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La diabolisation des Nande fait partie d’un vieux « plan de colonisation » du Kivu

La diabolisation des Nande fait partie d’un vieux « plan de colonisation » du Kivu

La diabolisation des Nande fait partie d’un vieux « plan de colonisation » du Kivu 1200 800 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« L’histoire nous apprend que nous ne savons pas apprendre de l’histoire. » M. Jean  

C’est en connaissance de cause que je ne cesse de décrier l’autodafé au cœur de l’Afrique, au Kongo-Kinshasa. Plusieurs compatriotes ayant incendié les livres ou ayant une aversion à leur endroit comprendraient difficilement que le mercenariat de l’Ougandais Museveni et du Rwandais Kagame dans la guerre raciste de basse intensité et de prédation livrée contre le pays de Lumumba est, en grande partie, lié au « Plan de colonisation Tutsi de la région du Kivu et autres régions d’Afrique Centrale. » Il date d’avant les années 1960. Ce « Plan » a les Nande dans sa ligne de mire.

Qu’il y ait, parmi nos compatriotes Nande, quelques brebis galeuses, personne ne peut en disconvenir. Il y en a partout au pays. Quelques compatriotes ayant été membres de l’AFDL, du MLC ou du RCD, etc. en ont témoigné. De là à diaboliser toute une ethnie, il y a un pas qu’il serait souhaitable de ne pas franchir. La diabolisation de cette ethnie, comme de biens d’autres, est une tactique de guerre. Elle obéit à un principe simple : « Diviser pour régner. » Elle obéit aussi à un autre principe, celui de l’autoflagellation criminalisante. Il consiste à pousser les victimes de la guerre perpétuelle à se culpabiliser et à s’autoflageller en vue d’innocenter leurs bourreaux et d’en cacher les véritables causes.

Une des ethnies « les plus dangereuses » pour l’occupant

Du point de vue organisationnel, les Nande sont l’une des ethnies kongolaises les mieux outillées. Les structures et le fonctionnement de leur Kyaghanda en sont des preuves palpables. Cela en fait l’une des ethnies « les plus dangereuses » pour l’occupant. (Celui-ci connaît l’importance de l’organisation pour des groupes « minoritaires » ayant des objectifs précis à atteindre sur le court, moyen et long terme.) Ce n’est pas un hasard que l’un des responsables de ce Kyaghanda, Vincent Machozi, ait été assassiné le 20 mars en 2016.

Du point de vue organisationnel, les Nande sont l’une des ethnies kongolaises les mieux outillées. Les structures et le fonctionnement de leur Kyaghanda en sont des preuves palpables. Cela en fait l’une des ethnies « les plus dangereuses » pour l’occupant.

Qu’avait-il dit la veille de cet assassinat ? Ceci ; « On comprend ainsi le grave danger de toute rallonge au pouvoir de Joseph Kabila. Les congolais dignes de ce nom doivent refuser toute forme de transition. En effet, au vu de ce qui se passe au Kivu-Ituri, toute transition au-delà de décembre 2016, donnerait du temps et des moyens au gouvernement congolais qui est, de toute évidence, complice de l’occupation rwandaise du Kivu-Ituri en cours.»

Les  »autodafeurs » n’ayant pas écouté ou lu cette prophétie se sont réjouis de  »la rallonge au pouvoir(os) de Joseph Kabila » jusqu’en 2018 et de ce qu’ils ont appelé « la passation civilisée du pouvoir (os) »,  »sans un seul coup de feu ». Le mal était déjà fait.

Aujourd’hui, cinq ans après l’assassinat du Père Vincent Machozi, au Kivu-Ituri, 142 villages sont abandonnés par leurs habitants (au profit de l’occupant et de ses proxys). C’est-à-dire que le « Plan de colonisation Tutsi de la région du Kivu et autres régions d’Afrique Centrale » poursuit son petit bonhomme de chemin.

Faire cette relecture de l’histoire n’est pas synonyme de se plaindre

Et au sujet des Nandes, le point 18 de ce « Plan » est clair : « Nous devons lutter contre les Wanande et les Hutu (..) en nous servant des Hutu naïfs. » (Lire C. ONANA, Ces tueurs Tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009, p. 95) « Ces tueurs Tutsi » ne misent pas que sur la naïveté des Hutu. Non. Ils savent aussi qu’il y a des Kongolais « de service ». Naïvement, ces Kongolais « de service » s’attaquent à leurs compatriotes Nande en les accusant en bloc d’être des pompiers-pyromanes.

Faire cette relecture de l’histoire n’est pas synonyme de se plaindre. C’est tout simplement partager un apprentissage de l’histoire pour mieux comprendre le présent et préparer les luttes à venir.

N’ayant pas lu les deux premiers points du «Plan », ils n’en savent rien ou ne veulent rien en savoir. Seraient-ils surpris et/ou étonnés en lisant ceci : « 1. Tous les Tutsi doivent savoir que les Hutu sont apparentés aux Congolais et que notre plan de colonisation doit s’appliquer aux deux groupes ; 2. Tous les Tutsi doivent connaître parfaitement les méthodes utilisées pour conquérir le Rwanda et les appliquer aux Congolais et aux autres groupes ethniques qui les entourent » ? (Ibidem, p. 93)

Faire cette relecture de l’histoire n’est pas synonyme de se plaindre. C’est tout simplement partager un apprentissage de l’histoire pour mieux comprendre le présent et préparer les luttes à venir.

Que faire ? Apprendre, à temps et à contretemps, l’histoire du Kongo-Kinshasa, de l’Afrique et du monde pour mieux s’organiser et relever les défis auxquels le pays est et sera confronté.

Pour une refondation sur des bases souverainistes sûres

Sans changement des rapports de force, sans un pays réellement souverain, le problème de la diabolisation des Nande et des autres ethnies kongolaises risque de rester, pendant longtemps, sans solution. Quel est ce problème ? Il est celui de la cohabitation juste et de la cohésion nationales sur les terres kongolaises.

Le Kongo-Kinshasa a besoin d’être refondé sur des bases souverainistes sûres afin de garantir une saine cohabitation et une patriotique cohésion nationales sur ses terres reconquises par ses dignes filles et fils.

Les Maliens, placés face au même problème, pensent organiser « les Assises nationales de la Refondation » de leur pays en coupant le cordon ombilical du néocolonialisme et en diversifiant le partenariat stratégique. Le Mali est et reste un exemple à étudier.

En 1993, Fabien Eboussi Boulaga publiait un livre d’une grande portée philosophico-politique intitulée  « Les conférences nationales en Afrique noire. Une affaire à suivre. » A mon humble avis, en pensant à la possible organisation de ses  »Assises nationales de Refondation », le Mali de Modibo Keita pourrait assurer un suivi aux  »conférences nationales en Afrique noire ».

Oui, comme le Mali, le Kongo-Kinshasa a besoin d’être refondé sur des bases souverainistes sûres afin de garantir une saine cohabitation et une patriotique cohésion nationales sur ses terres reconquises par ses dignes filles et fils.

Babanya Kabudi Sombamanya
Génération Lumumba 1961

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