Par Mufoncol Tshiyoyo
L’Occident, vainqueur de Lumumba, a accédé par la Belgique interposée à la demande formulée par les enfants de Lumumba auprès de la justice belge : rapatrier les restes du corps de Lumumba au Congo. En effet, selon des sources belges, La justice [belge] « est finalement prête à rendre des restes du héros de l’indépendance du Congo Patrice Emery Lumumba à sa famille. Le juge d’instruction a décidé qu’un objet, en l’occurrence une dent, pourrait être rendu, après un avis positif du parquet fédéral rapportent Het Nieuwsblad, Gazet van Antwerpen et Het Belang van Limbourg ».
Il était temps, on dira pour que le pays qui a longtemps protégé les assassins de Lumumba et leur a aussi permis de garder contre tout esprit d’humanisme et sans motifs valables les restes de Lumumba. Tout ceci, c’était au vu et au su du monde donneur des leçons, sans que les meurtriers déclarés de Lumumba ne soient autrement inquiétés. Il en sera ainsi du monde dit chrétien qui s’est totalement tu.
« Demain » serait-il possible au Congo ?
Aucune voix ne s’est élevée même au nom du bon sens pour dénoncer le fait de maintenir sur le sol belge les restes de la denture de Lumumba. Malheureusement, ce qui s’est passé avec le reste de Lumumba n’est pas un acte isolé. Il rappelle les punitions infligées aux chefs Indiens de l’Amérique quand le vainqueur ramenait chez lui qui les cheveux, qui la tête d’un chef indien vaincu. Dans ce monde-là, il semble que c’est le sort courant que la nature de la lutte et l’esprit traumatisé du vainqueur réservent souvent avec fierté et dignité au vaincu. Peut-être, c’est pour s’assurer du contrôle de son âme et de démontrer à la face du monde non seulement le fruit de ses chasses, son butin, mais aussi les résultats et le symbole qui assurent sa nouvelle « puissance » acquise.
Il y a un manque criant d’ambition nationale au Congo. Le leadership politique congolais dans son ensemble a failli à sa mission en laissant la question de la revendication des restes de Lumumba auprès de la Belgique à la seule famille de Lumumba, à ses enfants alors que la question posée par cette revendication constitue l’objet même d’affirmation de la souveraineté nationale du Congo et de l’intégrité territoriale.
C’est dans ce contexte que l’écho de la phrase « la Belgique est ma seconde patrie » souffle à nos oreilles. Et on se demande, non sans raison, si seulement ses auteurs ont mesuré la charge morale et émotionnelle de leur déclaration, alors que le Congo reste dans le viseur belge. On est dans le semblant de croire que la Belgique a dit le dernier mot sur le Congo. C’est tout le contraire. La preuve la plus récente et palpable, c’est le soutien inconditionnel de la Belgique aux résidus de l’AFDL et à ses rejetons : les minorités rwandaises. Ici, les images de la conférence de Bruxelles tenue par la minorité sacrée en présence du congolais Pie Tshibanda en disent long. On y voit une Belge parlant sans gêne et en faveur des « élus ». La question, c’est que veut réellement la Belgique au Congo. « Demain » serait-il possible au Congo ?
Pour rappel, « un commissaire belge décédé, […], a reconnu avoir été parmi ceux qui avaient découpé Patrice Emery Lumumba après l’avoir tué ». « La dent de Lumumba aurait été prélevée par un policier belge qui a aidé à se débarrasser du corps ». Malgré cela, il y a un manque criant d’ambition nationale au Congo. Le leadership politique congolais dans son ensemble a failli à sa mission en laissant la question de la revendication des restes de Lumumba auprès de la Belgique à la seule famille de Lumumba, à ses enfants alors que la question posée par cette revendication constitue l’objet même d’affirmation de la souveraineté nationale du Congo et de l’intégrité territoriale.
Car à l’heure où l’intégrité territoriale du Congo reste sous menace, un leadership qui se veut clairvoyant et inspiré se serait mis en quête de tout ce qui pourrait symboliser la grandeur du pays. Il en fabriquerait même d’autres afin de pouvoir « galvaniser », de nourrir les masses, de les conscientiser à la chose nationale : arriver ainsi à entretenir la mémoire collective sur le sens à donner à la nation et à son devenir.
Le Congo passe à côté de son histoire
Le Congo, parce que c’est ainsi qu’il en a été décidé, passe à côté de son histoire. Quelle perspective idéologique pour l’Afrique et pour le Congo à l’annonce du retour au pays des reliques de Lumumba ? Désormais, le Congo a de quoi faire le deuil. Parce qu’avec cette dent, Lumumba aura enfin une dernière demeure, il sera enterré quelque part quand on se rappelle que sa disparition avait fait inspirer chez Chicaya U’Tam’Si le thème de mort sans sépulture en Afrique. Un cimetière pour Lumumba drainera le monde au Congo.
Quand la nation est en péril et recherche à tout moment à s’unir, tout symbole, même minime devient un outil de libération, d’épanouissement, de rappel historique de mobilisation des masses populaires. D’où, notre préoccupation actuelle, produire comme « idéologie » devant la donne nouvelle que provoquent les reliques de Lumumba au Congo ?
Un cimetière pour Lumumba, que l’homme soit aimé ou pas, mais je m’en fous quand la nation est en péril et recherche à tout moment à s’unir, tout symbole, même minime devient un outil de libération, d’épanouissement, de rappel historique de mobilisation des masses populaires. D’où, notre préoccupation actuelle, produire comme « idéologie » devant la donne nouvelle que provoquent les reliques de Lumumba au Congo ? Bien sûr que oui, le Congo se trouve grandement dans le besoin en ce temps de périls qui le guettent. N’est-ce pas qu’il faille voir et rêver grand à l’heure de grandes mutations ainsi que de bouleversements sismiques mondiaux ? ´
« Mao Zedong n’a jamais cessé de se soucier de la Chine dépecée par l’Occident. [Pour lui], cette mise sous tutelle ne devrait jamais se reproduire » (Defarges, 2011 :207).
Les Vietnamiens inventèrent et imposèrent le nationalisme « orgueilleux et obstiné ». Dans l’état actuel du Congo, le débat sur la peuplade, sur « des ressortissants originaires de… » participe du reniement de la colonisation, de l’esclavage, de l’assassinat et de la mort sans sépulture de Lumumba, de l’humiliation du Congo par l’Occident à travers sa soldatesque rwandaise ; c’est aussi renier l’Est du Congo, nos morts, Kamuina Nsapu.
Voilà pourquoi, et au nom de tous les nôtres, nous ne nous proclamons ni luba, ni mungala, ni mukongo, ni muswahili. Ce sont les 2 345 000 km2 qui expriment l’ambition actuelle de la grandeur d’un peuple avant de s’assumer et d’étendre aussi lointain que possible son appartenance au Continent noir. Pour ce faire, nous, comme peuple, un peuple est une construction sociale, sommes appelés à refuser la seule possibilité réductrice, la tribu, qui est offerte.
Le présent relève d’une nouvelle fierté ressentie et affichée. Nous revendiquons : Likambo oyo eza likambo ya mabele…
Mufoncol Tshiyoyo, MT,
un homme libre