Par Jean-Pierre Mbelu
Etre au service des ‘’maîtres du monde’’ en vivant dans l’illusion d’être au pouvoir peut conduire à un certain essoufflement. L’esclavage volontaire (comme le larbinisme) a ses effets nocifs. Il peut conduire à la manducation des cœurs et des esprits au point de faire croire aux ‘’nègres de service de la maison’’ qu’ils jouissent de la confiance des populations qu’ils oppriment. Ceci peut induire une fausse approche de la politique et de l’histoire dans un ‘’Etat raté’’ comme le Congo-Kinshasa.
Quelques partis politiques de la majorité de la ‘’kabilie’’ ont écrit, le 05 mars 2015, à leur ‘’autorité morale’’ pour lui dire leur ‘’essoufflement’’ en soutenant qu’il y a eu, depuis le soulèvement populaire des 19, 20 et 21 janvier 2015 ‘’une rupture du contrat de confiance’’ entre elle et le peuple congolais, d’une part ; et entre elle et ‘’la communauté internationale’’, d’autre part. Pour soutenir cette thèse, elle avance des preuves liées aux tentatives infructueuses de changer la Constitution, l’instabilité sécuritaire à l’Est du pays et les protestations citoyennes des 19, 20 et 21 janvier 2015.
Une confiance qui n’a jamais été créée
A lire posément la lettre de la majorité de la ‘’kabilie’’, il ressort qu’elle n’indique pas les circonstances dans lesquelles la confiance rompue a été ‘’fabriquée’’ au plan national. Elle est l’émanation d’une guerre de prédation et de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa par les anglo-saxons. Plusieurs de ses membres font partie du ‘’réseau de prédation’’ décrié par les experts de l’ONU dans le rapport Kassem publié le 16 octobre 2002.
Cette ‘’majorité mécanique’’ est aux affaires en tant que ‘’chienne de garde’’ de l’ordre néolibérale et non par la volonté des populations congolaises. Elle n’a gagné ni les élections de 2006, ni celles de 2011. Pourtant, c’est par le choix électoral qu’un minimum de confiance se crée entre un peuple et ses élus.
Beaucoup d’autres sont impliqués dans les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés contre les populations congolaises depuis l’invasion du Congo-Kinshasa par les proxys rwandais, ougandais, burundais et congolais des ‘’maîtres du monde’’.
Cette ‘’majorité mécanique’’ est aux affaires en tant que ‘’chienne de garde’’ de l’ordre néolibérale et non par la volonté des populations congolaises. Elle n’a gagné ni les élections de 2006, ni celles de 2011. Pourtant, c’est par le choix électoral qu’un minimum de confiance se crée entre un peuple et ses élus. Elle augmente au fur et à mesure que les élus s’habituent à une reddition des comptes régulière et répondent aux attentes légitimes de leur peuple socialement, économiquement, politiquement, culturellement et spirituellement. Or, au Congo-Kinshasa, ce n’est pas le cas. Il est donc faux de parler d’une confiance qui n’a jamais été créée.
Une bonne partie de la population congolaise, dans sa patience légendaire, a tout simplement accordé un minimum de bénéfice du doute aux ‘’nouveaux prédateurs’’. De plus en plus, elle se rend compte qu’ils ne sont pas crédibles. D’où son dépit crié sur la place publique.
Il n’y a pas de ‘’majorité au pouvoir’’
C’est peut-être du côté de ‘’la communauté internationale’’ qu’il serait possible de parler d’une certaine confiance. Mais à y regarder de plus près, il serait injuste de parler de confiance. Il s’agit plutôt de la complicité entre ‘’la communauté occidentale’’ et plusieurs membres de cette ‘’majorité mécanique’’ dans les crimes commis au Congo-Kinshasa. Les élections de 2006 et de 2011 portent la marque de ces crimes. Charles Onana[1] en parle dans un livre dont l’argumentaire n’a jamais été remis en cause jusqu’à ce jour.
Si cette ‘’majorité mécanique’’ parlait d’un malaise dans sa complicité avec ‘’les maîtres du monde’’, cela se comprendrait. Et elle ne pourrait pas en faire une question nationale. Il s’agit d’une question de complicité interne entre ‘’les maîtres’’ et leurs ‘’esclaves’’, entre ‘’la kabilie’’ et ceux qui en ont fait ‘’la reine’’. A ce niveau, les choses pourraient s’arranger à l’amiable en marge du théâtre auquel cette ‘’majorité mécanique’’ est en train de se livrer pour amuser la galerie.
Il n’y a pas de ‘’majorité au pouvoir’’. Il y a un groupe de Congolais et d’autres compatriotes africains infiltrés dans les institutions congolaises pour les affaiblir de l’intérieur et faire du pays de Lumumba un ‘’Etat raté’’. Ces compatriotes ne peuvent pas parler de ‘’rupture de confiance’’ entre eux et le peuple congolais ; cette confiance n’a pas été fabriquée et elle n’existe pas.
Malheureusement, plusieurs compatriotes sont tombés dans le piège de cette théâtralisation politique. Ils croient que ‘’la majorité au pouvoir’’ se déchire. Or, il n’y a pas de ‘’majorité au pouvoir’’. Il y a un groupe de Congolais et d’autres compatriotes africains infiltrés dans les institutions congolaises pour les affaiblir de l’intérieur et faire du pays de Lumumba un ‘’Etat raté’’. Ces compatriotes ne peuvent pas parler de ‘’rupture de confiance’’ entre eux et le peuple congolais ; cette confiance n’a pas été fabriquée et elle n’existe pas.
A notre avis, la théâtralisation de ‘’la confiance rompue’’ participe d’une stratégie de la démultiplication de la ‘’majorité de la kabilie’’ après une éventuelle fin de ‘’la kabilie’’. Les signataires de la lettre susmentionnée voudraient se présenter à l’opinion publique congolaise comme ‘’des futurs opposants’’ au ‘’raïs’’. Pourtant, ils sont et demeurent, comme lui, les membres de la nomenklatura au service du néolibéralisme. Leur stratégie contribue à dribler les faibles d’esprit d’entre les Congolais(es) en leur faisant croire que ‘’le raïs’’ est au pouvoir. Non.
Le ‘’raïs’’ n’est pas au pouvoir. Il n’a pas le pouvoir. Ce n’est pas lui qui a orchestré la guerre de basse intensité contre le Congo-Kinshasa. Il n’a pas la force de renverser les rapports de force par lui-même, de l’intérieur du système. Non. C’est faux. S’il bombe encore le torse, cela signifie qu’il jouit encore, parmi ‘’les maîtres du monde’’, d’un bon soutien. ‘’Les réseaux des affaires’’ occidentaux et africains semblent avoir encore de beaux jours au Congo-Kinshasa.
Tant que les masses populaires congolaises n’auront pas une direction à même de les pousser à se transformer en masses critiques capables de renverser les rapports de force imposés au pays depuis la guerre de l’AFDL, croire au théâtre que ‘’la majorité mécanique’’ est en train de jouer présentement est une bêtise. La lutte continue. Elle devient de plus en plus âpre. Africom menace de s’installer au pays de Lumumba. Il faut davantage de sagesse et d’intelligence pour la poursuivre.