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L’amnésie collective, le défi anthropologique et la question électorale au Congo

L’amnésie collective, le défi anthropologique et la question électorale au Congo

L’amnésie collective, le défi anthropologique et la question électorale au Congo 620 388 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu apporte un éclairage sur l’engouement politique vis-à-vis des élections provinciales et l’intérêt suscité par les politiciens pour la prochaine présidentielle au Congo, rappelle pourquoi le Congo est un Etat raté, décrypte l’enjeu des divisions en politique, et expose les trois problèmes à résoudre d’urgence pour le Congo.

Sur l’engouement politique vis-à-vis des élections provinciales

Cette effervescence peut être lié au fait que plusieurs de nos compatriotes ont oublié l’histoire et sont tombés dans l’amnésie. Peut-être qu’ils n’ont rien d’autre à faire et estiment que dans un pays sans Etat, on peut arriver à organiser des élections dignes de ce nom. Ce sont des signes manifestes d’amnésie qui peuvent justifier cet engouement pour des élections pièges à cons.
Il n’y a pas de politique au Congo. Ce qui se fait au Congo, c’est un processus de démembrement, de balkanisation et de vente du pays au marché ultralibéral.
Une frange de l’opposition politique congolaise, les Forces Acquises aux Changements, s’est réveillée un peu tard, même si mieux vaut tard que jamais. Pour avoir cautionné le processus électoral en 2006 et 2011, cette frange de l’opposition s’est engagée dans un processus bidon. Mais si ce groupe que le processus, tel qu’il est engagé au pays, hypothèque l’avenir du Congo, il faudrait peut-être qu’ils s’engagent à lutter autrement plutôt que de persévérer dans la bêtise.

Sur la vente de l’Afrique au marché ultralibéral

Nous ne devrions pas considérer le Congo comme étant une île. Quand nous parlons du Congo, il est toujours important de pouvoir le situer dans le cadre plus large de l’Afrique et dans cette guerre qui est menée contre l’Afrique pour qu’elle puisse être prise en otage et devienne un grand marché autorégulé. Aujourd’hui, la partie concernée, c’est celle qui va de la République Centrafricaine à la Mozambique, amenée à devenir un grand marché autorégulé. Et si nous nous limitons à ce qui se passe au Congo, nous risquons de ne pas comprendre que l’Afrique est en train d’être vendue.

Sur le processus électoral en RD Congo

Où avez-vous vu des pays qui se respectent organiser des élections sans connaître le nombre réel des habitants qui les peuplent ? Vous ne pouvez pas dans un pays comme le Congo qui connaît une guerre permanente organiser des élections sans recensement. Il n’y en a jamais eu depuis les années 1980 au Congo. Et donc, ces élections, on va les organiser sur base de quoi ? Ce sera donc des élections organisées sous fond d’un public inconnu. Le recensement aurait pu se faire avant que le pays ne s’engage dans le processus électoral qu’il est depuis 2005.
Il est impossible de compter sur des élections dignes de ce nom, avec un corps électoral inconnu. Le fait que le corps électoral soit inconnu ouvre ce processus là à plusieurs manipulations. C’est aussi un signe qui trahit le fait que le Congo est un Etat raté. Dans un Etat raté, l’administration ne fonctionne pas et les manifestations de l’Etat raté sont aussi le fait que les habitants de cet Etat raté ont perdu toute mémoire historique et sont tombés dans l’amnésie.
Sur le problème anthropologique au CongoLes politiques au Congo ont un raisonnement conjoncturel. Ils ont, pour la plupart, perdu toute capacité de pouvoir nous projeter dans l’avenir, d’avoir une pensée stratégique à long terme. Mais le problème du Congo n’est pas que politique. Il est anthropologique. Anthropologique dans le sens où il implique toutes les dimensions de la vie au pays : La dimension politique, la dimension économique, la dimension spirituelle, la dimension éthique, la dimension morale. C’est à ce problème là que nous devrions travailler pour que demain, au lieu de nous contenter de solutions conjoncturelles, nous puissions avoir une pensée qui nous projette vers l’avenir. Mais vous ne pouvez pas travailler à la mise sur pied d’une pensée prospective concertée dans un Etat raté. Il est d’abord urgent de pouvoir résoudre le problème de la direction dans ce pays. Voilà pourquoi, au lieu de s’attarder sur cette question des élections, nous aurions pu nous organiser et aider le peuple à pouvoir aller jusqu’au bout de ce qu’il avait entrepris les 19, 20 et 21 janvier 2015.

Sur les exigences à répondre avant des élections dignes de ce nom au Congo

Au besoin, si des compatriotes s’entêtent à pouvoir s’engager dans un processus électoral, qu’ils commencent par dresser les profils des politiciens qu’ils voudraient avoir demain, qu’ils commencent par financer eux-mêmes ces élections là, qu’ils commencent par mettre fin à l’infiltration des institutions du pays par des éléments extérieurs. Si nous n’arrivons pas à répondre à ces exigences, croire qu’on peut organiser des élections qui donneraient des bons résultats au Congo, c’est faire la politique de l’autruche, c’est se mentir à soi-même pour seulement avoir bonne conscience.
Nous devrions aujourd’hui apprendre à conjuguer l’approfondissement de notre connaissance historique, et la conscience d’être nous-même pour nous projeter dans l’avenir. Jusque là, cette capacité, beaucoup de compatriotes ne s’en sont pas encore emparés et nous sommes plusieurs, à encore naviguer à vue.
Ni en 2006, ni en 2011, il n’y a eu d’élections au Congo. Il y a eu fraudes, tricheries, arrangements pour ceux qui devaient être commis au service des multinationales puissent occuper quelques postes de responsabilité afin de pouvoir faciliter les réseaux transnationaux de prédation au Congo. Voilà la vérité, le reste, c’est du blabla.

Sur les divisions en politique au Congo

A quoi servent les divisions en politique dans un Etat raté. Dans un Etat raté, les divisions sont utilisées par les réseaux transnationaux de prédation, pour pouvoir mener leurs stratégies du chaos. Une stratégie du chaos qui est en train de conduire à l’implosion et à la balkanisation du pays pour qu’une bonne partie de ce pays appartienne au marché de l’Afrique de l’Est. Tout le reste est fait sans intelligence dans les divisions entretenues expressément pour que le Congo ne sorte pas du bourbier où il est en train d’être enfoncé depuis près de deux décennies.
Voilà pourquoi nous devrions créer une structure supra-partisane au Congo. Sans une structure supra-partisane au Congo qui coordonne les organisations de la société civile, comme les partis politique, une structure qui soit au dessus de la mêlée, une structure qui soit composée des élites structurantes et organiques qui puisse donner un autre avenir au Congo, sans cela, nous l’allons pas avancer.

Sur les problèmes urgents à résoudre

Nous avons deux, trois problèmes essentiels à résoudre pour le moment. 1. Résoudre le problème de la direction : Avoir à la tête du Congo, des hommes et des femmes qui feraient partie d’un leadership collectif et consciencieux, et qui pourraient nous dire quelle vision ils ont du Congo de demain. 2. Mettre sur pied des organisations des élites organiques et structurantes qui puissent recréer un imaginaire alternative 3. Faire d’abord du Congo, un Etat social, souverain et de droit.
Si ces 3 problèmes ne sont pas résolus d’urgence, la balkanisation du Congo va éclater au grand jour. Parce que le Congo et l’Afrique sont de nouveau très mal repartis.

Sur le dialogue au Congo

Le Congo est en guerre depuis les années 1990. Si dialogue il y a, que ceux qui nous font la guerre, puissent eux aussi se retrouver autour de la table du débat. On ne va pas dialoguer avec les marionnettes de ceux qui ont cru lancer un processus de renaissance de l’Afrique en armant leurs proxies pour qu’ils puissent démembrer le Congo.
La documentation dont nous disposons aujourd’hui a aidé plusieurs compatriotes à bien discerner qui a fait quoi. Pourquoi ne pas aller directement vers ces gens qui nous ont mené la guerre pour que nous puissions négocier avec eux ? Pourquoi nous entêter à organiser des dialogues bidon avec leurs marionnettes ?

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