L’analyste politique jean-Pierre Mbelu expose les limites de la justice internationale et des multiples rapports sur le Congo, montre comment les multiples rapports publiés sur le pays ne nous avancent en rien, explique pourquoi il n’y a pas de problème d’insécurité au Congo mais surtout un problème de guerre perpétuelle, et décrypte les mécanismes de la dette odieuse que les usurpateurs du pouvoir de Kinshasa contractent avec la complicités des élites anglo-saxonnes et institutions internationales dans le but d’empêcher le Congo de se redresser. Pour jean-Pierre Mbelu, « il n’y a pas d’aide, c’est du bluff tout cela. On n’aide pas un pays qu’on est en train de tuer depuis les années 1990 ».
Sur l’affaire Chebeya
Une bonne partie de la vérité sur l’affaire Chebeya est déjà connue. Les assassinats de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana constituent un crime d’Etat. Les personnes qui y sont impliquées sont connues, notamment John Numbi. Mais on sait aussi que Numbi ne pouvait agir sans la complicité de Kabila… Notre peur est qu’au fur et à mesure que les jours passent, l’assassinat de Chebeya puisse tomber dans l’oubli et qu’on le passe sous silence, comme on l’a fait pour bien d’autres assassinats.
La justice ne sera jamais rendu sur ces assassinats chez nous parce que le système au sein duquel opère la justice chez nous est un système corrompu et entretenu par des criminels de guerre et criminels contre l’humanité.
Les assassinats de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana sont à situer dans le cadre d’une guerre perpétuelle qui dérègle les structures de notre société, désoriente nos compatriotes, l’inversion des valeurs, à la valorisation du mal,
et à la banalisation de la mort, au Congo mais aussi dans toute la sous-région des grands Lacs.
Sur le rapport 2013 d’Amnesty international et les autres rapports sur le Congo
Souvent ceux sont les mêmes qui nous mènent la guerre qui fabriquent des rapports qui nous avancent en rien. Par le canal de Joseph Kabila et son clan, l’ONU et la Banque Mondiale s’efforcent de recoloniser notre pays. Tous les rapports ne changent rien à l’entretien des relations entre Kabila et ces institutions.
Il est grand temps d’ouvrir les yeux et de lire au-delà des images qui nous sont présentés. Si les rapports pouvaient changer quelque chose à notre pays, le rapport Mapping du 1er octobre 2010 aurait été la base d’un grand bouleversement, pas seulement au Congo mais dans toute la sous-région des Grands Lacs. Mais aujourd’hui qui parle encore de ce rapport qui avait été tant soit peu toutes les responsabilités des marionnettes et nègres de service qui opèrent au Congo, en complicité avec leurs parrains.
Par ailleurs ce type de rapports comme celui d’Amnesty International crée la confusion. Quand on parle de groupes armés à l’Est du Congo, on y met même la résistance congolaise. Et demain quand on va s’en prendre aux groupes armées, on va s’en prendre aussi à la résistance congolaise ayant appliqué l’article 64 de la constitution du Congo. Pourquoi ces rapports ne font-ils pas la part des choses entre les criminels de guerre qui sévissent dans la sous-région des Grands Lacs, et la résistance congolaise qui essaie de sauvegarder la vie de nos compatriotes qui se font massacrer ?
Sur l’utilisation, par les congolais, des rapports publiés sur le Congo
Quand Mme Carla Del Ponte était au tribunal pénal international pour le Rwanda et qu’elle a osé essayer de chercher à juger les éléments du FPR impliqués dans les assassinats et les massacres de religieux rwandais, que eux-mêmes avaient reconnus, elle a été défenestrée du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
Nous avons beau lire ces rapports et les garder mais pour le moment que pouvons en faire dans un contexte où la justice et la politique internationale sont instrumentalisées par les élites transnationales qui nous font la guerre. On va aller où avec ces rapports ? La CPI est aussi instrumentalisée par les vainqueurs de la 2ème guerre mondiale. Les américains sont coupables d’assassinats et de massacres à travers le monde et ne sont jugés nulle part. Tony Blair et Georges Bush ont été condamnés cependant en Malaisie, mais c’est un cas rarissime. Le juge espagnol Merelles qui a tout un dossier contre les personnes impliqués dans la guerre chez nous, et qui est un occidental n’a pas pu arrêté les personnes impliquées. Alors, nous, contre qui cette guerre est menée, que pouvons-nous faire ?
Sur l’appel au dialogue entre le Rwanda et le FDLR, l’Ouganda et l’ADF-NALU, du président tanzanien Kikwete.
Le conseil du président tanzanien est en quelque sorte un piège. Parce que dans l’entendement du président tanzanien, le M23 est une rébellion congolaise. Il y a un problème, parce que le M23 est une milice rwandaise. Il n’y a rien à négocier entre Kabila et le M23, parce que c’est bonnet blanc, blanc bonnet. N’oubliez pas que les armes dont se servent le M23 proviennent du Congo, avec la complicité de Joseph Kabila. N’oubliez pas qu’il y a eu un deal secret entre le gouvernement de Kinshasa et le M23.
Ensuite, pourquoi Kagamé refuse de dialoguer avec son opposition et plus précisément les FDLR ? Parce que s’il dialogue, Kagamé risque d’être pris dans son propre piège dans la mesure où cette opposition rwandaise est comprise de gens qui ont évolué aux côtés de Kagamé et qui connaissent très bien son mode de fonctionnement. Ensuite, le dialogue avec les FDLR a déjà eu lieu. Il y a des FDLR dont Kagamé se sert comme subterfuge pour pouvoir revenir chez nous, comme prétexte pour l’entretien de cette guerre de basse intensité.
Sur la position de Museveni dans la crise des Grands Lacs
N’oubliez pas que Museveni avait été pressenti par les élites dominantes anglo-saxonnes comme président du nouveau pays qui allait émerger dans la sous-région des Grands Lacs. Et s’il accepte de dialoguer, il va trahir le projet de ses parrains. A certains moments, on dirait que nous allons la situation de la région des Grands Lacs, comme s’il s’agissait d’une situation normale.
N’oubliez pas que ceux qui ont décidé depuis les années 1990 de désorganiser, déstructurer et dérégler cette sous-région pour la remodeler n’ont pas encore renoncé à leurs projets. Et ils travaillent, entre autres, avec Monsieur Museveni.
Sur la question de l’insécurité dans la région des Grands Lacs
Il n’y a pas de problème d’insécurité dans la région, il y a un problème de guerre de basse intensité, un problème de guerre permanente. Chaque fois que nous réfléchissons sur ce qui se passe dans notre pays, essayons aussi de voir ce qui se passe dans d’autres pays. Regardez ce qui se passe en Syrie aujourd’hui. La Russie a livré des armes à la Syrie, l’Iran et le Hezbollah libanais. Parce que la guerre livrée contre la Syrie est une guerre par procuration livrée contre la Russie. Pour empêcher la Russie de contrôler les accès à la mer et aux voies par lesquelles transitent les matières premières, le gaz et le pétrole, les USA voulaient s’en prendre à la Syrie, au Liban et à l’Iran, pour contenir la Russie. La Russie a compris cela et c’est pourquoi elle arme ces pays au vu et au su de tout le monde.
Revenons maintenant chez nous. La France et la Belgique trônaient dans la sous-région des Grands Lacs avant les années 1990 y ont été chassés par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ils sont maintenant devenus les alliés de ces deux pays et aujourd’hui ces élites associées essaient de lutter contre l’avancée de la Chine dans la sous-région des Grands Lacs et en Afrique. Et contrairement à la Syrie, les congolais nous nous battons depuis 20 ans mains nues et seuls. C’est la communauté internationale qui nous fait la guerre. Nous nous battons contre les élites anglo-saxonnes, contre l’Europe mais aussi contre le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, et même contre certains Congolais qui ont infiltré nos institutions de l’intérieur. Et du point de vue géostratégique, nous n’avons aujourd’hui pas d’allié sur lequel nous pouvons nous appuyer pour faire face.
Sur la position du CALCC qui accuse Kagame, Museveni et leurs parrains occidentaux
Le CALCC (Conseil National de l’Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo) en tant qu’organisation de l’Eglise catholique atteint les coins et les recoins de notre pays. Le discours que tient le CALCC devrait rentrer dans l’éducation civique de nos populations pour les aider à comprendre davantage ce qui se passe réellement et les inviter à pouvoir se prendre en charge.
Son discours peut-être propagé et partagé à travers tout le pays pour que petit à petit nous puissions avancer dans la révolution idéologique en constituant des masses critiques à même de renverser la vapeur.
Aujourd’hui, je suis convaincu que ce sont nos populations, mains nues, qui peuvent encore renverser les rapports de force si elles ont accès à une bonne information, à une bonne éducation et à un civisme.
Sur le don de 80 millions de dollars au Congo pour combattre la mortalité infantile et « la dette odieuse ».
Cet argent n’est pas donné pour combattre la mortalité des enfants parce que le fait que nous ayons plus d’enfants n’arrange pas ceux qui donnent cet argent.
Nous sommes assimilés aux populations inutiles. Comment voulez-vous que des populations considérées comme des populations inutiles qui doivent disparaître de la face de la terre, comme voulez-vous que ces gens là qui nous considèrent comme inutiles nous donnent de l’argent pour que nous puissions sauver des vies ? Arrêtons de nous moquer de nous-mêmes.
Et puis 80 millions de dollars, c’est quoi ? Ils reprennent notre argent qui est volé et stocké à l’extérieur et on nous le rend sous forme de dettes tout en sachant que cet argent va rentrer dans les poches des individus et qu’il n’y aura aucun contrôle de l’usage de cet argent. Et ces individus qui vont empocher cet argent vont les remettre dans les banques qui ont déboursé cet argent. C’est ainsi que le pays s’endette. Et puis qui va refuser cette aide ? Ceux qui sont aux affaires aujourd’hui ne peuvent pas refuser cet argent parc qu’ils savent qu’ils vont s’en servir à titre individuel. Et ceux qui donnent cet argent savent cela. C’est pour cela que ceux qui ont compris appellent cela la dette odieuse.
C’est une dette odieuse que nous sommes en train de contracter sous un Etat manqué et que nos enfants auront à payer demain et c’est donné consciemment en dollars une monnaie qui n’a plus de valeurs. Et demain ceux qui sauront aux affaires ne seront pas organiser le pays parce qu’ils devront dépenser régulièrement des sous pour pouvoir payer cette dette. Il n’y a pas d’aide, c’est du bluff tout cela. On n’aide pas un pays qu’on est en train de tuer depuis les années 1990.