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Le Congo, une nation impossible ou une nation interdite ?

Le Congo, une nation impossible ou une nation interdite ?

Le Congo, une nation impossible ou une nation interdite ? 2362 1692 Ingeta

Par Mufoncol Tshiyoyo

Actuellement lisant Emmanuel Todd, La Défaite de l’Occident, je tombe sur l’extrait sélectionné ci-après : « Le monde issu des grandes vagues de décolonisation de la seconde moitié du XXe siècle s’est organisé en États qui ne pouvaient imaginer autre chose que de tenter de devenir des nations […]. Ce que Poutine […] et Mearsheimer […] refusent de voir est une vérité simple : à l’Ouest, l’État-nation n’existe plus » (Emmanuel Todd, 2024 : 25).

Soudain, tout s’éclaire. Tout s’aligne. Non pas parce que ce qu’il écrit est nouveau, mais parce que cela résonne cruellement avec ce que le Congo vit, ce que nous sentons, ce que nous savons sans toujours pouvoir le formuler.

L’Occident contre la nation, une fausse modernité

Le jugement de Todd, d’apparence froide, contient une torsion idéologique décisive. L’Occident ne s’est pas débarrassé de la « nation » par progrès ou évolution. Mais par stratégie. Il ne l’a pas transcendée. Il l’a plutôt instrumentalisée. Et désormais, il prétend la combattre. Mais seulement lorsqu’elle renaît ailleurs, surtout chez ceux qu’il a jadis soumis.

Ce que l’Occident redoute : des nations debout. Une nation debout, enracinée dans ses valeurs, son histoire et son territoire, n’est pas soluble dans les logiques de domination. Elle ne se laisse ni acheter, ni fragmenter. Cependant, elle résiste. Or l’Occident tolère uniquement des États clients, instables, divisés ou obsédés par leur seule survie.

Ce que l’Occident redoute : des nations debout. Une nation debout, enracinée dans ses valeurs, son histoire et son territoire, n’est pas soluble dans les logiques de domination. Elle ne se laisse ni acheter, ni fragmenter. Cependant, elle résiste. Or l’Occident tolère uniquement des États clients, instables, divisés ou obsédés par leur seule survie. C’est actuellement le cas du Congo. En revanche, il redoute, avec une peur glaciale, des États qui cherchent à se constituer en peuples souverains.

La Chine est une nation. La Russie est une nation. Ainsi, ce sont des problèmes. L’Iran résiste parce qu’il est porté par une conscience historique. Ces nations-là ne peuvent pas être dirigées de l’extérieur. Alors, elles sont donc désignées « autoritaires », « fermées » ou « menaçantes ».

Le crime exemplaire : briser les naissances nationales

Lumumba. Sankara. Cabral… Chaque fois qu’un peuple africain a porté un projet national digne, structurant, émancipateur, la machine s’est mise en marche. Coups d’État, assassinats, sabotages internes, campagnes de délégitimation : la nation doit mourir avant qu’elle ne vive.
On notera que leurs morts ne sont pas des accidents de parcours. Ce sont des actes stratégiques. Car ces noms désignés posaient un défi insupportable : démontrer que l’Afrique pouvait réfléchir et s’organiser de manière autonome.

La propagande promulguait l’idée que le Congo était « trop grand ». Mais pour qui ? Trop riche. Pour qui ? Trop central. Trop porteur de sens. Leur monde ne veut pas d’un Congo souverain. Puisqu’un Congo debout ébranlerait l’ordre des chèques, des bases militaires, des agences d’aide et des mensonges cartographiés.

La propagande promulguait l’idée que le Congo était « trop grand ». Mais pour qui ? Trop riche. Pour qui ? Trop central. Trop porteur de sens. Leur monde ne veut pas d’un Congo souverain. Puisqu’un Congo debout ébranlerait l’ordre des chèques, des bases militaires, des agences d’aide et des mensonges cartographiés. Alors, le Congo serait-il une nation impossible ? Ou c’est une nation interdite ?

Non, le Congo n’est pas pauvre. Il est empêché. Nous sommes à l’ère des grands ensembles. La Chine, les États-Unis, la Russie, l’Inde, tous sont vastes, peuplés, puissants. Pourtant, c’est le Congo qu’on voudrait sectionner, morceler, diviser. Pourquoi ? Parce que, dans son état actuel, avec sa taille, sa profondeur géographique et humaine, le Congo a la capacité d’être, lui aussi, un grand ensemble, un pôle, un acteur du monde. Il pourrait contribuer à l’humanité depuis sa propre histoire, sa propre mémoire, sa propre richesse. Alors, on veut empêcher cela. Le Congo, une nation impossible ? Ou une nation interdite ?

Faire nation aujourd’hui, c’est résister.

Ce n’est pas un repli. Ce n’est pas un fantasme. C’est un acte de guerre symbolique contre la dépossession. Faire nation, c’est dire : nous ne sommes pas ce que vous avez dessiné pour nous. Nous sommes ce que nous décidons d’être ensemble. Une volonté commune. Une mémoire relevée. Une promesse partagée. Faire nation, c’est refuser de mourir défini par d’autres.

Une nation est avant tout une communauté de destin, un projet partagé, une mémoire collective. Et si elle respire, elle finit toujours par se lever. Alors, cette démarche implique nécessairement une confrontation avec les structures de pouvoir existantes, tant locales qu’internationales. Elle exige une refondation des élites, une recomposition des alliances sociales, une réhabilitation des mémoires effacées.

Pourrait-on dire que le Congo est voué à l’échec ? Ou bien serait-il maintenu dans cet état artificiel de division et de dépendance ? De nombreux observateurs, comme Georges Nzongola-Ntalaja ou Nkese Ntanda Nkingi (Nationalisme pragmatique, 2020), ont montré comment les logiques de pillage, de clientélisme et de balkanisation interne étaient activement soutenues par des intérêts locaux et étrangers.

On craint ceux qui se relèvent dans le monde. C’est pourquoi ils ont tué Lumumba. C’est pourquoi ils ont brisé Sankara. Ce n’était pas leur révolte qui faisait peur. C’était leur cohérence, leur capacité à rallier, à fédérer, à forger un destin. Mais cette peur peut changer de camp. Comme une nation ne se tue pas. On peut disperser ses fils, corrompre ses dirigeants, salir ses rêves. Mais tant qu’il reste une voix pour dire « nous », une voix pour nommer l’injustice, une voix pour appeler à l’union, la nation respire.

Une nation est avant tout une communauté de destin, un projet partagé, une mémoire collective. Et si elle respire, elle finit toujours par se lever. Alors, cette démarche implique nécessairement une confrontation avec les structures de pouvoir existantes, tant locales qu’internationales. Elle exige une refondation des élites, une recomposition des alliances sociales, une réhabilitation des mémoires effacées. Elle suppose également une rupture avec les logiques de rente et de dépendance, ainsi qu’une volonté de construire une économie productive et diversifiée.

Voilà pourquoi nous assumons la continuité de la lutte. Pour la suite, advienne que pourra.

 

Likambo oyo eza nde likambo ya mabele…
Mufoncol Tshiyoyo, M.T., un homme libre

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