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Lire, relire et comprendre la guerre systémique menée contre le Kongo

Lire, relire et comprendre la guerre systémique menée contre le Kongo

Lire, relire et comprendre la guerre systémique menée contre le Kongo 1200 764 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Des Kongolais, patriotes et souverainistes, veulent que la guerre de prédation et de basse intensité que connaît le pays prenne fin. Ils ne veulent surtout pas être les esclaves de l’ordre cannibale du monde. Des hommes et des femmes de bonne volonté, à travers le monde entier, partagent ce désir. Malheureusement, dans ce genre de situation, la bonne volonté ne suffit pas. Elle doit être accompagnée d’un travail d’intelligence mené en profondeur. Souvent, les fils et les filles du pays souhaitant que cette guerre arrive à son terme évitent de la situer, systémiquement, dans un contexte où les « cosmocrates », partisans de l’unipolarité, ont orchestré « la stratégie du chaos » pour que triomphe « le capitalisme du désastre » par dépossession.

Souvent les questions identitaires l’emportent sur les questions idéologiques et le règlement des comptes entre copains et coquins, « petites mains du capital », polarise le débat public au grand dam des populations meurtries. L’infobésité handicape la production d’une intelligence collective pouvant contribuer à l’organisation des collectifs dont le pays a besoin pour rompre avec le monde unipolaire et s’inscrire utilement dans la dynamique du monde multipolaire. Lire, relire et comprendre les écrits publiés au cours de la période unipolaire est nécessaire pour la suite des événements.

La guerre de basse intensité menée au Kongo-Kinshasa a coïncidé avec la montée du « capitalisme du désastre »

Le souci de voir la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa prendre fin pousse un nombre important de compatriotes kongolais à opter pour les raccourcis. Rares sont ceux qui essaient de se livrer à une lecture systémique de cette guerre. Le choix des raccourcis entretient une confusion terrible du point de vue des acteurs de cette guerre. Les acteurs apparents sont nommés acteurs majeurs et les sous-fifres sont considérés comme étant indispensables aux négociations pouvant conduire à la fin de cette guerre perpétuelle menée par des proxies interposés. L’une des erreurs du Kongo-Kinshasa, c’est d’avoir cru que les intermèdes de cette guerre étaient des moments propices pour organiser des « élections libres, transparentes et démocratiques » pour asseoir « une jeune démocratie ». Une erreur grave.

L’une des erreurs du Kongo-Kinshasa, c’est d’avoir cru que les intermèdes de cette guerre étaient des moments propices pour organiser des « élections libres, transparentes et démocratiques » pour asseoir « une jeune démocratie ». Une erreur grave.

La guerre de basse intensité menée au Kongo-Kinshasa a coïncidé avec la montée du « capitalisme du désastre » (cfr N. KLEIN, La stratégie du choc. La monté du capitalisme du désastre, Actes Sud, 2008.) Elle a eu partie liée avec l’usurpation du pouvoir réel par les entreprises multi et transnationales (Lire S. GEORGE, Les usurpateurs. Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir, Paris, Seuil, 2014). Donc, les transnationales et les transcontinentales ont dépossédé les politiques, dans plusieurs pays du monde, même ceux qui sont considérés comme les plus grands, du pouvoir politique réel. Etudiant cette question en profondeur, Alain Deneault a écrit un livre très intéressant intitulé « Le totalitarisme pervers d’une multinationale au pouvoir. Aux origines de la médiocratie » (Paris, Rue de l’échiquier, 2017). Il écrit, en fait, ce livre après un autre, « La médiocratie » (Paris,Lux,2015), comme pour aider à comprendre que les médiocres en politique ne peuvent pas être mieux compris sans leurs liens actifs et/ou passifs avec les multi et les transnationales. Donc, depuis longtemps, le fait économique a dominé le fait politique en faisant de la loi du marché et du néolibéralisme une stratégie d’expansion du marché anglo-américain afin de participé de la déstructuration des Etats-nations et de l’entretien du désordre mondial. Valérie Bugault, en publiant « Les raisons cachées du désordre mondiale. Analyse de géopolitique économique, juridique et monétaire » (Paris, Sigest, 2019) met le doigt sur la plaie tout en proposant des issues possibles.

Il est important d’étudier et de comprendre le contexte géoéconomique, géopolitique, géostratégique et juridique au cours duquel la guerre raciste de prédation et de basse intensité est menée contre le Kongo-Kinshasa. Ces écrivains occidentaux facilitent la tâche. Cela d’autant plus que « les usurpateurs » du pouvoir politique sont des transcontinentales.

Au cours de leur règne -qui n’ a pas encore touché à sa fin-, dans plusieurs pays, les élections au suffrage universel n’ont pas servi à grand-chose. En effet, écrit Jean Ziegler, « les dictatures mondiales du capital financier plonge les citoyennes et les citoyens, les travailleuses et les travailleurs du monde dans un état d’insécurité, de peur diffuse permanentes. Elles et ils sont confrontés en permanence à des forces contraires qui les dépassent complètement – et s’avèrent plus fortes mêmes que les Etats et les lois censés les mettre à l’abri. Elles et ils sentent bien que voter ne sert plus à grand-chose. Ces oligarchiques du grand capital imposent leur diktat et dominent la planète au prix de terribles conséquences socio-économiques, environnementales, quel qu’en soit el gouvernement élu. » Jean Ziegler continue : « Et ces menaces et les peurs qu’elles génèrent ont des effets : elles peuvent rendre hargneux, agressif, elles invitent à se tourner contre les dirigeants politiques et leur laisser-faire, leur faiblesse. Elles induisent chez beaucoup le désir de se mettre à l’abri, de se protéger de l’ordre cannibale. » (J. ZIEGLER, Où est l’espoir ?, Paris, Seuil, 2024, p.112).

L’Ouganda et le Rwanda dans leur rôle de proxies

Plusieurs des gouvernants des pays conquis par les guerres orchestrées par « le capitalisme du désastre » et qui en sont devenus des « petites mains » travaillent pour détruire les Etats-nations et produire des « Etats-ratés-manqués ». Au cours de ces guerres, le droit international a été instrumentalisé ou simplement ignoré au profit des règles édictés par « les cosmocrates ». Il n’y a pas eu un ordre normatif international contraignant.

Plusieurs des gouvernants des pays conquis par les guerres orchestrées par « le capitalisme du désastre » et qui en sont devenus des « petites mains » travaillent pour détruire les Etats-nations et produire des « Etats-ratés-manqués »… Un exemple. Pendant plus de trois décennies, l’Ouganda et le Rwanda utilisés comme des proxies par « le capitalisme du désastre » peuvent, au vu et au su de tout le monde, violer l’intégrité du territoire kongolais impunément.

Un exemple. Pendant plus de trois décennies, l’Ouganda et le Rwanda utilisés comme des proxies par « le capitalisme du désastre » peuvent, au vu et au su de tout le monde, violer l’intégrité du territoire kongolais impunément. Ceci ne peut être compris que dans ce contexte où ils sont instrumentalisés par « les cosmocrates » qui ne reconnaissent pas les frontières des Etats-nations.

Connaître ce contexte, « les cosmocrates » et leur mode opératoire, mobiliser l’intelligence, le savoir et l’action des peuples debout peut être une voie à emprunter pour renverser le rapport de force entre le fait économique et le fait politique. Une autre voie est celle idéologique empruntée par certains Etats-civilisations ayant réussi à soumettre politiquement le fait économique. La Chine est un exemple socialiste connu.

Il se pourrait que le passage du monde unipolaire ayant le néolibéralisme et son « Consensus de Washington » comme stratégie de conquête soit en train de toucher à sa fin. La coalition de la majorité des partisans du monde multipolaire pourrait revaloriser la charte de l’ONU pour garantir, dans les faits les principes de l’égale souveraineté, de la réciprocité entre les Etats, du droit des peuples à l’autodétermination et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats tiers.

En attendant, la lutte contre « les petites mains » du Capital du désastre doit se poursuivre. Elle devrait être accompagnée d’une diversification du partenariat géostratégique, géopolitique et géoéconomique.

 

Babanya Kabudi

INGETA.

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