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Les questions sans réponse de VK. Une lecture critique de l’intervention du Président de l’UNC au 15ème anniversaire de la Monusco (suite et fin)

Les questions sans réponse de VK. Une lecture critique de l’intervention du Président de l’UNC au 15ème anniversaire de la Monusco (suite et fin)

Les questions sans réponse de VK. Une lecture critique de l’intervention du Président de l’UNC au 15ème anniversaire de la Monusco (suite et fin) 800 601 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Nous avons entrepris de relire l’intervention du Président de l’UNC au 15ème anniversaire en trois petits articles. Ce dernier, comme les deux qui l’ont précédé, essaie de susciter un débat d’idées en vérifiant, à partir d’une abondante documentation disponible, la véracité des propos de Vital Kamerhe. Il partage, avec les deux autres, un souhait : participer à la réécriture de l’histoire du Congo-Kinshasa en prenant un peu de distance critique face à ‘’sa version officielle’’. Il ne serait pas exclu qu’une petite brochure poursuive le travail entrepris à travers ces trois articles en retravaillant et en approfondissant les propositions formulées dans celui-ci.

En tant que ‘’témoin’’, VK, retraçant l’histoire de la Mission des Nations Unies en RDC, dit vouloir s’en tenir aux ‘’faits’’ en évitant tout esprit partisan. Notre relecture de son texte est guidée par ce souci d’étudier ‘’les faits ‘’ qu’il évoque pour en vérifier la véracité.

Tenez. Au début de son aperçu historique sur cette histoire, VK note : « A la suite du génocide rwandais de 1994 de triste mémoire, près de deux millions des réfugiés rwandais, à majorité des hutus, vont se déverser dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, à l’Est de la RDC. » Et il ajoute : « Ces réfugiés parmi lesquels les ex-Forces Armées Rwandaises (FAR), l’armée de l’ancien président Habyarimana, étaient venus sous l’encadrement des militaires français à travers l’opération Turquoise entérinée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. (…), Sous les yeux de la communauté internationale, ces militaires parmi lesquels les responsables du génocide au Rwanda ont traversé avec armes, minutions et argent, alors que l’ONU avait toute la possibilité de les désarmer avant leur entrée sur le territoire congolais. (…) Pour éloigner cette menace que représentaient ces ex-FAR Interahamwe vis-à-vis de Kigali, il fut décidé, à l’issue d’une tripartite Zaïre-Rwanda et HCR, de leur déplacement à au moins 150 km des frontières à l’intérieur du Congo. »

Vital Kamerhe et le rapport Gersony

Une lecture attentive de ce texte indique de VK reconduit ‘’la version officielle’’ du ‘’génocide’’ telle qu’elle est contée à partir de Kigali. Pourtant, dans la suite de son texte, il fait allusion aux rapports des experts de l’ONU sur la guerre de basse intensité et de prédation menée contre la sous-région des Grands Lacs africains par l’Etat profond anglo-saxon. VK aurait-il lu ou entendu parler, par exemple, du rapport Gersony ? Qui est Robert Gersony ?

Il s’agit d’un expert américain du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) mandaté par cet organisme pour évaluer la situation des droits de l’homme après la prise de ‘’pouvoir’’ du FPR du mois de juillet au mois de septembre 1994. Que disait son rapport ? Que 1990 à 1994, plus de 30.000 victimes d’ethnie Hutu avaient été massacrés par les troupes de l’Armée patriotique rwandaise dans trois préfectures du pays.

Ce rapport promis par Koffi Annan (secrétaire général des Nations Unies et Prix Nobel de la paix) au ministre des Affaires étrangère du Rwanda, Jean-Marie Vianney Ndagijimana, ne lui sera jamais remis. Et quand le TPIR est créé le 08 novembre 1994, ce rapport ne sera pas mis à sa disposition. Jean-Marie Ndagijimana en témoigne quand il écrit : « Le 08 novembre 1994 était créé le Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Et comme on pouvait malheureusement s’y attendre, le rapport Gersony qui apportait des preuves irréfutables sur les massacres perpétrés par le FPR et rentrant dans le champ d’application des statuts du TPIR, fut mis sous embargo, afin d’ ‘’aider un gouvernement ami’’ à garder les mains propres. »[1]

Par lâcheté, par manque de courage ou par simple opportunisme, plusieurs acteurs politiques apparents au Congo-Kinshasa, dont Vital Kamerhe, ont choisi de cracher sur notre histoire au nom des élections.

Ce rapport, dorénavant disponible, confirme les propos de Christopher Black sur la destination finale de la guerre de basse intensité et de prédation menée contre la sous-région des Grands Lacs africains en mentionnant « une lettre de Paul Kagame, datée du 10 août 1994, faisant état d’un plan de Museveni sur le Zaïre et de leurs ‘’collaborateurs belges, américains et britanniques ‘’, Kagame y affirmait que les réfugiés hutu au Zaïre étaient un problème pour la mise en œuvre du plan (…). »[2] Contrairement aux propos de VK, les réfugiés Hutu (dont les ex-Far) seront massacrés par les proxies ougandais et rwandais non pas parce qu’ils constituaient une menace pour Kigali ; mais parce qu’ils étaient ‘’un problème pour la mise en œuvre du plan Museveni’’ sur le Zaïre. Pour réaliser ‘’ce plan’’, Kagame et le FPR devaient exacerber la haine ethnique en créant ‘’les escadrons de la mort’’. D’ailleurs, « les Interahamwe dont le nom est associé au génocide des Tutsi furent créés par un Tutsi devenu plus tard ministre dans le gouvernement tutsi du général Kagame. Le chef de cette milice à Kigali était lui-même tutsi ainsi que nombre d’infiltrés (…). »[3]

Pourquoi VK reconduit-il ‘’la version officielle’’ en prétendant ‘’témoigner des faits’’ ?

Le rapport Gersony et les autres documents auxquels nous venons de nous référer démentent ‘’la version officielle’’ du ‘’génocide’’ que reconduit VK en indiquant l’objectif final de la guerre de ‘’l’impérialisme intelligent’’ menée contre l’Ouganda, le Rwanda et le Congo-Kinshasa. Pourquoi VK reconduit-il ‘’la version officielle’’ en prétendant ‘’témoigner des faits’’ ?

Pour deux raisons probables. Il se pourrait que cette documentation lui soit inconnue. Il se pourrait aussi que corriger sa version de la guerre au Congo-Kinshasa soit dangereux et compromettant pour lui et pour une bonne partie de l’opposition congolaise prise dans le processus martialo-maffieux où ce pays se retrouve depuis les années 90. Comment ?

Il pourrait nier la qualité de Président au ‘’mercenaire’’ et ‘’Cheval de Troie’’ de Kagame qu’il a vendu aux Congolais(es) comme candidat présidentiable en 2006. Ce faisant, son palmarès en souffrirait. Sa qualité de Président de l’Assemblée nationale serait remise en question. Pour cause. Le processus martialo-maffieux ayant conduit à la mise sur pied d’une ‘’caisse de résonnance’’ du ‘’Cheval de Troie’’ de Kagame ne mériterait d’être dénommé ‘’Assemblée nationale congolaise’’. Elle n’aura été que l’un des lieux de l’avancement du ‘’ plan Museveni-Kagame’’ et de leurs parrains moyennant des sommes mirobolantes distribuées aux 500 élites compradores[4] de cette ‘’caisse de résonnance’’.

Pour dire les choses simplement, corriger ‘’la version officielle’’ de la guerre menée contre le Congo-Kinshasa démonétiserait VK et plusieurs compatriotes congolais impliqués dans ce processus martialo-maffieux depuis ‘’la guerre de l’AFDL’’. Pourtant, il le faut bien. D’où notre première proposition : « VK et les autres compatriotes de l’opposition et de la majorité dite présidentielle, faites un pas de côté. La documentation est désormais disponible. Lisez et/ou relisez la version revue et corrigée de la guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa. Cela vous aidera, si vous voulez servir ce pays, à rompre avec le processus martialo-maffieux dans lequel vous êtes engagés depuis 1996 et à travailler à l’avènement d’un autre Congo. »

Nous faisons cette proposition en sachant que sa réalisation sera difficile et même impossible sans un sérieux examen de conscience collectif et un certain ‘’sens de la vérité’’ ; sans une certaine thérapie collective.

Les faux ADF-NALU-FNL-FDLR sont l’arbre qui cache la forêt de la mise en œuvre du ‘’plan Museveni-Kagame’’, piloté par les élites anglo-saxonnes : Recoloniser le Congo-Kinshasa, le dépecer, exterminer sa population et faire main basse sur ses matières premières stratégiques pour satisfaire la cupidité et l’avarice de ‘’l’impérialisme intelligent’’ dans le mépris total des sœurs et frères de Lumumba.

D’où notre deuxième proposition : « VK et les autres compatriotes de l’opposition et la majorité dite présidentielle, veillez revenir à l’une des propositions faites lors de vos négociations et dialogues passés : la mise sur pied d’une Commission Justice, Vérité et Réconciliation[5]. Cela vous éviterait de faire la politique de l’autruche. Il n’y a pas de paix et de démocratie sans justice. Vous ne pouvez pas, tout en sachant qu’il y a eu des crimes commis au Congo-Kinshasa, promettre la lune à certains d’entre vous sans que la justice se soit prononcée là-dessus. » Oui. Plusieurs ‘’mercenaires’’ ayant infiltré les institutions formelles congolaises et abusivement appelés ‘’leurs excellences’’ et ‘’honorables’’ sont des criminels de guerre et des criminels économiques. Les rapports sur ces crimes, malgré leurs limites, existent. Il se pourrait qu’à l’issue d’un processus de Justice, Vérité et Réconciliation, les Congolais(es), victimes de la guerre de ‘’l’impérialisme intelligent’’ par des proxies-mercenaires interposés, acceptent d’offrir leur pardon. La vie pourrait ainsi renaître sur des bases éthiques suffisamment saines. Le Burundi vient de devancer le Congo-Kinshasa en créant sa CVR. Elle va travailler quatre ans durant pour examiner les crimes commis dans ce pays de 1962 à 2008[6].

La lâcheté, le manque de courage et l’opportunisme des acteurs politiques congolais

Nous estimons que sans ce processus de thérapie collective interne, les efforts externes de la Monusco et de ‘’la communauté occidentale’’ ne seront pas d’un grand secours. Cela d’autant plus qu’elles ont orchestré ‘’le plan Museveni-Kagame’’. La mascarade électorale de 2006, véritable piège à cons, fut une opération criminelle de recolonisation du Congo-Kinshasa au nom de ‘’la démocratie’’ et de ‘’la liberté’’ par ‘’la communauté occidentale’’ comme en témoigne Charles Onana dans un livre très bien documenté[7].

Oui. La vérité devrait aussi être faite sur des ‘’alliances politicardes contre-nature’’ nouées par certains partis politiques congolais avec ‘’les agences de sédition made in US’’ et sur leur rôle dans un pays où elles financent des centaines des ONG.

Le Congo-Kinshasa est en danger permanent. Les opérations Umoja wetu, Kimya I, Kimya II et les autres ont facilité l’infiltration de l’armée congolaise par des éléments extérieurs venus majoritairement du Rwanda. Ils sont, pour plusieurs d’entre eux, maîtres de la logistique militaire dans ce pays. Les statistiques récents font état de 9 généraux, 22 colonels et lieutenant colonels, 77 majors, plus de 330 capitaines. Les valeureux soldats congolais sont souvent envoyés ‘’au front’’ pour être massacrés. Les faux ADF-NALU-FNL-FDLR sont l’arbre qui cache la forêt de la mise en œuvre du ‘’plan Museveni-Kagame’’ : recoloniser le Congo-Kinshasa, le dépecer, exterminer sa population et faire main basse sur ses matières premières stratégiques pour satisfaire la cupidité et l’avarice de ‘’l’impérialisme intelligent’’ dans le mépris total des sœurs et frères de Lumumba.

La Banque Mondiale et le Fonds monétaire des Brics vont, petit à petit, abandonner le dollar comme monnaie d’échange internationale. Le recours à l’étalon-or est (et sera) salutaire pour les uns et pour les autres. La guerre des monnaies risque de coûter toujours trop cher au Congo-Kinshasa en vies humaines à cause de ses matières premières stratégiques. Si les acteurs politiques apparents congolais ont oublié, les USA, eux, savent qu’ils doivent, en grande partie, leur puissance militaire et leur pouvoir économique au pays de Lumumba.

Par lâcheté, par manque de courage ou par simple opportunisme, plusieurs acteurs politiques apparents au Congo-Kinshasa ont choisi de cracher sur l’histoire au nom des élections. Les expériences de 2006 et de 2011 ne leur servent pas de leçon. Où pourraient conduire les élections chapeautée par des ‘’mercenaires’’ dans un pays où l’armée et ‘’les ministères clés’’ sont entre leurs mains ? A l’implosion de ce pays.

Les temps sont durs. Ils vont peut-être se durcir davantage pour le Congo et les congolais.

Ces acteurs politiques apparents en sont venus à ne pas sérieusement tenir compte de la place du Congo-Kinshasa sur l’échiquier mondial ou à tout simplement se contenter du statu quo afin de jouer le rôle des ‘’nègres de service’’ et d’être des collaborateurs conscients ou inconscients de ‘’la stratégie du chaos et du mensonge’’ concoctée par ‘’leurs parrains’’.

Dieu merci ! Les minorités congolaises organisées et agissantes sont au four et au moulin. Il leur appartient de constituer des archives pour le Congo-Kinshasa d’aujourd’hui et de demain ; de penser davantage à un travail de thérapie collective mené en synergie pour créer un imaginaire alternatif au sein de la diaspora congolaise et au pays. Il leur appartient d’intensifier ce travail en synergie pour rompre avec le processus martialo-maffieux de recolonisation de leur pays par l’Etat profond anglo-saxon et ses ‘’mercenaires’’ ougandais, rwandais et congolais. Elles auront besoin de nouer des alliances avec ces ‘’citoyen(ne)s du monde qui estiment qu’il y a une alternative à la pensée dominante et esclavagiste néolibérale. Celles engagées en politique peuvent créer ‘’une école de l’excellence’’ en s’habituant à travailler avec des cabinets ou des ‘’think tanks’’ pour gagner la bataille des idées indispensable à l’avènement d’un Congo-Kinshasa véritablement souverain.

Les temps sont durs. Ils vont peut-être se durcir davantage. La guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Congo de Lumumba participe de la troisième guerre mondiale que ‘’l’impérialisme intelligent’’ est en train à mener contre la Chine et la Russie. L’or du Congo et son coltan y jouent et y joueront encore un rôle on ne peut plus important. La Banque Mondiale  et le Fonds monétaire des Brics vont, petit à petit, abandonner le dollar comme monnaie d’échange internationale. Le recours à l’étalon-or est (et sera) salutaire pour les uns et pour les autres. La guerre des monnaies risque de coûter toujours trop cher au Congo-Kinshasa en vies humaines à cause de ses matières premières stratégiques. Si les acteurs politiques apparents congolais ont oublié, les USA, eux, savent qu’ils doivent, en grande partie, leur puissance militaire et leur pouvoir économique au pays de Lumumba[8]. Un homme averti en vaut deux, dit-on. N’est-ce pas VK ?

 

Mbelu Babanya Kabudi

[1] J.-M. NDAGIJIMANA, Les secrets du « Rapport Gersony », dans Africa International, n° 364, Octobre 2003, p. 13.
[2] P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, p. 552. Ce livre permet de lire tout le rapport Gersony dans ses annexes.
[3] B. LUGAN, Les guerres d’Afrique. Des origines à nos jours, Paris, Rocher, 2013, p. 334.
[4] Pour comprendre le rôle de l’argent dans le « Plan de colonisation Tutsi de la région du Kivu et autres région de l’Afrique central », il est bon de le lire en ses 18  points  dans un livre de Charles Onana intitulé Ces tueurs tutsi. Au cœur  de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009 , p. 92-95.
[5] Sur cette question, l’Abbé Bertin Beya a écrit un article  très intéressant intitulé  Nelson Mandela, le ré-enchantement de la politique : enjeux et perspectives, dans Revue Africaine et de la gouvernance (RADG), Vol. I, n° 2& 3, 2014, p. 15-25.
[7] C. ONANA, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012.

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