Par Jean-Pierre Mbelu
« L’approche systémique signifie que les faits doivent être mis en relation, en chaîne et inscrits dans le temps long. Montrer les mécanismes permet de situer le niveau des enjeux où il s’agit d’agir. »
Etre éduqués et formés en famille, à l’église, à l’université au Kongo-Kinshasa , cela semble aller de soi. Poser des questions liés au moule et au modèle éducationnels n’est pas encore devenu une question majeure au coeur de l’Afrique et dans plusieurs pays du continent [1]. De quoi les Kongolais(es) et leurs congénères africains nourrissent-ils leurs coeurs et leurs esprits ? Pour quels résultats ? Au coeur de quel système ?
Les élans pris par le système sacrificiel au Kongo-Kinshasa devraient pousser à une sérieuse remise en question de l’hégémonie culturelle dominante et de la division du travail qu’elle impose aux marionnettes et larbins kongolais (et africains) vassalisés. Cela pourrait peut-être aider à comprendre les raisons pour lesquelles ils cachent la véritable nature de la guerre par morceaux dont le Kongo souffre depuis 1885 et susciter dans la masse critique kongolaise l’initiative de penser les conditions de possibilité de production d’une intelligence collective émancipatrice du néocolonialisme. Cela passe, entre autres, par l’élucidation de la lutte des classes à laquelle participe l’oligarchie ploutocrate kongolaise, toutes tribus et toutes ethnies confondues, recevant des éléments de langage de l’hégémonie culturelle dominante, participe aux dépens des masses populaires précarisées tout en rendant les identités tribales et ethniques meurtrières. Il s’agit, pour la masse critique kongolaise de reprendre l’initiative historique et de ré-engager sur un chemin d’une possible souveraineté en choisissant en conscience la résilience au détriment du système sacrificiel.
Le système sacrificiel, sa division du travail et ses objectifs
Le système sacrificiel essaie d’avoir une trompeuse organisation du travail dans les pays néocolonisés. Ses marionnettes et ses larbins y sont repartis en « démocrates » et « dictateurs », en « pacifistes » organisant « une diplomatie agissante » et « terroristes » violant impunément la charte de l’ONU et le droit humanitaire international. Cette division du travail sert des objectifs que les faits trahissent : désorienter, dérouter les coeurs et les esprits en imposant une hégémonie culturelle dominante, contrôler les énergies, s’accaparer des terres et des matières premières stratégiques, assujettir les populations appauvries, diviser les pays en des petits Etats faibles pouvant être opposés les uns aux autres afin d’entretenir le chaos facilitant leur servilité, etc.
Désorienter, dérouter les coeurs et les esprits en imposant une hégémonie culturelle dominante, contrôler les énergies, s’accaparer des terres et des matières premières stratégiques, assujettir les populations appauvries, diviser les pays en des petits Etats faibles pouvant être opposés les uns aux autres afin d’entretenir le chaos facilitant leur servilité, etc. Pour atteindre ces objectifs, des guerres menées par procuration sont programmées et menées par des proxys interposés.
Pour atteindre ces objectifs, des guerres menées par procuration sont programmées et menées par des proxys interposés. Les marionnettes et les larbins assumant le rôle des vassaux y jouent un rôle déterminant : cacher la véritable nature de ces guerres et les pérenniser, sacrifier les populations militaires et civiles et se rendre aux rencontres organisées par « leurs parrains » pour signer des accords bidons participant de la stratégie du « talk and fight », organiser des élections pièges-à-cons pour faire le jeu d’éventuels « terroristes », etc.
Bref, ce système sacrificiel se régénère de l’intérieur des pays néocolonisés moyennant des appuis et des (dés)orientations imposées de l’extérieure et/ou acquises par l’éducation sur le tas ou par certaines formations universitaires au cours desquelles « la pensée (est) enchaînée » par l’hégémonie culturelle dominante.
C’est d’elle que les vassaux susmentionnés tiennent leurs éléments de langage. A partir d’elle, ils savent dire qui est « démocrate » et qui ne l’est pas, qui est « terroriste » et qui ne l’est pas, qui est « pacifiste » et qui ne l’est pas, ce qu’est « la diplomatie agissante » et ce qui ne l’est pas, etc. Souvent, en niant les faits, leurs relations et leurs interactions , en magnifiant la dystopie.
Hégémonie culturelle dominante et identités meurtrières
A cause de cette hégémonie culturelle dominante élevant des vassaux au rang des « hommes et femmes d’Etat-raté-manqué » et cachant la véritable nature des guerres menées par procuration, les identités ethniques et tribales sont convoquées pour justifier les oppositions entre des pans entiers des populations imbécilisées, fanatisées et commises à leur service et les partis politiques cooptés par « leurs parrains ».
L’instrumentalisation des tribus et des ethnies promeut l’affrontement des identités rendues meurtrières par la publicité qu’en fait l’hégémonie culturelle dominante, par « la prise » des coeurs et des esprits qu’elle favorise au profit de la classe usurpant le pouvoir politique et vassalisant les oligarques ploutocrates kongolais. Et malheureusement, l’affrontement des identités meurtrières finit par prendre le dessus sur la véritable lutte émancipatrice : celle des masses appauvries contre « la corporatocratie » vassalisant les oligarques ploutocrates kongolais, toutes tribus et toutes ethnies confondues.
Dans cet imbroglio, dans un pays comme le Kongo-Kinshasa, en plus du « génocide » commis par procuration, les tribus et les ethnies, impliquées dans le complot favorisé par l’usage des éléments de langage de l’hégémonie culturelle dominante, peuvent elles aussi entrer en guerre et chercher à s’exterminer. Et la politique du « diviser pour régner » peut poursuivre son petit bonhomme de chemin vers la balkanisation et l’implosion du pays pendant que les multi et les transnationales tirent leur épingle du jeu en achetant les matières premières stratégiques à moindre coût ou en les pillant tout simplement.
Dans ce complot, l’instrumentalisation des tribus et des ethnies et les affrontements qu’elle provoque au sein de la population rendent difficile la possibilité des soutiens à offrir aux possibles « Chevaux de Troie » pouvant affaiblir le système sacrificiel de l’intérieur. Ils rendent illisibles les rapports de force opposant, d’une part, la classe des globalistes apatrides, leurs multi et leurs transnationales ainsi que leurs vassaux ; et d’autre part, celle des masses populaires précarisées.
L’instrumentalisation des tribus et des ethnies promeut l’affrontement des identités rendues meurtrières par la publicité qu’en fait l’hégémonie culturelle dominante, par « la prise » des coeurs et des esprits qu’elle favorise au profit de la classe usurpant le pouvoir politique et vassalisant les oligarques ploutocrates kongolais. Et malheureusement, l’affrontement des identités meurtrières finit par prendre le dessus sur la véritable lutte émancipatrice : celle des masses appauvries contre « la corporatocratie » vassalisant les oligarques ploutocrates kongolais, toutes tribus et toutes ethnies confondues.
Que faire ?
Comment faire pour renverser la vapeur en mettant fin à la division trompeuse du travail dont bénéficie l’hégémonie culturelle dominante nécoloniale et en déconstruisant les oppositions tribales, ethniques et particratiques que ses éléments de langage finissent par fabriquer , sans nier l’importance des mécanismes de contre pouvoir et de la coopération conflictuelle (non meurtrière)?
La réforme (révolutionnaire) dont il est question marche de pair avec celle des coeurs et esprits. C’est une oeuvre de longue haleine…
En s’habituant collectivement, à partir des communautés citoyennes de la base, des médias en ligne et des médias alternatifs, à analyser et à partager les faits historiques, matériels et géographiques indiquant qu’il y a des liens (de complicité) entre la classe des oligarques ploutocrates kongolais (et africains) et les forces néocoloniales qu’ils servent en se servant, qui leur fournissent des éléments de langage et organisent leur division du travail. En organisation des lieux de la production de l’intelligence collective interconnectés, en réformant la famille, l’école , les églises et l’université et en reprenant des récits re-civilisateurs puisés dans les traditions ancestrales kongolo-africaines tout en restant ouverts au travail abattu dans le même sens par des « Etats-civilisations ».
« La reprise » dont il est question n’est pas une copie conforme. Elle est « processuelle », « résultative ». Elle est le fruit de « la déprise » des coeurs et des esprits rendue possible par une relecture élucidée de l’expérience émancipatrice des ancêtres en fonction des choix opérés librement par la masse critique kongolaise pour décanter les liens asservissants et protégés par l’hégémonie culturelle dominante en vue de son « ré-engagement » pour une possibilité souverainiste. La réforme (révolutionnaire) dont il est question marche de pair avec celle des coeurs et esprits. C’est une oeuvre de longue haleine…
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
———