Par Mufoncol Tshiyoyo
Qu’espère-t-on d’un énième film de la série, un film produit encore et toujours par l’Occident, sur les souffrances et les privations que l’Occident impose lui-même et avec appétit aux populations noires et congolaises ?
Évidemment, la question telle qu’elle a été posée ne devrait choquer aucune bonne conscience. Surtout pas quand on sait que l’antécédent créé par la publication du rapport Mapping n’a produit aucun effet majeur, voilà plus de 20 ans aujourd’hui après que l’Occident a fait élaborer et diffuser son fameux rapport. Qu’est-ce qui peut être attendu de « nous » ? L’absence de l’effectivité du rapport Mapping témoigne de la véritable nature du dessein, invisible et non déclaré, de l’Occident à travers son organe de tutelle la MONUSCO au Congo.
Le peuple du Congo en a marre
Par ailleurs, que l’on ne nous accuse pas de critique violente contre un film dont l’intention, bonne soit-elle, est de dénoncer le mal que l’Occident via ses supplétifs noirs fait subir aux populations congolaises. Ce n’est pas que l’on se déclare contre la production d’un énième film. C’est juste que le peuple du Congo en a marre. Il voudrait tout simplement savoir jusqu’où et jusqu’à quand il tiendra son mal en patience alors que la souffrance qui lui est infligée ne se réduit finalement qu’à sa plus simple instrumentalisation. Les « Noirs » congolais ne sont pas ici que de simples victimes à plaindre (une attitude à récuser).
Ce n’est pas que l’on se déclare contre la production d’un énième film. C’est juste que le peuple du Congo en a marre. Il voudrait tout simplement savoir jusqu’où et jusqu’à quand il tiendra son mal en patience alors que la souffrance qui lui est infligée ne se réduit finalement qu’à sa plus simple instrumentalisation. Les « Noirs » congolais ne sont pas ici que de simples victimes à plaindre (une attitude à récuser).
Vont-ils se contenter régulièrement de la production indéterminée de films quand la permanence de la violence exercée sur eux, loin d’être innocente, fait plutôt partie de l’ADN du dominant. La production du film ressemble un peu comme à de la pitié qu’un supérieur manifeste à l’endroit d’un peuple qu’il sait au départ dominé. Comme ces pauvres gens ne savent se défendre autrement produisons des films dont l’une des missions saurait les caresser dans le sens du poil, afin de l’amadouer et d’apaiser ses douleurs. Le film exprime également une attitude patriarcale. Devant un peuple dont le poids de l’histoire risque de demeurer son assujettissement. Subir et endurer inconséquemment.
On est donc ici conduit à se demander s’il faille combien de films pour arracher la fin, qui n’arrivera presque jamais, de l’exploitation du Noir congolais. Combien de films a-t-on déjà réalisés en faveur de la Palestine et pour des Palestiniens pendant que les USA et leurs alliés bloquent indéfiniment les résolutions de l’ONU au Conseil de Sécurité. Non, c’est plutôt l’attitude du nègre qui déroute : toujours bon enfant, souriant et sourire aux lèvres. Même quand il se trouve au-devant de l’action. Il se montre demandeur. Mais à genoux. Le peuple congolais applaudit à sa propre réification contre des miettes.
Au Congo, il y a absence de vainqueur proclamé
Qui plus est, le film produit en Europe sera diffusé au Congo. C’est ce que l’on apprend. À dire vrai, je ne sais pas ce que cela signifie. Des populations congolaises endurent régulièrement les atrocités commises sur elles. Elles les vivent dans leur chair et sur le terrain. Leur projeter le film équivaudrait à les réduire au statut de simples spectatrices qui sont assises et en train de se regarder travers des images malheureuses. On oublie un peu qu’en subissant de la violence régulière, elles sont actrices bien désavantagées, sur le terrain de combat. Voilà ce que j’éprouve des difficultés à saisir.
La vérité est qu’à Nuremberg, personne n’a eu à attendre la production d’un film ni la rédaction d’un rapport pour justifier de l’utilité d’un procès contre les Nazis. Pardonnez mon omission, il y a eu un vainqueur à Nuremberg. Au Congo, il y a absence de vainqueur proclamé. Est-ce que l’on saisit la pertinence de ce qui arrive ?
En vérité, il n’existe des « décideurs » auxquels la situation du Congo est étrangère. Le film n’a pas à les convaincre pour juger des crimes commis en leur nom. « Je te tue, les tiens et toi. Je réalise un film sur le massacre organisé. Par la suite, je t’implore de le regarder ». Qu’est-ce qui se passe dans l’entretemps ? Le film attend d’être primé. Des boucs émissaires nègres furent préalablement recrutés et nourris. Les Tutsis, des pauvres nègres de service, massacrent leurs propres frères noirs. Ils sont pointés du doigt. Pendant que des commanditaires exigent du Congo la production sans arrêt du cobalt. Toujours est-il que c’est aux Congolais de faire la pression, du moins pour ceux qui sont obligés d’y croire, pour essayer d’arracher ne fût-ce qu’un simple procès en leur faveur.
Qui croire ? Et, comment croire ? D’un côté, les Belges, les Américains et les Britanniques, pour ne citer que les principaux, continuent à soutenir, à former et à armer le Rwanda. De l’autre, l’Occident fabrique au Congo des monstres de Frankenstein sur qui il fait reposer la production et la commercialisation du cobalt. Rien n’a changé. Ce fut le cas avec le caoutchouc hier. Bref, la vérité est qu’à Nuremberg, personne n’a eu à attendre la production d’un film ni la rédaction d’un rapport pour justifier de l’utilité d’un procès contre les Nazis. Pardonnez mon omission, il y a eu un vainqueur à Nuremberg. Au Congo, il y a absence de vainqueur proclamé. Est-ce que l’on saisit la pertinence de ce qui arrive ?
L’Occident entame une nouvelle guerre contre l’Afrique
À tout prendre, l’Occident entame une nouvelle guerre contre l’Afrique. Cette guerre apparaît sous la dénomination du climat. Dans cette guerre, l’adversaire permanent de l’Afrique se réserve le beau rôle, celui du financier, celui du courtisan, du maître. Tandis que le rôle de l’Afrique comme continent n’a pas changé. C’est ce que nous apprend Raf CUSTERS, l’auteur de l’article « Au Congo, seule la colonisation est durable ». Il y affaire notamment, je cite : « Crise climatique oblige, les multinationales et les diplomates occidentaux enjoignent le Congo à stimuler sa production de cobalt, un composant essentiel, notamment pour les batteries des voitures électriques. Augmenter la production de cobalt, mais à quelles conditions ? Pendant que les Occidentaux rêvent de voitures propres et d’une planète plus verte, les Congolais triment pour alimenter une industrie pas très nette. L’esprit de Berlin flotte sur l’Afrique ».
Si nous n’assumons pas notre révolte, nous serons définitivement le dindon de la vraie farce à cause de la naïveté de ceux qui tout bonnement croient gagner contre l’Occident sans avoir préalablement renversé les rapports de force. Les matières premières au Congo n’appartiennent pas au Congo tant que la terre Congo n’est pas libérée.
Alors que l’Afrique est en « guerre », les Congolais, à travers sa nouvelle bourgeoisie élevée au rang de la classe compradore, chantent et dansent devant des images reçues sous forme des cadeaux empoisonnés. L’Afrique ne prend pas part à la guerre. Pour preuve, le Congo est isolé. Le pays est manipulé. Le Congo y va presque tout seul. Sans consulter le reste de l’Afrique. Or, son isolement participe de son affaiblissement. L’adversaire qui négocie avec le Congo le transforme en une proie esseulée, c’est-à-dire facile à broyer. Justement, c’est le Gand péché d’un « leadership chantonnant » et préfabriqué.
La nature du « pouvoir-os », il omet souvent d’associer son peuple à la guerre. De lui déclarer que l’Afrique est en guerre. On comprend mieux pourquoi ils ont eu à assassiner Lumumba, Cabral, Sankara… C’est pour que l’avertissement de Fanon ne trouve plus d’écho : « Notre tort à nous Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité » (Afrique Action, N° 19, 20 février 1961).
Ma plume n’a pas pour raison d’être de faire plaisir. Puisque si nous n’assumons pas notre révolte, nous serons définitivement le dindon de la vraie farce à cause de la naïveté de ceux qui tout bonnement croient gagner contre l’Occident sans avoir préalablement renversé les rapports de force. Les matières premières au Congo n’appartiennent pas au Congo tant que la terre Congo n’est pas libérée.
Likambo oyo eza likambo ya mabele…
Mufoncol Tshiyoyo, M.T.
Au nom de « D » comme « La Dissidence ».