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Le refus d’extrader Karake vers l’Espagne pourrait être un signal fort pour les plus amnésiques d’entre nous

Le refus d’extrader Karake vers l’Espagne pourrait être un signal fort pour les plus amnésiques d’entre nous

Le refus d’extrader Karake vers l’Espagne pourrait être un signal fort pour les plus amnésiques d’entre nous 600 399 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Dès que les populations de l’Afrique des Grands Lacs oublient que la guerre raciste qu’elles connaissent depuis le coup d’Etat mené contre Milton Obote (et même un peu plus tôt) est anglo-saxonne, il leur devient difficile de poursuivre leur véritable lutte d’émancipation politique. Elles commencent à parler d’élections et du fétichisme constitutionnel. C’est un peu triste.

‘’Le génocide congolais’’ est une œuvre anglo-saxonne. Si le documentaire intitulé ‘’Rwanda’s untold story’’, plusieurs livres et documents ne font plus mystère de ce secret de polichinelle. André Vltchek et Noam Chomsky y sont revenus dans un petit ouvrage intitulé ‘’L’Occident terroriste. D’Hiroshima à la guerre des drones’’.

Dans le documentaire susmentionné comme dans plusieurs documents consultables aujourd’hui sur ‘’le génocide congolais’’, le coup d’Etat fait contre Miltone Obote en Ouganda en 1986 et la guerre menée contre le Rwanda à partir des années 1990 étaient des étapes à franchir pour faire main basse sur les terres et les richesses du Congo-Kinshasa.

S’il est vrai que Londres refuse que Karake soit être extradé vers l’Espagne[1] pour être jugé au sujet de l’assassinat des sujets espagnols présents dans la sous-région des Grands Lacs Africains au cours de cette guerre raciste de conquête des terres congolaises, cela ne pourra étonner que les plus amnésiques d’entre nous. Souvent, plusieurs de ces compatriotes ne sont habités que par une seule question : « Que faut-il faire » ? Ils refusent de discuter de ce qu’il y a eu.

Juger Karake à Londres ou à Madrid serait contreproductif pour les anglo-saxons. Ils se tireraient une balle dans le pied. Le Rwanda et son Cheval de Troie opérant à partir du Congo-Kinshasa sont encore indispensables à ‘’la nation indispensable’’ (Les USA) et à ses alliés.

Souvent, ils affirment que tout le monde sait ce qu’il y a eu. Et quand Karake est arrêté en Grande-Bretagne, ils estiment que le temps de régler ses comptes au FPR de Kagame est arrivé : ils apprêtent des documents en oubliant que Kagame et Karake n’ont été que des exécutants des ordres des acteurs pléniers ; qu’ils n’ont été et ne seront que des acteurs apparents.

Il est et sera toujours difficile de répondre à la question « que faire » sans une bonne identification d’une part des enjeux et d’autre part des acteurs (pléniers et apparents). Cette identification nous semble être un préalable indispensable à la lutte d’émancipation politique de la sous-région des Grands Lacs africains et de l’Afrique.

Les luttes internes pour ‘’les élections’’ dans cette partie de l’Afrique nous semblent être des signes manifestes qu’elle est loin de maîtriser les véritables enjeux. A notre avis, plusieurs politiciens menant ces luttes devraient (lire ou) relire ‘’Carnages[2]’’ et ‘’Paix et châtiment[3]’’.

L’enjeu majeur dans cette partie de l’Afrique, c’est la percée de la Chine. Et il est important de savoir que ‘’la nation exceptionnelle’’ ou ‘’la nation indispensable’’ (les USA) en sa qualité d’empire (finissant ?) n’acceptent pas que les pays qu’elle considère comme étant ses rivaux aient accès aux ‘’biens communs globaux’’ pouvant les rendre capables de lui contester sa place de la ‘’nation’’ la plus puissante du monde. A ce point nommé, il serait intéressant de lire sa doctrine pour ‘’la sécurité nationale ‘’ de 2015.

Dans ce contexte, juger Karake à Londres ou à Madrid serait contreproductif pour les anglo-saxons. Ils se tireraient une balle dans le pied. Le Rwanda et son Cheval de Troie opérant à partir du Congo-Kinshasa sont encore indispensables à ‘’la nation indispensable’’ et à ses alliés. Les Congolais(es) tiennent tellement à leur souveraineté qu’il faudrait leur infliger une longue guerre d’usure. Les derniers rencontres entre ‘’le raïs’’ et le M23 à l’Est du pays ne sont pas des faits anodins.

Contrairement à ce que nous, Congolais(es), sommes incapables de faire, les anglo-saxons travaillent sur une même question pendant plusieurs années et y impliquent plusieurs générations. Ils lisent. Ils ont des think tanks. Ils archivent. Ils n’ont pas par exemple renoncé au rêve de Cecil Rhodes de faire de l’Afrique un marché autorégulé allant du Caire au Cap.

Le refus d’extradition de Karake en Espagne serait un signal fort. La guerre d’usure pourrait se poursuivre dans la sous-région des Grands Lacs africains sous plusieurs formes.

Que faut-il faire ? Les Congolais(es) ayant compris les enjeux refusent que nous puissions mettre nos propositions sur Internet. Eux (elles) croient en leur lutte d’émancipation politique et ont accepté d’y consacrer le temps nécessaire. Désormais, ils sont prêts à passer le relais aux plus jeunes.

 

Babanya Kabudi


[2] P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010.
[3] F. HARTMAN, Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la  politique et de la justice internationales, Paris, Flammarion,, 2007.

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