnent. Car , comme le disait si bien Marx, « une idée devient une force quand elle s’empare des masses. »

La conférence de presse du Docteur Mukwege organisée lors du passage du couple royale Belge à Panzi le 12 juin 2922 mérite d’être analysée en profondeur. Lorsqu’il soutient que « l’agression de la RDC par le Rwanda ce n’est pas une nouvelle chose. On ne peut pas dire qu’on ne sait pas qui soutient le M23. C’est le Rwanda », il dit une petite part de vérité. Et lorsqu’il ajoute : « En 2012, le président Obama avait appelé en public le président rwandais d’arrêter son agression et une semaine après ce mouvement s’est replié. La paix est revenue pendant au moins 10 ans », il dit une autre petite part de vérité.

Secrets de polichinelle & impérialisme intelligent

Mais la question qu’il ne se pose pas et qui mérite d’être posée est la suivante : « Quel lien y a-t-il entre un Président américain et un Président rwandais pour que le premier demande au deuxième d’arrêter son agression contre le Kongo-Kinshasa et que ce dernier lui obéisse ? » Au lieu de parler de la communauté (dite) internationale en général, n’est-ce pas aux successeurs d’Obama qu’il faudrait s’adresser afin qu’ils demandent à leur « kind of guy » de se calmer?

La question qu’il ne se pose pas et qui mérite d’être posée est la suivante : « Quel lien y a-t-il entre un Président américain et un Président rwandais pour que le premier demande au deuxième d’arrêter son agression contre le Kongo-Kinshasa et que ce dernier lui obéisse ? »

Pourquoi Obama a-t-il obtenu de Kagame en 2012 qu’il arrête son agression contre le Kongo-Kinshasa ? N’est-ce pas parce que cette guerre de prédation est aussi une guerre conçue par « l’impérialisme intelligent » dont Obama fut l’un des représentants ? D’une certaine façon, les questions que pose le Docteur Mukwege révèlent certains secrets de Polichinelle. Y revenir fait partie du « bis repetita ». Il y a des choses à répéter à temps et à contretemps pour que la majorité des collectifs citoyens s’en imprègnent. Car , comme le disait si bien Marx, « une idée devient une force quand elle s’empare des masses.»

Les Kongolais(es) qui donnent des conférences et/ou qui écrivent ont le devoir de revenir sur ces choses. La conférence du Docteur Mukwege pourrait pousser certains compatriotes à relire de très belles pages de Michel Collon au sujet de cette guerre de prédation et de basse intensité conçue par « l’impérialisme intelligent ». Michel Collon pose effectivement cette question « Obama, moins de danger ?» avant d’y répondre négativement et de décrire les différentes formes de guerre que les Etats-Unis ont menées après Bush.

Classifiant la guerre du Kongo-Kinshasa parmi les guerres dites de basse intensité, il écrit : « Les guerres de basse intensité. Ici, les Etats-Unis n’engagent pas directement leurs troupes, mais provoquent des conflits entre pays voisins. Ou bien ils soutiennent, arment, voire financent des mouvements paramilitaires, des groupes, etc. » Et il ajoute ; « Trompeur, le terme ‘basse intensité’ peut donner l’impression que les dégâts sont moindres. En réalité, ils ne sont moindres que pour les Etats-Unis. Ainsi, la guerre de basse que Washington a déclenchée contre le Congo (à travers les armées du Rwanda et de l’Ouganda voisins, et à travers diverses milices), cette guerre a fait cinq millions de morts et elle a paralysé le développement du Congo. » (M. COLLON, Les 7 péchés d’Hugo Chavez, Bruxelles, Investig’Action, 2009, p. 393.) Voilà qui justifie l’ordre donné à Kagame par Obama. Kagame est instrumentalisé par Washington dans une guerre contre un pays voisin.

L’influence du soft power

Cette guerre de basse intensité a aussi une dimension raciste dans la mesure où le militarisme anglo-américain marche de pair avec le matérialisme et le racisme (et/ou le mépris de l’altérité.)Voilà qui justifie la différence de traitement entre la souffrance des Kongolais(es) et celle des autres « races autoproclamées civilisées ». Le mondialisme ultralibéral entretient « la culture du déchet » et la disqualification de l’humain au profit de l’argent.

Lorsque le Docteur Mukwege estime que la souffrance doit être traitée de la même façon et qu’il ne pense pas que le monde va continuer à se taire, il ne semble pas tenir compte de l’influence du « soft power » de la culture véhiculée par l’hégémonie mondialiste ultralibérale.

Lorsque le Docteur Mukwege estime que la souffrance doit être traitée de la même façon et qu’il ne pense pas que le monde va continuer à se taire, il ne semble pas tenir compte de l’influence du « soft power » de la culture véhiculée par l’hégémonie mondialiste ultralibérale. N’empêche qu’il puisse compter sur les hommes et les femmes de bonne volonté peuplant du monde entier.

Néanmoins, il aurait mieux fait d’établir la différence, dans ce monde qu’il ne voudrait pas voir continuer à se taire, entre les mondialistes (globalistes) ayant un mépris « décomplexé » pour la vie humaine et « les Etats-civilisations » souverainistes protecteurs des cultures promoteurs de la dignité humaines et souvent victimes des guerres par procuration. De ce point de vue, il n’est pas très sûr que les milliards dépensés en Ukraine le soient (uniquement) pour sauver les vies.

Bien des textes publiés par les médias alternatifs au sujet de la guerre par procuration menée en Ukraine attestent qu’elle aurait les mêmes agresseurs que ceux du Kongo-Kinshasa. Ceux-ci seraient beaucoup plus au service des industries d’armement que des populations ukrainiennes. Elle serait même une guerre menée contre les peuples européens. Donc, les usines d’armement bénéficieraient un peu plus de ces milliards que les Ukrainiens servant de chair à canon.

« Diplomatiquement correct » et réellement contre-productif

Relisons encore un peu le Docteur Mukwege : « Quand je vois la réaction du monde par rapport à l’agression de l’Ukraine, toutes les sanctions qui ont suivi et des milliards des dollars mobilisés, on ne peut pas continuer à fermer les yeux sur des millions de mort au Congo et croire que nous vivons sur la même planète. L’agression de la RDC aujourd’hui, moi je ne vois pas la différence avec l’agression de l’Ukraine ».

Après avoir identifié « les maîtres » de Kagame, le Docteur Mukwege aurait mieux fait de s’adresser directement à eux au lieu de faire comme si « la communauté internationale » était synonyme de « l’Occident collectif » qu’ils vassalisent.

Oui, la réaction du monde diffère. C’est un signe à lire, à décrypter, à interpréter, à partager. Au regard de cette réaction, il y a lieu de croire que nous ne vivons pas sur une même planète. Encore une fois, il ne serait pas mal de se poser la question de savoir de quel monde il s’agit. N’est-il pas venu le temps, pour les Kongolais(es) de penser, collectivement, cette planète où ils sont de plus en plus considérés comme moins que rien ? Ne devraient-ils pas, collectivement, penser à se poser comme des acteurs historiques dans un monde qui leur est hostile ? Ne devraient-ils pas, collectivement, penser à organiser le changement des rapports de force sociaux et institutionnels en conscience et en connaissance de cause ?

Sans un engagement résolu dans cette quête de changement des rapports de force, le Kongo-Kinshasa risque de disparaître et ses habitants, aussi. Identifier « les Etats civilisations » et travailler avec eux stratégiquement à ce changement des rapports de force aiderait les Kongolais(es) à participer, avec les autres peuples, à la production d’ un monde où, en tant qu’acteurs et actrices, ils (elles) peuvent être respecté(e)s et protéger la vie.

Identifier clairement « les maîtres » de Kagame et en appeler à « la communauté (dite) internationale » serait « diplomatiquement correct » et réellement contre-productif. Pour dire les choses autrement, après avoir identifié « les maîtres » de Kagame, le Docteur Mukwege aurait mieux fait de s’adresser directement à eux au lieu de faire comme si « la communauté internationale » était synonyme de « l’Occident collectif » qu’ils vassalisent.

 

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

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